Le gouvernement exclut de légaliser le cannabis récréatif

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Le gouvernement exclut toute legalisation du cannabis recreatif[reuters.com]
(Crédits : Amir Cohen)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement français a exclu jeudi toute légalisation du cannabis à usage récréatif, une piste avancée notamment par le Conseil d'analyse économique (CAE) dans un rapport tirant les conséquences de "l'échec de la prohibition" dans le pays.

Une vingtaine de députés, dont certains appartenant à la majorité, ont pour leur part déposé une proposition de loi ouvrant la voie à une "légalisation contrôlée" du cannabis.

"La position du gouvernement est claire : nous sommes contre la légalisation à usage ludique", a balayé la ministre des Transports, Elisabeth Borne, sur LCI, renvoyant à la réflexion en cours sur le seul usage thérapeutique.

"Je suis défavorable à la légalisation du cannabis", a renchéri la ministre de la Santé Agnès Buzyn sur Public Sénat.

"Je suis en train de mener une lutte acharnée contre le tabagisme, ce n'est pas pour légaliser tout d'un coup le cannabis qui a les mêmes effets que les cigarettes notamment sur le poumon ", sans compter sa "toxicité sur le cerveau des jeunes", a-t-elle poursuivi.

EXPÉRIMENTATION DU CANNABIS THÉRAPEUTIQUE EN 2020 ?

Agnès Buzyn se montre en revanche ouverte à la possibilité d'autoriser l'usage du cannabis uniquement à des fins médicales, le "cannabis thérapeutique" pouvant avoir des "effets bénéfiques pour certaines maladies, certains symptômes", par exemple des douleurs chroniques.

Elle aussi favorable à une licence thérapeutique, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié mercredi un projet d'expérimentation, qui pourrait devenir réalité si le gouvernement donne son aval.

D'après la ministre de la Santé, le travail avec les experts pour aller vers un accès des patients à ces médicaments "avanc(e) bien" et elle "espère bien que les expérimentations pourront commencer en 2020."

Une cinquantaine de médecins et personnalités politiques, tels que l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, l'ex-ministre de la Santé Bernard Kouchner et le député Pierre Person (La République en marche), proposent d'aller plus loin et de légaliser complètement le cannabis afin de sortir d'une "impasse", comme ils l'écrivent dans une tribune publiée jeudi dans L'Obs.

A l'initiative de François-Michel Lambert, une vingtaine de députés veulent inscrire cette légalisation dans le marbre mais leur proposition de loi, déposée jeudi, a peu de chances d'aboutir compte tenu de la position de l'exécutif.

Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, lui-même sans "opinion arrêtée" sur le sujet, s'est tout de même dit prêt, sur franceinfo, à "se saisir" de la question, "comme de tous les sujets importants.

LES FRANÇAIS PARMI LES PLUS GROS CONSOMMATEURS

Les défenseurs de la légalisation ont trouvé un relais influent auprès du gouvernement avec le Conseil d'analyse économique (CAE), un think tank rattaché à Matignon, qui a publié un rapport allant dans le même sens.

"En dépit d'une des politiques les plus répressives d'Europe, les Français, et en particulier les mineurs, figurent parmi les plus gros consommateurs de cannabis de l'Union européenne", soulignent les deux auteurs, les chercheurs Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard.

"Le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec: non seulement il est inapte à protéger les plus fragiles, notamment les jeunes mais, de surcroît, il pèse lourdement sur les dépenses publiques et profite aux organisations criminelles", poursuivent les signataires de ce document, dont le gouvernement est libre de tenir compte ou non.

S'inspirant des expériences à l'étranger, notamment en Uruguay, au Canada et en Afrique du Sud, ils préconisent une "légalisation du cannabis récréatif, strictement encadrée" via un "monopole de production et de distribution du cannabis, placé sous l'égide d'une autorité de régulation indépendante".

Les deux économistes, qui évaluent la consommation française à environ 500 tonnes par an, imaginent un prix de vente de 9 euros le gramme - sous les tarifs du marché occulte aujourd'hui - en incluant une TVA à 20% qui rapporterait environ deux milliards d'euros par an à l'Etat.

"Le problème n'est pas l'argent, le problème est la santé publique", a de son côté insisté Agnès Buzyn.

(Simon Carraud, avec Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)