Un an après son lancement, #Metoo n'a rien perdu de sa vigueur

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Un an apres son lancement, #metoo n'a rien perdu de sa vigueur[reuters.com]
(Crédits : Issei Kato)

par Ellen Wulfhorst

NEW YORK (Thomson Reuters Foundation) - Lancé il y a un an pour protester contre le harcèlement et les abus sexuels contre les femmes, #Metoo continue de faire des vagues à travers le monde et devrait jouer un rôle central dans les élections de mi-mandat le mois prochain aux Etats-Unis.

Pour ses promotrices, le mouvement de dénonciation est appelée à s'ancrer durablement dans la société en modifiant la perception à l'égard des femmes.

#Metoo est né des suites de l'affaire Harvey Weinstein, l'ex-producteur de cinéma qui faisait la pluie et le beau temps à Hollywood avant d'être accusé par des dizaines de femmes de viol et d'abus sexuels sur une période de plusieurs décennies.

Le mouvement secoue aujourd'hui Bollywood, dont l'un des acteurs et réalisateurs les plus célèbres, Nana Patekar, 67 ans, a été accusé à la fin septembre de harcèlement par une actrice, l'ancienne miss Inde Tanushree Dutta.

Au cours des derniers jours, de nombreuses femmes en Inde ont inondé les réseaux sociaux de messages témoignant de leur propre expérience de victimes de violences sexuelles et plusieurs vedettes du monde du divertissement et des médias, ainsi qu'un ministre du gouvernement, ont été mis en cause.

En Chine, un professeur d'université a été limogé après des accusations de harcèlement et dans des sociétés aussi conservatrices que le Pakistan ou l'Indonésie, des femmes s'expriment à leur tour publiquement contre les abus sexuels.

"UNE NOUVELLE ÈRE"

"Nous sommes entrés dans une nouvelle ère", estime Ashley Judd, l'une des actrices dont les accusations contre Weinstein ont déclenché il y a un an le flot de dénonciations sur les réseaux sociaux sous le hashtag #Metoo (moi aussi).

Parties de Hollywood, ces révélations d'inconduite sexuelle se sont propagées dans de nombreux pays, sur les campus, les lieux de travail et jusque dans les cabinets ministériels, et ont eu raison de la carrière de nombreux responsables haut placés.

Pour ses détracteurs et détractrices, #Metoo va trop loin et manque de nuances. Ils estiment que tous les hommes accusés d'inconduite ne devraient pas forcément subir le même traitement que celui appliqué à une personnalité comme Weinstein, qui nie les charges à son encontre.

Catherine Deneuve s'est retrouvée impliquée dans une polémique en janvier dernier pour avoir signé une tribune dans Le Monde dénonçant un soi-disant puritanisme lié à #Metoo et défendant pour les hommes une "liberté d'importuner". L'actrice a par la suite présenté ses excuses aux victimes d'agressions.

La première dame des Etats-Unis Melania Trump, dont l'époux est réputé pour sa misogynie, s'est immiscée dans le débat récemment en disant soutenir les femmes qui dénoncent publiquement leurs agresseurs, tout en leur conseillant d'avoir de solides preuves pour étayer leurs accusations.

Ces commentaires sont à inscrire dans le contexte de l'affaire Brett Kavanaugh, le juge conservateur de la Cour suprême finalement confirmé à son poste par les républicains malgré des accusations de harcèlement sexuel à son encontre.

Sa confirmation a constitué une victoire pour Donald Trump, qui s'est saisi de cette controverse et des manifestations anti-Kavanaugh pour dénoncer le traitement injuste que subiraient selon lui aujourd'hui les hommes américains, afin de galvaniser son électorat dans la perspective des élections de mi-mandat du 6 novembre, où il risque de perdre sa majorité à la Chambre des représentants.

"RIEN NE PERMET DE PRÉSAGER LA FIN DU DÉBAT"

Les femmes se mobilisent à l'approche de ces "mid-terms" américaines, qui doivent renouveler l'ensemble de la chambre basse du Congrès ainsi qu'un tiers des sièges du Sénat.

"Nous allons voir beaucoup plus de féministes siéger au Congrès", avance Toni Van Pelt, présidente de la National Organization for Women (Organisation nationale des femmes)

"Les femmes réalisent que nous devons avoir plus de voix féminines autour de la table ou nous continuerons à ne pas être respectées et à être traitées comme des citoyennes de seconde zone par les hommes vieux et blancs qui sont actuellement au pouvoir", poursuit-elle.

Plus de 42.000 femmes intéressées par une candidature à un poste électif ont contacté Emily's List, un groupe soutenant les candidatures féminines, depuis l'élection de Donald Trump à la présidence en 2016. Au cours des deux années précédentes, elles avaient été 960.

Les journalistes du New York Times Jodi Kantor et Megan Twohey, qui ont sorti les premiers articles sur l'affaire Weinstein, écrivaient récemment dans un éditorial publié dans le quotidien que "rien ne permet de présager la fin de ce débat sur le harcèlement et l'agression".

"Il est peut-être temps de commencer à penser cela moins comme un sujet d'actualité que comme un nouvel élément permanent de nos vies", ajoutaient-elles.

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français; La Thomson Reuters Foundation est la fondation caritative de Thomson Reuters dédiée à la couverture des sujets humanitaires et liés aux droits des femmes, à la lutte contre la corruption et au changement climatique.; http://www.trust.org)