« C'est fin 2021 et en 2022 que le poids de la crise va vraiment se sentir » (Philippe Grabli, Oneida Associé)

4 QUESTIONS. Avec le débranchement des aides aux entreprises, qui ont déjà coûté plus de 200 milliards d'euros à l'État selon une estimation du comité de suivi et d'évaluation des aides aux entreprises, Bercy s'attend, en plus du risque de liquidations, à d'importantes restructurations. Mais alors que les grands groupes peuvent recourir au CIRI (Comité Interministériel de Restructuration Industrielle) pour être accompagné, l'Etat se devait de fournir un outil similaire aux PME. Pour cette mission, il a sélectionné une vingtaine de cabinets pour cette mission, dont Oneida Associé (groupe Oasys & Cie), dirigé par Philippe Grabli.
Philippe Grabli est le président d’Oneida Associé, cabinet sélectionné par Bercy pour la recherche de repreneurs d’entreprises et de solutions de réindustrialisation pour des sites menacés de fermeture.
Philippe Grabli est le président d’Oneida Associé, cabinet sélectionné par Bercy pour la recherche de repreneurs d’entreprises et de solutions de réindustrialisation pour des sites menacés de fermeture. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - En quoi consistent ces missions d'accompagnement lancées par l'Etat et quelles entreprises visent-elles ?

PHILIPPE GRABLI - Bercy a voulu réunir un pool d'équipes spécialisées dans la restructuration, la fiscalité, la renégociation des dettes ou la recherche de repreneurs, catégorie pour laquelle nous avons été sélectionnés. En effet, il y a une montée en puissance de ce genre de situations, surtout en région.

Là-bas, c'est le commissaire au redressement productif qui, localement, fait remonter les sujets ou les demandes d'exonérations fiscales. Mais les PME ou les ETI, ces entreprises de taille moyenne qui réalisent un chiffre d'affaires de 5 à 40 millions d'euros, n'ont pas toujours le réflexe de demander de l'aide pour renouveler leur actionnariat. Pourtant ces entreprises sont jugées importantes par l'Etat pour le tissu local et pour leur technologie.

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Il s'agit d'un processus préventif pour que l'on sache agir face à une série de dossiers socialement sensibles. C'est la première fois que Bercy prend en main et finance ces sujets.

Ces entreprises feront l'objet de « restructurations et/ou de transformations ». Que pensez-vous de la place accordée à la réindustrialisation dans le plan de relance ?

L'industrie a longtemps été le parent pauvre de la politique économique, en tout cas au niveau des ETI. En Allemagne, des efforts ont été faits par l'Etat, les partenaires sociaux, les actionnaires. Mais en France il y a un décrochage : le tissu industriel est parfois très faible alors qu'il irrigue une grosse partie de l'économie, avec les sous-traitants, le transport, l'hôtellerie, les services...

Le plan de relance remet davantage l'industrie au cœur de l'économie, mais c'est peut-être trop tard pour certaines entreprises. L'Europe est confrontée à une pression très forte avec la flambée des matières premières : seront-elles capables d'y faire face ? Elles sont un peu insuffisantes au niveau technologique : il faut les faire monter en puissance. Sur le plan de la robotisation aussi, la France est en retard : il faut mettre plus de compétitivité et de technologie dans les produits. Cela fait partie de la relance.

Quelle place ont les régions dans la relance ?

Bercy n'a pas pour objectif de mener une nationalisation rampante mais plutôt d'accompagner des industriels privés dont l'activité est sous-performante, en identifiant des solutions d'adossement qui permettent de les pérenniser. Le ministère et les acteurs locaux, notamment les régions, peuvent donc aider à la recherche de repreneurs mais les entreprises restent les mieux placées pour réfléchir aux stratégies d'entreprise.

Une fois le projet de reprise identifié et bouclé, beaucoup de ces entreprises continuent à avoir du mal à recruter ou à garder des effectifs qui doivent être formés. Jusqu'à maintenant, elles n'ont pas beaucoup souscrit à l'APLD (activité partielle de longue durée, Ndlr) qui implique des contreparties jugées trop contraignantes. Peut-être qu'avec une meilleure visibilité économique qui pourrait se dégager, elles la privilégieront davantage, ainsi que le dispositif TRANSCO (Transitions collectives, Ndlr), qui permet aux salariés de se reconvertir en quittant des secteurs sinistrés actuellement, comme l'aéronautique. En effet, certaines compétences sont difficiles à trouver en régions et tous les bassins d'emploi ne sont pas égaux.

Bercy a annoncé la fin progressive des aides. Comment préparer les plans sociaux qui accompagneront la sortie de crise ?

Les plans sociaux cibleront en priorité le transport, la distribution non alimentaire, l'hôtellerie ou l'événementiel. En plus, la crise sanitaire va sans-doute impacter les entreprises qui voudront être plus agiles ou réduire leurs niveaux hiérarchiques : je m'attends à une hémorragie dans les fonctions de management intermédiaire, dans tous les secteurs.

Mais au-delà des aides publiques, il faut se poser la question de la demande. Si la distribution alimentaire ou le e-commerce sont revenus à des niveaux d'activité supérieurs à ceux de 2019, il y a un vrai sujet dans l'aéronautique ou l'automobile. Les petits sous-traitants risquent de souffrir : avec la fin des aides, on voit arriver les plans de départ volontaires, les licenciements collectifs, les ruptures conventionnelles et la hausse du chômage. C'est fin 2021 et en 2022 que le poids de la crise va vraiment se sentir. Par ailleurs, le rapport au travail s'est modifié pour de nombreux salariés : il va y avoir à la fois beaucoup de suppressions de postes et aussi beaucoup des postes difficiles à promouvoir.

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Commentaires 6
à écrit le 11/05/2021 à 14:07
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La monnaie n'est qu'une huile que l'on met dans les rouages de l'échange mais certain l'utilisent pour qu'elle travaille a leur place!

à écrit le 11/05/2021 à 13:59
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Visiblement ils sont optimiste sur leur pessimisme, sachant que l'on ne leur reprochera pas! Mais, par contre, bien utile pour faire accepter des réformes qui ne favorisent que les rentiers!

à écrit le 11/05/2021 à 8:10
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Le pire n'est jamais sûr. Et tous les prévisionnistes, économistes etc... qui nous annonçaient une catastrophe pour la rentrée 2020 en ont été pour leurs frais : un vrai gag. Même si ça bien aidé à remplir les médias. Entre les espaces publicitair...

à écrit le 11/05/2021 à 4:56
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bercy, le mot qui file des cauchemards a tout chef d'entreprise.

à écrit le 10/05/2021 à 11:54
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L'Europe est en déclin, que vous le vouliez ou non, la situation ne peut pas s'améliorer pour le citoyen lambda mais seulement pour quelques privilégiers.

à écrit le 10/05/2021 à 8:17
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Il n’y a pas besoin de se référer ã nos hauts fonctionnaires de Bercy pour savoir que nous vivons sous perfusion d’argent public que nous n’avons pas. On verra bientôt que certains restaurants notamment trouvaient que les aides d’état étaient plus a...

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