Le Parlement européen entérine l’accord sur le droit d’auteur numérique

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(Crédits : Vincent Kessler)

STRASBOURG (Reuters) - Le Parlement européen a définitivement approuvé mardi le projet de directive sur le droit d'auteur à l'ère numérique qui doit permettre aux éditeurs, médias et artistes d'obtenir une rémunération auprès des plateformes internet pour la mise en ligne de leurs productions.

Les géants du net sont régulièrement accusés de capter l'essentiel de la valeur des contenus hébergés ou mis en ligne sur leurs sites, grâce à la publicité et à la monétisation des données personnelles des utilisateurs.

Après trois ans d'âpres négociations et d'un intense lobbying de la part des "Gafa" (pour Google, Amazon, Facebook, Apple) mais aussi des partisans d'un internet libre et gratuit, le texte avait fait l'objet d'un accord informel, le 13 février, entre les parlementaires et les gouvernements de l'UE.

Les eurodéputés ont entériné cet accord, à Strasbourg, par 348 voix contre 274 et 36 abstentions après un ultime débat opposant les deux camps.

"Pour la première fois, en quinze ans de mandat, nous avons été bombardés comme de vulgaires prisonniers politiques, intellectuels, culturels, par des mastodontes financiers qui vont prendre la totalité de nos activités", s'est ému dans l'hémicycle Jean-Marie Cavada, eurodéputé français du MoDem et ancien journaliste.

Il avait exhorté ses collègues à "voter ce texte, sinon ce sera un 'Munich' intellectuel qui aura de très graves conséquences sur l'avenir du continent européen", disant craindre la disparition de pans entiers de la production intellectuelle et notamment de celle des médias.

L'écologiste allemande Julia Reda, devenue l'égérie des anti-directive, a au contraire dénoncé un texte qui "dévastateur non seulement pour la liberté sur internet mais (qui) priverait toute une génération de la confiance dans la politique".

UN SUCCÈS POUR LA FRANCE

La crainte d'une censure de l'internet a touché tous les camps politiques. Le député grec d'extrême droite Lampros Fountoulis (Aube dorée), a dénoncé un retour à "l'Union soviétique", disant redouter que la publication de son nom et de ses discours ne soient plus possibles sur les réseaux sociaux.

La ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, dont le pays était en pointe sur ce dossier, a salué sur Twitter un vote important.

"Les créateurs, les artistes, la culture européenne ont gagné aujourd'hui contre les lobbies", a-t-elle écrit.

Dans les faits, les plateformes de partages de contenus en ligne devront obtenir une autorisation, et si besoin accorder une rémunération, pour la mise en ligne de tout contenu protégé par un droit d'auteur tels que publication de presse, œuvre écrite ou audiovisuelle.

Les hyperliens renvoyant vers un autre site ou les "très courts" extraits apparaissant, par exemple, sur un fil d'actualité, échapperont à cette règle, de même que les citations à des fins de critique, d'avis ou de caricature.

Ces droits "ne s'appliquent pas aux utilisations, à titre privé ou non commercial, de publications de presse faites par des utilisateurs individuels", ni aux données utilisées à des fins de recherche, d'éducation ou par des sites non commerciaux tels que Wikipedia.

Les hébergeurs devront veiller au caractère licite, au regard de la directive, des contenus mis en ligne, sous peine d'être poursuivis, sauf à démontrer qu'ils ont fait leur possible pour obtenir les droits ou pour en bloquer l'accès.

Cette disposition, qui suppose des mécanismes de filtrages sophistiqués, était particulièrement décriée par les opposants qui craignaient que sa mise en œuvre se révèle impossible pour les petites entreprises de l'internet.

Le respect de ces obligations devra toutefois être apprécié "à la lumière du principe de proportionnalité" en fonction du type et de la taille de l'hébergeur, des moyens disponibles et de leur coût, dit la directive.

Une exception est plus précisément introduite pour les start-ups dont certaines avaient fait front commun avec les géants du net pour contester le projet de la Commission.

Les plateformes de partage de contenus de moins de trois ans et affichant moins de dix millions d'euros de chiffre d'affaires bénéficieront de contraintes allégées en termes de filtrage.

Après l'adoption formelle du texte par les gouvernements, qui devait intervenir avant la fin de la mandature, les Etats auront deux ans pour mettre en œuvre la directive.

(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)