Syrie : L'exode des civils se poursuit dans la Ghouta et à Afrin

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Syrie: l'exode des civils se poursuit dans la ghouta et a afrin[reuters.com]
(Crédits : Bassam Khabieh)

par Ellen Francis

BEYROUTH (Reuters) - La population a continué samedi à fuir par milliers les deux grandes zones où les combats font rage en Syrie : la Ghouta orientale, dans le sud-ouest du pays et la région d'Afrin dans le nord-ouest.

Une nouvelle vague d'au moins 10.000 personnes a fui l'enclave rebelle de la Ghouta orientale à l'est de Damas pour se réfugier dans les zones tenue par l'armée, tandis que les bombardements aériens se poursuivaient, ont indiqué les sauveteurs et l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

L'exode s'est également poursuivi dans le secteur de l'enclave kurde d'Afrin, alors que l'armée de l'air turque bombardait la ville d'Afrin elle-même, ont indiqué l'OSDH et les force kurdes syriennes. Plus de 150.000 personnes ont quitté la ville ces derniers jours, selon Hevi Mustafa, une des dirigeantes de l'autorité civile qui gouverne la région d'Afrin.

Les deux offensives, celle menée par l'armée syrienne avec l'appui de la Russie dans la Ghouta orientale et l'autre, "Rameau d'olivier", menée depuis janvier par l'armée turque et ses alliés de l'Armée syrienne libre (ASL) à Afrin, sont entrées dans des phases décisives cette semaine.

Les forces gouvernementales syriennes, qui ont lancé dans la Ghouta une de leurs offensives les plus sanglantes depuis le début de la guerre civile entrée ce mois-ci dans sa huitième année, ont coupé la Ghouta en trois secteurs. L'exode des civils par milliers a commencé cette semaine, autour de la commune d'Hammouriyeh.

Selon les médias publics, plus de 10.000 civils ont rejoint les lignes tenues par l'armée syrienne samedi et d'autres ont commencé à quitter la zone d'Harasta.

Ils devaient être évacués vers des abris temporaires par l'armée et le Croissant-Rouge arabe syrien, toujours selon les médias.

NE PLUS REPRENDRE LES ARMES

Hommes, femmes et enfants ont traversé la ligne de front à pied, trébuchant sous le poids des sacs et des valises, selon les images diffusées par la télévision publique. Beaucoup tiraient des poussettes ou avaient hissé leurs petits sur leurs épaules. Des personnes âgées clopinaient appuyées sur un bâton.

Le nombre exact de ceux qui fuient reste à déterminer, ainsi que leur destination, a indiqué l'Onu.

Selon un militaire syrien chargé des arrivées à Adra, les autorités ont réparti 25.000 personnes dans des hébergements provisoires dans cette commune ainsi que dans deux localités voisines. A Adra, les écoles ont été réquisitionnées pour accueillir les nouveaux arrivants qui reçoivent de la nourriture et des médicaments.

Selon cet officier, les garçons et les hommes âgés de 15 à 60 ans peuvent "solder leur compte" avec l'Etat en s'engageant par écrit à ne plus reprendre les armes. Quelque 1.500 hommes l'ont déjà fait, a indiqué l'officier.

Selon l'OSDH, une ONG basée à Londres qui tient la chronique quotidienne de la guerre en Syrie, les frappes aériennes sur Zamalka ont tué 30 personnes qui s'apprêtaient à partir pour les lignes gouvernementales. Outre Zamalka, les frappe aériennes ont touché Kafr Batna et Aïn Tarma, indiquent l'OSDH et des sauveteurs sur place.

Entre 12.000 et 16.00 personnes auraient fui la Ghouta avant samedi, tandis que plus de 48.000 personnes de la région d'Afrin auraient été déplacées, selon un membre de l'Onu en Syrie.

SANS REFUGE NI NOURRITURE

A Afrin, l'armée turque a repoussé les milices kurdes, les YPG, de la frontière. Les Unités de protection du peuple sont désormais quasi-encerclées. Le gouvernement turc estime que les YPG sont une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une insurrection séparatiste en Turquie depuis plus de 30 ans.

"Nous pouvons entrer dans Afrin à tout instant", a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan lors du congrès de l'AKP, le parti au pouvoir à Ankara. "La conquête est proche. Nous nous dirigeons vers ce but."

Les frappes aériennes et les tirs d'artillerie turcs, qui pleuvent sur la ville depuis plusieurs jours, ont incité des milliers de personnes à fuir la ville d'Afrin, à pied ou en voiture, indiquent l'OSDH et les autorités kurdes.

Selon la responsable Hevi Mustafa, les gens ont fui Afrin pour d'autres zones tenues par les Kurdes dans la région ou vers les lignes gouvernementales.

"La situation est tragique pour les personnes à l'intérieur", dit-elle. "Et les déplacés à l'extérieur d'Afrin sont dans la nature sans refuge ni nourriture."

L'armée turque a démenti samedi avoir bombardé un hôpital d'Afrin, en disant que sa campagne était menée de façon à ne pas nuire aux civils. Selon l'OSDH et les YPG, une frappe sur l'hôpital principal a fait 16 morts vendredi soir.

Environ 11.000 personnes, dont de nombreux émigrés kurdes, ont défilé samedi à Hanovre, dans le nord de l'Allemagne, pour protester contre l'opération de l'armée turque à Afrin.

Selon Rezan Hedo, un conseiller presse des YPG, et selon la télévision publique, les personnes arrivant dans les localités voisines de Nobl et Zahraa, contrôlées par le gouvernement syrien, ont reçu une aide.

A l'intérieur de la ville, "il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'hôpitaux", déclare Rezan Hedo. "Il y a des civils sous les décombres et personne pour les en sortir."

(Avec Dominic Evans à Istanbul, Polona Devitt à Moscou et Nael Shyoukhi en Arabie saoudite; Danielle Rouquié pour le service français)