François de Rugy démissionne "pour se défendre"

reuters.com  |   |  861  mots
Francois de rugy demissionne pour se defendre[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - François de Rugy, mis en cause par Mediapart pour ses dépenses quand il était président de l'Assemblée nationale et ministre d'Etat, a annoncé mardi sa démission de son poste de ministre de la Transition écologique "pour se défendre".

L'Elysée a fait savoir qu'Emmanuel Macron avait accepté cette démission, "une décision personnelle qu'il respecte".

Il a été remplacé dans la soirée par l'actuelle ministre des Transports Elisabeth Borne.

Après le départ surprise de Nicolas Hulot fin août 2018, le chef de l'Etat a perdu un deuxième ministre de l'Environnement au moment où il s'efforce de donner une coloration plus écologiste à son gouvernement et à son action.

Fragilisé par les révélations de Mediapart sur son train de vie à la présidence de l'Assemblée nationale, puis de ministre d'Etat, François de Rugy n'a pas attendu le verdict du contrôle de ses dépenses par le secrétariat général du gouvernement.

Ce contrôle avait été diligenté à la demande du Premier ministre, Edouard Philippe. L'Assemblée nationale menait parallèlement ses propres investigations.

"Depuis le début de la semaine dernière, Mediapart m'attaque sur la base de photos volées, de ragots, d'approximations, d'éléments extérieurs à ma fonction", a expliqué le ministre démissionnaire sur Facebook. "La volonté de nuire, de salir, de démolir, ne fait pas de doute."

"La mobilisation nécessaire pour me défendre fait que je ne suis pas en mesure d'assumer sereinement et efficacement la mission que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre", a-t-il ajouté. "Dès lors, j'ai présenté ma démission au Premier ministre ce matin."

NOUVEL ARTICLE DE MEDIAPART

Il a également dit vouloir prendre du recul pour épargner à sa famille les affres d'un "lynchage médiatique" et éviter que l'action écologique du gouvernement "soit affaiblie par des mises en cause personnelles incessantes".

Il a enfin annoncé avoir déposé une plainte en diffamation contre Mediapart.

"Je n'ai absolument pas de raison de démissionner", déclarait pourtant encore vendredi François de Rugy, qui est apparu en bonne place derrière Emmanuel Macron, dimanche, dans la tribune officielle du défilé du 14 juillet à Paris.

Le chef de l'Etat avait lui-même lancé lundi une mise en garde contre la "République de la délation" et dit refuser de prendre des décisions "sur la base de révélations" et non de faits, en marge d'un voyage officiel en Serbie.

Mais il a pris acte mardi de la volonté de son ministre de "se défendre pleinement et librement", selon l'Elysée.

La députée Olivia Grégoire, porte-parole du groupe La République en marche, a pour sa part dénoncé un "acharnement" à l'égard du ministre démissionnaire. "Je pense qu'il est à bout", a-t-elle déclaré à la presse. "C'est aussi pour protéger sa femme, c'est aussi pour protéger sa famille."

Mediapart a dans un premier temps publié des photographies de dîners somptueux à l'hôtel de Lassay, la résidence du président de l'Assemblée, quand François de Rugy occupait cette fonction, et des informations sur des travaux réalisés dans son logement de fonction lorsqu'il a remplacé Nicolas Hulot.

Le président et cofondateur de Mediapart, Edwy Plenel, a déclaré à Franceinfo après l'annonce de la démission du ministre que le site d'information publiait un nouvel article.

"La démission de Rugy est provoquée par une nouvelle enquête de Mediapart", a-t-il déclaré. "Nous avons transmis hier soir de nouvelles questions à M. François de Rugy qui concernaient l'utilisation de ses indemnités de mandat quand il était député d'Europe Ecologie-Les Verts."

EXEMPLARITÉ

Ces questions, a-t-il expliqué, concernaient la façon dont François de Rugy a utilisé ces indemnités "à la fois pour payer la cotisation de son parti et pour d'autres dépenses".

"Nous faisons notre travail au service de l'intérêt général", s'est justifié Edwy Plenel. "M. de Rugy est le mieux placé pour le savoir, il a prôné la probité, notamment dans l'utilisation de l'argent public par les élus. Il aurait dû tirer les conséquences dès nos premières informations."

Dans l'opposition, Damien Abad, vice-président du parti Les Républicains, a estimé que la démission du ministre était une décision "sage" et "inéluctable"'.

"Ce qui est important pour nous ce n'est pas de couper des têtes, c'est de ne pas jeter le discrédit sur l'ensemble des parlementaires. Le fossé est suffisamment grand entre les Français et les élus pour ne pas en rajouter", a-t-il dit à LCP.

Pour Mathilde Panot, députée La France Insoumise, cette affaire pose "la question de l'exemplarité" des élus.

"Lorsqu'on utilise de l'argent public pour inviter ses amis à dîner, ça choque énormément", a-t-elle déclaré à la presse à l'Assemblée nationale.

Voir aussi :

PORTRAIT-La carrière de Rugy stoppée net

(Emmanuel Jarry, avec Caroline Pailliez, Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)