Poutine scelle l'annexion de quatre régions en Ukraine

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Les gens marchent vers la place rouge pour assister a des evenements marquant l'annexion des territoires sous controle russe de quatre regions ukrainiennes[reuters.com]
(Crédits : Reuters Photographer)

(Reuters) - Vladimir Poutine a officialisé vendredi l'annexion par la Russie de quatre régions de l'est et du sud de l'Ukraine consultées par référendum, au nom du "droit à l'autodétermination des peuples", une initiative immédiatement condamnée par les Occidentaux qui examinent de nouvelles sanctions contre Moscou.

Cette proclamation, signe de la détermination du président russe, est intervenue trois jours après la clôture des référendums organisés dans les quatre régions concernées (Louhansk, Donetsk, Kherson, Zaporijjia) - et non reconnus par la communauté internationale - qui se sont conclus par un "oui" au rattachement à Moscou à quelque 99%.

Les Etats-Unis et leurs alliés "ne se laisseront pas intimider" par la Russie, a déclaré le président américain Joe Biden dans un communiqué.

"Nous continuerons à fournir à l'Ukraine l'équipement dont elle a besoin pour se défendre", a ajouté Joe Biden en dénonçant la volonté russe de "redessiner les frontières de sa voisine".

Le président ukrainien Volodimir Zelensky a annoncé qu'il allait formuler une demande d'adhésion accélérée à l'Otan en réponse à l'officialisation de cette annexion.

Le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a accusé Vladimir Poutine d'avoir provoqué la grave escalade" du conflit provoqué par l'invasion russe de l'Ukraine en février.

Les 27 Etats membres de l'Union européenne ont condamné l'initiative dans un communiqué commun et réaffirmé qu'ils ne reconnaîtraient "jamais" les référendums qui constituent "une nouvelle violation de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine". Les résultats de ces consultations, soulignent-ils, sont "falsifiés et illégaux".

Emmanuel Macron a dénoncé "une grave violation du droit international comme de la souveraineté ukrainienne", ajoutant que la France se tiendrait "aux côtés de l'Ukraine pour faire face à l'agression de la Russie et recouvrer sa pleine souveraineté sur l'ensemble de son territoire".

"NOS CITOYENS POUR TOUJOURS"

"C'est la volonté de millions de personnes", a affirmé Vladimir Poutine lors d'une cérémonie officielle en présence de centaines de dignitaires dans le cadre de la salle de l'Ordre de Saint-George, au Kremlin.

"Les habitants de Lougansk (Louhansk en ukrainien-NDLR), Donetsk, Kherson et Zaporijjia deviennent nos citoyens pour toujours", a-t-il ajouté, ajoutant que les populations avaient voté "sans équivoque" pour "un avenir commun".

"Quatre nouvelles régions russes" seront ainsi formées, a-t-il dit, avant de signer des documents formalisant l'annexion aux côtés des quatre représentants des territoires venus à Moscou.

Nous défendrons ces terres "de toutes nos forces et par tous les moyens", a-t-il martelé, parlant d'un combat "pour la grande Russie historique" face à "l'hégémonie occidentale" et au "modèle néocolonial".

"Bienvenue à la maison", a lancé quelques heures plus tard le chef du Kremlin à des milliers de spectateurs invités à assister sur la place Rouge à un concert pop patrotique sur une grande scène parée des couleurs nationales. "La victoire est à nous", a encore affirmé Vladimir Poutine.

Les habitants des régions annexées ont fait le choix de rejoindre leur "mère patrie", a déclaré le président russe avant d'encourager la foule à acclamer l'annexion et le "sacrifice" des soldats russes par des "hourras", aux cris de "Rossia!" (Russie).

Plus de 15% du territoire ukrainien tombent ainsi sous le contrôle administratif de Moscou, après la Crimée en 2014 (soit au total quelque 18%).

"SATANISME"

Moscou revendiquerait environ 109.000km² du territoire ukrainien, mais certaines zones ne sont pas occupées par l'armée russe.

Si la Russie contrôle la quasi-totalité de Louhansk, ses forces n'occupent qu'environ 60% de la celle de Donetsk.

Interrogé sur ce qu'il adviendrait des zones qui ne sont pas actuellement sous contrôle russe, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a précisé vendredi avant le discours de Vladimir Poutine : "Elles doivent être libérées".

Les forces ukrainiennes ont de leur côté dit avoir parachevé vendredi l'encerclement de la ville de Lyman, dans le nord de la région de Donetsk.

Vladimir Poutine, applaudi à plusieurs reprises lors de la cérémonie au Kremlin, a appelé l'Ukraine, envahie par l'armée russe le 24 février dernier, à "un cessez-le-feu" et à revenir à la table des négociations.

L'Ukraine est prête à négocier avec la Russie quand celle-ci aura "changé de président", a répondu Volodimir Zelensky dans une déclaration enregistrée.

"Kiev (Kyiv en ukrainien-NDLR) doit respecter le choix de ce peuple, c'est le seul chemin vers la paix", a assuré Vladimir Poutine.

"L'Union soviétique n'existe plus, nous ne pouvons plus revenir dans le passé, mais la Russie n'en a plus besoin, n'a plus besoin de cela", a-t-il lancé.

Au cours de ses 37 minutes de discours, le chef du Kremlin s'est livré à une violente diatribe contre l'Occident, accusé de "satanisme", de "négation de l'être humain" et de violation des valeurs morales et familiales.

"Voulons-nous que dans notre pays, au lieu d'avoir un père et une mère, nous ayons un parent n°1 et un parent n°2? (...) Qu'on parle à nos enfants des opérations de changement de sexe?", a-t-il lancé, jugeant que la "propagande" de la "dictature du dollar" masquait la vérité.

La russophobie à l'oeuvre dans le monde est du "racisme", a-t-il dénoncé.

En outre, le dirigeant russe a de nouveau accusé les Occidentaux d'être à l'origine des quatre fuites d'importance détectées sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, en mer Baltique, évoquant des "explosions".

(Bureaux de Reuters, version française Sophie Louet et Jean-Stéphane Brosse, édité par Kate Entringer et Tangi Salaün)