Aux agriculteurs qui s'insurgent contre la « concurrence déloyale » d'aliments produits à l'étranger d'une manière moins vertueuse qu'en France, le gouvernement a promis une meilleure « protection ». Y compris contre des pratiques peu transparentes des industriels et des distributeurs concernant les indications de provenance.
Le 1er février, le Premier ministre avait ainsi annoncé l'intention de la France de « promouvoir massivement l'étiquetage de l'origine des produits, notamment au niveau européen ». Le 22 février, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, a déclaré sur Sud Radio que le gouvernement comptait même anticiper cette démarche en France, et espérait parvenir avant juin à l'élaboration d'un « Origine Score ».
Des parts de marché multipliées par dix
A partir de la mi-mars, le gouvernement organisera donc une réunion avec l'ensemble des représentants des agro-industriels et des distributeurs pour lancer une réflexion autour des formes et de l'emplacement d'un tel label, dont l'objectif sera de renforcer la transparence de l'origine des produits transformés, explique le cabinet d'Olivia Grégoire. L'objectif est de le mettre en œuvre avant l'été. Le modèle de départ sera le prototype déjà élaboré par En Vérité, un collectif fondé il y a deux ans et réunissant une soixantaine de marques alimentaires.
« Le logo a une forme de camembert, dans lequel est indiqué l'origine du produit en pourcentages. Ces derniers correspondent à la part de chaque ingrédient dans la recette. Et on indique séparément le lieu de fabrication », explique à La Tribune l'un des deux fondateurs du collectif, David Garbous.
Si sa forme peut encore être améliorée, reconnaît-il, le label a déjà prouvé son efficacité. En Vérité l'a en effet déjà testé dans le cadre d'une étude portant sur trois produits: des haricots verts en boîte, des yaourts à la fraise et du ketchup. Les résultats sont édifiants:
« Lorsqu'il est apposé sur tous les produits d'un même rayon, il permet une augmentation très significative des intentions d'achats des marques les mieux-disantes : leurs parts de marchés sont multipliées jusqu'à par dix », relève David Garbous.
Le gouvernement espère d'ailleurs que, comme le Nutriscore, l'Origine-Score incitera les marques à améliorer leurs recettes pour gagner plus de clients.
Un Origine-Score européen en vue
Par rapport à ce dernier, l'Origine-Score n'attribue en revanche pas de notes aux produits. Mais cette caractéristique le rend compatible avec le droit de l'Union européenne, notamment avec un règlement dit INCO de 2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires, qui interdit toute indication de l'origine des produits pouvant constituer une distorsion de la concurrence, explique David Garbous. Le gouvernement compte d'ailleurs, dans un second temps, peser à Bruxelles pour faire adopter un Origine Score au niveau européen, à l'occasion de la révision du règlement Inco déjà lancée par la Commission. Dans ce cadre, le modèle élaboré par En Vérité aurait aussi l'avantage d'être transposable dans chaque pays, observe David Garbous.
Une transparence déjà testée sur des marques distributeurs
Cette démarche de transparence n'est en réalité pas nouvelle, a reconnu Olivia Grégoire. Dès 2019, E. Leclerc s'est en effet engagé à indiquer, sur ses produits à marque de distributeur, l'origine géographique précise des ingrédients principaux, remplaçant les appellations peu claires telles que « Origine UE ». La même année, Intermarché a lancé un « Franco-Score » : un étiquetage exprimant le pourcentage d'ingrédients français, apposé sur quelques-unes de ses marques.
Nombre d'industriels et de distributeurs se sont d'ailleurs déjà montrés intéressés par la démarche de son collectif, témoigne David Garbous. Mais en période d'inflation, toute l'attention était concentrée sur les prix. Le mouvement des agriculteurs a changé la donne et pourrait même permettre une nouvelle approche de la question par l'Union européenne, estime-t-il.
Entretemps, en France, le gouvernement multiplie aussi les contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à propos des indications d'origine. Des manquements ont ainsi été constatés dans 372 établissements, sur un millier qui ont été contrôlés, a révélé le ministre de l'Economie le 21 février. Ils pourront être suivis de sanctions pénales pouvant atteindre jusqu'à 10% du chiffre d'affaires de l'entreprise, a rappelé Bruno Le Maire. Quelque 70 entreprises pourraient être concernées, selon le cabinet d'Olivia Grégoire.