"Une révolution culturelle", c'est en ces termes qu'Elisabeth Borne, la ministre du Travail a annoncé ce chiffre record : l'an dernier, en France, près de 718 000 contrats d'apprentissage ont été signés. Malgré la crise, les jeunes de 16 à 29 ans - et les entreprises qui les accompagnent - ont choisi cette voie. Un parcours qui repose sur un système d'alternance entre l'école, qui dispense des cours théoriques, et l'entreprise, tournée vers l'acquisition de compétences pratiques.
Le nombre de contrats a augmenté de 37 % en 2020, après un premier bond de 42 % en 2020, première année de la pandémie. Près de 698 000 jeunes embauchés l'ont été dans le privé, et 20 000 dans le public.
Les effets de la réforme Penicaud
Cette hausse spectaculaire tient en premier lieu à la réforme engagée en 2018, portée à l'époque par la ministre du Travail, Muriel Penicaud. Elle a permis de libéraliser le système, en facilitant le dispositif - par exemple, il est aujourd'hui possible de s'engager dans un contrat d'apprentissage à n'importe quel moment dans l'année, alors qu'auparavant, il fallait se "caler" sur le calendrier scolaire. La réforme a aussi contribué à augmenter significativement le nombre de centres de formation. En cinq ans, près de 1.500 nouveaux CFA ont été créés sur le territoire.
Des aides financières pour les entreprises
Outre ce cadre simplifié, la dynamique a aussi été stimulée par les nombreux coups de pouce mis en place par le gouvernement à destination des entreprises. Ces deux dernières années, l'exécutif leur a offert des aides significatives pour les inciter à accueillir des apprentis : 5.000 euros pour un alternent mineur, et 8.000 au delà de 18 ans. Ce qui rend le coût de la première année d'apprentissage quasi nul pour l'employeur. Fortes de leur succès, ces aides sont d'ailleurs maintenues jusqu'à la fin du mois de juin 2022, dans le cadre du plan "1 jeune, 1 solution". Et tant pis, si cette réussite a coûté 4 milliards d'euros aux finances publiques. Pour le gouvernement, c'est loin d'être de l'argent perdu, c'est un investissement qui a contribué à faire reculer le chômage des jeunes.
Une voie royale vers l'insertion
Tous les niveaux de diplômes ont progressé, notamment le baccalauréat ou infra particulièrement. Mais les diplômes post bac restent la locomotive. Pour le gouvernement, c'est d'ailleurs le petit bémol. Cette progression repose encore trop sur l'enseignement supérieur, qui représente à lui seul, 62 % des contrats.
Les petites entreprises - moins de 50 salariés- sont les plus nombreuses à prendre des jeunes, elles représentent les deux tiers. Et si tous les secteurs ont joué le jeu, c'est le commerce qui été le plus volontariste, avec 160.000 contrats, suivi des secteurs du conseil et de l'ingénierie - plus de 66.000 contrats signés - , et de la banque-assurance 48.000 contrats.
Et si la reprise promet de booster encore l'apprentissage, l'exécutif espère lever les derniers freins. Mais ils sont certainement les plus compliqués car ils sont d'ordre culturel : assurer aux parents et à la société que l'apprentissage n'est pas une voie de garage mais bien d'excellence.
Les chiffres d'insertion devraient aider à convaincre les plus réticents : selon une étude de la Darès de 2020, six jeunes sur dix qui ont suivi un apprentissage décrochent un emploi dans les six mois après avoir terminé leur cursus. Parmi eux, 60 % sont en CDI.
Si le dispositif a fait ses preuves, il reste à le financer. La seule taxe d'apprentissage des entreprises ne suffit pas à investir dans les centres de formations des apprentis - les CFA- . L'Etat doit mettre la main à la poche.