Augmenter l'impôt sur les sociétés ou taxer les riches : les pistes pour financer la relance

Après les dettes et les déficits laissés par les politiques d'« helicopter money », comment récupérer les fruits de la croissance ? Les gouvernements, même « pro business », voient une réponse simple : en taxant les bénéfices des entreprises qui retrouveront de la vigueur au moment de la reprise, et avant cela, en surtaxant celles qui ont engrangé des profits grâce à l'économie confinée du Covid. Le FMI propose même de mettre à contribution les grandes fortunes individuelles à travers « un éventail d'options disponibles ».
Jeanne Dussueil
Nous soutenons une hausse de l'impôt sur les sociétés, a répondu le fondateur d'Amazon Jeff Bezos suite à la proposition du président Biden d'augmenter l'IS aux États-Unis.
"Nous soutenons une hausse de l'impôt sur les sociétés", a répondu le fondateur d'Amazon Jeff Bezos suite à la proposition du président Biden d'augmenter l'IS aux États-Unis. (Crédits : KATHERINE TAYLOR)

Comment amortir les 1.900 milliards de dollars du plan de relance américain, les 750 milliards d'euros du plan européen, les 100 milliards prévus à date par l'État français...? Après le choc de l'arrêt de l'activité, les gouvernements, qui ont massivement recours aux rachats de titres de dette publique opérés par la BCE sur le marché secondaire pour soutenir les entreprises face au Covid-19, font le même constat : dette et déficit explosent, au risque de laisser des stigmates sur plusieurs générations. En France, il ont tous deux été portés respectivement à près de 120% du PIB fin 2020 et à plus de 211 milliards d'euros, soit un déficit qui a triplé par rapport à 2019, note l'Insee.

Tandis que la reprise de la croissance est conditionnée à la vaccination, il s'agit donc de s'assurer un nouveau courant de rentrées fiscales. Or, en première ligne de la croissance attendue à 5,5% en 2021 au niveau mondial par le FMI, se trouvent les entreprises censées remplir leurs carnets de commandes.

Une manne potentielle que les gouvernements - même ceux traditionnellement « pro business » comptent ponctionner face aux trous d'air laissés par la pandémie. Ainsi, avec Joe Biden, de 21%, l'impôt sur les sociétés - torpillé par Donald Trump pour son  « America First », après les 35% sous Obama, - passera à 28% avec le retour des démocrates. Tel le "New Deal" de la Grande Répression sous Roosevelt, Joe Biden veut réactiver la croissance en finançant de nouvelles infrastructures. Recette attendue : 1.000 milliards de dollars supplémentaires pour l'Etat sur quinze ans.

Le levier de l'IS moins évident en France

De même, de 19%, l'imposition des sociétés au Royaume-Uni passera  à 25% d'ici à deux ans, pour les grandes et moyennes structures. Objectif : financer une partie de l'énorme déficit public causé par les mesures d'aides, tout en laissant une imposition à 19% pour les petites structures, avait indiqué le ministre des Finances britannique.

Championne des prélèvements obligatoires des pays de l'OCDE, la France dispose d'une marge de manœuvre plus réduite - avec un IS qui doit déjà progressivement passer (auparavant à 33%) à 25% en 2022 pour toutes les entreprises.

Prudent, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a évoqué cette possibilité en misant d'abord sur les gains de la reprise : « si demain (...) les entreprises renouent avec la croissance, ont une croissance supplémentaire, et donc que les recettes de l'impôt sur les sociétés augmentent, est-ce qu'il ne serait pas efficace, est-ce qu'il ne serait pas juste, de consacrer une part de l'augmentation de cet impôt sur les sociétés (...) au remboursement de la dette Covid ? », a-t-il avancé.

Biden veut rester l'ami des grandes fortunes

Aussi, l'impôt sur les sociétés au niveau national n'est pas le seul levier envisagé pour récupérer les fruits de la croissance. La secrétaire d'État Janet Yellen souhaite, au niveau mondial, que le G20 trouve un accord pour adopter de manière collective un taux d'imposition minimal pour les entreprises, a-t-elle annoncé lundi. Le projet d'accord concerne tous les secteurs d'activité, mais, en ligne de mire, les grands gagnants en 2020 de la pandémie et de la numérisation accélérée de l'économie.

Ainsi, Amazon, deuxième plus grand employeur américain a quasiment doublé son bénéfice net à 21 milliards de dollars en 2020, grâce à l'explosion de la demande par temps de fermeture de magasins physiques.

Dans cette chasse inédite aux bénéfices au pays des entrepreneurs, Joe Biden a dû d'ailleurs rappeler qu'il n'avait "rien contre les millionnaires et les milliardaires". Mais de critiquer les "plus grandes entreprises du monde, dont Amazon", qui "utilisent diverses astuces juridiques et ne paient pas un seul centime d'impôt fédéral sur les bénéfices".

"Nous soutenons une hausse de l'impôt sur les sociétés", lui a répondu le fondateur d'Amazon Jeff Bezos mardi dans une déclaration publiée par son groupe sur Twitter.

Cette proposition a même été saluée par l'Allemagne, première économie européenne. L'UE reste un continent fiscalement hétérogène, où l'Irlande joue sa propre partition en matière de taxation attractive pour les géants de l'Internet.

La France s'est aussi montrée favorable à la surtaxe spéciale Covid créée au niveau mondial, la défendant depuis le début du quinquennat Macron.

Lire aussi : Bruno Le Maire propose d'utiliser l'impôt sur les sociétés pour payer la dette Covid

Taxer les riches et les gagnants de la pandémie

Dans la foulée, le FMI va encore plus loin. Les gouvernements, qui ont besoin de ressources supplémentaires pour continuer à aider les plus vulnérables pour sortir de la crise, pourraient augmenter les impôts sur les plus riches ou les entreprises ayant fait plus de bénéfices pendant la pandémie, recommande-t-il mercredi.

"La pandémie a accru les inégalités, et les gouvernements ont dû fournir un soutien" financier important aux personnes et aux entreprises les plus durement touchées, a déclaré Paolo Mauro, un des responsables des affaires budgétaires au FMI lors d'une conférence de presse.

Il est "nécessaire de mobiliser des recettes fiscales supplémentaires" pour les redéployer à travers les soins de santé, l'éducation, les filets de sécurité sociale, a-t-il ajouté.

Pour ce faire, le FMI conseille, comme il l'avait fait en octobre, la mise en place d'une fiscalité provisoire sur les revenus les plus élevés pour aider les gouvernements à répondre à ces besoins de financement.

"Nous avons également constaté une érosion de l'imposition des revenus personnels pour les personnes se situant tout en haut de l'échelle des revenus", a-t-il ajouté.

"Ainsi, dans les économies avancées, il y a une opportunité d'inverser" cette tendance en augmentant à la fois l'impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers les plus riches, en éliminant les niches fiscales, en augmentant les impôts fonciers ou les droits de succession, a-t-il détaillé.

"Il y a tout un éventail d'options disponibles", a-t-il poursuivi.

Pour tempérer cette chasse aux plus fortunés, le FMI précise que plus de 1.000 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires pourraient être générées d'ici 2025 à l'échelle mondiale si tous les pays parvenaient à maîtriser la pandémie plus tôt que prévu.

"La vaccination est donc plus que rentable, car elle offre un excellent rapport qualité-prix aux fonds publics investis pour accélérer la production et la distribution mondiales de vaccins", commente l'institution de Washington.

Lire aussi : La croissance mondiale boostée par les Etats-Unis, relancée par la vaccination

(Avec AFP et Reuters)

Jeanne Dussueil
Commentaires 18
à écrit le 09/04/2021 à 9:03
Signaler
Il devient de plus en plus difficile de cacher que tout ce cirque a un prix exorbitant pour la société : alors que 99.5 % de ceux qui attrapent la covid s'en tirent sans difficultés (pas les autres, hélas), les dirigeants ont mis en place des mesures...

à écrit le 08/04/2021 à 21:23
Signaler
La relance ne se fera pas : c’est un sujet de mensonge comme la croissance d’après guerre pour arriver au point où nous en sommes aujourd’hui tous socialement .

à écrit le 08/04/2021 à 19:01
Signaler
Il faut faire attention qu'en France, pays miserabiliste, et dans les autres pays on ne parle pas des memes riches! Aux USA on parle de revenus superieurs à 400.000 dollars et patrimoines superieurs à 50 millions d'euros....c'est seulement chez nous...

le 09/04/2021 à 1:22
Signaler
oui c'est vrai notre système attire les délinquants que sont tous nos ponctionnaires aussi bandits qu'escrocs : nos flics créateurs de pauvreté et de chomage, nos profs très nul nos médecins véritables bandits : oui c'est bien la ponction publique qu...

à écrit le 08/04/2021 à 19:00
Signaler
Un commerce qui a profité et qui profite encore plein pot du CODIV les pharmaciens. Eux, ils doivent êtres taxés!

à écrit le 08/04/2021 à 17:43
Signaler
Ça sera ni l'un ni l'autre. Ils vont augmenter les impots et taxes des catégories sociales inférieures, après avoir anéanti ce qui reste des classes moyennes.

à écrit le 08/04/2021 à 14:01
Signaler
@ Montesquieu et Churchill Une majuscule svp à ces gens qui eux ont fait quelque chose d'important dans la vie, un minimum de respect pour ces personnalités dont vous vous permettez d'user l'identité. Des choix de pseudos les gars yen a des milli...

le 08/04/2021 à 17:13
Signaler
Monsieur le "moraliste", je vous ai lu mais seul le vrai a droit à une majuscule. Vous me donnez plus d'importance que j'en ai!

le 09/04/2021 à 9:11
Signaler
Non ce n'est pas de la morale, allez essaye encore une fois ! Signalé.

à écrit le 08/04/2021 à 13:54
Signaler
Appauvrir les riches enrichissera-t-il les pauvres? Non, à moins d'affecter les recettes à un fonds géré par le Secours Populaire. Il est sûr que les riches seront plus pauvres, mais quant-aux pauvres, il n'en seront pas plus riches.

le 08/04/2021 à 14:11
Signaler
A Henry. Présenté comme cela, vous avez raison. Mais mieux répartir la richesse (parle juste impôt, par ex) peut être source de prospérité.

à écrit le 08/04/2021 à 12:55
Signaler
Ni l'un ni l'autre. Baisser les dépenses drastiquement. Toutes celles qui relèvent de la charité publique directe et indirecte. Faire la chasse à la fraude sociale.

le 08/04/2021 à 14:09
Signaler
Moi je suis pour, si les ouvrier sont au chômage technique, les patrons se trouvent tous du télétravail pour justifier le versement de leurs salaires, quand aux grands groupes ils ferment pas leur porte et continu d'exploiter les employés... Donc si ...

à écrit le 08/04/2021 à 12:47
Signaler
comment jeter l'argent par la fenetre puis chercher des imbeciles pour regler la facture 'sans avoir les gens dans la rue' l'analyse est brillantissime,et doit ravir piketty le probleme qu'ils n'ont pas bien vu a priori c'est que la grosse part des...

le 08/04/2021 à 14:11
Signaler
Ce ne sont que des effets d'annonce, Macron joue la montre pour que la fin du covid soit après mai 2022 quand au remboursement il va laisser la dette a son successeur...

le 08/04/2021 à 20:08
Signaler
euh oui, j'avais compris comme quand lemaire dit ' les impots n'augmenteront pas avec lemaire' ( qui est la jusqu'a 2022, c'est donc pour le suivant

à écrit le 08/04/2021 à 9:48
Signaler
Disons que taxer le travail alors que nous sommes en crise est complètement stupide comme raisonnement ne reposant d'ailleurs sur aucun fondement si ce n'est d'épargner les actionnaires milliardaires qui ont anéanti le monde en ronflant. La rente c'e...

à écrit le 08/04/2021 à 9:30
Signaler
...Les 2 mon Général !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.