Emmanuel Macron veut faire oublier la guerre en Ukraine et la pandémie. Après la longue séquence électorale du printemps, le chef de l'Etat reçoit ce lundi environ 180 patrons étrangers de 43 nationalités différentes dans l'enceinte prestigieuse du château de Versailles. Il s'agit « d'un record » selon l'entourage du quadragénaire. « D'habitude, il y a entre 120 et 130 patrons étrangers. Les patrons sont pressés d'entendre les ambitions du président pour les cinq prochaines années », ajoute-t-on.
Les dirigeants de Coca Cola , Disney, Citigroup, JP Morgan et Morgan Stanley, Merck, Fedex, Randstad ou encore Accenture ont été annoncés. Plusieurs fonds seront également là comme Ardian ou Tikehau « pour montrer le savoir-faire de la France ». Bruno Le Maire doit recevoir les patrons étrangers lundi midi pour le déjeuner avec plusieurs autres ministres également conviés à ce sommet avant plusieurs tables-rondes et entretiens bilatéraux dont certains devraient se dérouler à huis clos.
Cet événement intervient dans un contexte politique et économique beaucoup moins favorable qu'il y a cinq ans. Les résultats des élections législatives au mois de juin vont sans doute obliger le gouvernement à chercher des compromis à l'Assemblée nationale pour faire passer son programme de réformes parfois contestées. En outre, la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont plongé un grand nombre d'entreprises dans un épais brouillard.
Beaucoup d'investisseurs internationaux pourraient reporter ou annuler certains projets dans les cartons avant l'éclatement du conflit. Sur le front social, la poussée inflationniste est en train d'alimenter la grogne sociale. Partout sur le territoire, des mouvements de grève et des revendications salariales se multiplient à l'intérieur des entreprises. Pour le gouvernement, cette opération de communication est l'occasion de redorer l'image de l'économie hexagonale à l'étranger, fragilisée par tous ces mouvements sociaux.
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6,7 milliards d'euros d'investissements annoncés et 4.000 emplois crées
Au total, près de 6,7 milliards d'euros d'investissements devraient être annoncés durant la journée. Les 14 projets attendus devraient permettre de créer 4.000 emplois pérennes. La grosse annonce concerne ST Microelectronics, le fabricant franco-italien de semi-conducteurs et Global Foundries, le fondeur américain qui fournit des puces pour le compte de tiers, lesquels vont annoncer la création d'une usine de semi-conducteurs en France. Un investissement proche de 4 milliards d'euros. Par ailleurs, le groupe Amadeus (Espagne) spécialisé dans la gestion technologique pour réservation de voyages prévoit d'embaucher près de 800 personnes cette année à Sophia Antipolis dans un centre de recherche et développement. Le transporteur italien Trenitalia prévoit quant à lui de créer environ 100 emplois en France dans le contexte de l'ouverture à la concurrence du ferroviaire.
De leur côté, Fedex spécialisé dans la logistique ou encore Accenture devraient recruter respectivement 1.200 et 500 personnes dans l'Hexagone. Enfin, le groupe Randstad (intérim) devrait embaucher à tour de bras avec 7.000 emplois pour de nombreux secteurs (industrie, transport, logistique) mais il ne s'agit pas dans ce cas d'emplois pérennes.
La France, pays le plus attractif d'Europe depuis trois ans mais perd des parts de marché à l'étranger
L'attractivité de la France tend à se confirmer d'année en année. Selon les derniers résultats du baromètre EY, l'Hexagone occupe la première place du podium en Europe devant l'Allemagne et le Royaume-Uni avec plus de 1.200 projets annoncés en 2021. « L'attractivité économique de la France s'exprime à la fois au sein de grandes métropoles régionales, mais aussi dans les agglomérations de taille plus modeste puisque 43 % des investissements en 2021 se localisent dans des agglomérations de moins de 200 000 habitants », selon l'Elysée.
Le pays bénéficie du « prolongement d'un effet Macron » de libéralisation du marché du travail et de baisse de la fiscalité des entreprises, quand le Royaume-Uni reste pénalisé par un « effet Brexit » et l'Allemagne par un « effet plein emploi »qui complique les recrutements, notait EY en mai. En dépit de ces bons résultats en termes d'attractivité, l'appareil productif français est loin d'avoir retrouvé son niveau d'activité d'avant crise. En outre, la France a perdu de nombreuses parts de marché dans une grande variété de secteurs comme le rappelait une étude de l'institut Rexecode en février dernier.
Le périlleux défi de la réindustrialisation
Les deux longues années de pandémie et la guerre en Ukraine ont jeté une lumière crue sur l'état de l'industrie tricolore. Entre les pénuries de masques et de médicaments, les difficultés d'approvisionnement pour l'industrie automobile et aéronautique, les déboires s'accumulent pour l'économie française.
Face à cette industrie fragilisée par des années de crise et de délocalisations, le nouveau ministre en charge de l'industrie, Roland Lescure arrivé à Bercy il y a à peine une semaine, aura la lourde tâche de mener à bien la réindustrialisation de l'Hexagone. Cette mission devrait principalement passer par le plan d'investissement France 2030 présentée à l'automne 2021 par le président Macron.
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Cette enveloppe d'environ 30 milliards d'euros qui vise à réconcilier « innovation et industrie » doit permettre de financer les petits réacteurs nucléaires (1 milliard), l'avion bas carbone (4 milliards d'euros), les énergies renouvelables (500 millions d'euros), la décarbonation de l'industrie, l'agriculture et l'agroalimentaire (2 milliards d'euros) ou encore la santé (7,5 milliards d'euros).
En parallèle, les différents gouvernements depuis une dizaine d'années ont mené des politiques d'offre basées sur la baisse des prélèvements obligatoires (CICE, transformation du CICE en baisse pérenne de cotisation, baisse de l'impôt sur les sociétés, baisse des impôts de production). Toutes ces mesures sont loin d'avoir empêché des délocalisations d'industries tricolores et de creuser le déficit commercial de la France. Les multinationales françaises ont ainsi délocalisé une grande partie de leur production à l'étranger. Reste à savoir si le nouveau gouvernement fraîchement nommé va réussir à renverser la vapeur dans les cinq prochaines années.