Après deux ans d'absence, la semaine de l'industrie s'ouvre ce lundi 22 novembre et met le cap sur "l'avenir durable". Ce thème vise "à changer le regard du grand public, des parents et de leurs enfants sur l'industrie", a expliqué vendredi le patron de la direction générale des entreprises à Bercy, Thomas Courbe, lors d'une réunion avec des journalistes.
Alors que les thèmes du Made in France et de la souveraineté sont sur la bouche de tous les candidats à la présidentielle, l'industrie tricolore, empêtrée dans une crise à rallonge, doit faire face à des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et de recrutement.
Les dernières enquêtes de conjoncture de l'Insee et celles du cabinet Markit témoignent de fortes difficultés dans l'industrie automobile et aéronautique en particulier. "La production industrielle reste déprimée et ne se redresse pas, le déficit commercial pour les produits industriels devient gigantesque", a rappelé l'économiste de Natixis Patrick Artus dans une récente note.
Déficit d'attractivité de l'industrie
L'industrie tricolore souffre "d'un déficit d'attractivité" a rappelé le haut fonctionnaire. Face à ce problème d'image, Bercy veut attirer les jeunes à travers des centaines d'événements sur tout le territoire.
"On cible les jeunes de 13 à 18 ans. On veut lutter contre les idées reçues sur l'industrie. Les jeunes sont sensibles aux sujets de transition écologique et énergétique, de mixité, de bien être au travail. Tous ces sujets sont au cœur de l'industrie", a-t-il expliqué.
Bercy a notamment annoncé l'organisation de 780 événements liés à la transition écologique et à l'économie circulaire, 630 sur l'industrie du futur et la numérisation mais aussi 770 sur la mixité et la sensibilisation des jeunes filles aux carrières industrielles.
70.000 offres d'emploi à pourvoir
Sur le front de l'emploi, le secteur secondaire manque de bras. D'après Thomas Courbe, 70.000 postes sont à pourvoir dans l'industrie tricolore. Les tensions qui existaient déjà avant la crise sanitaire sur certains métiers comme soudeur, ajusteur ou peintre industriel "demeurent", et s'ajoutent les tensions sur les métiers liés à la transition écologique et au numérique en raison de l'augmentation des besoins dans ces domaines, a-t-il souligné.
Le manque de compétences industrielles est l'un des grands handicaps, selon les économistes.
"Les compétences de la population active sont faibles en France, en particulier les compétences scientifiques, ce qui est évidemment un problème pour développer l'industrie, avec par exemple le faible nombre de jeunes Français qui font des études d'ingénieur", indique Patrick Artus.
Réindustrialisation, climat..., les gigantesques défis de l'industrie
La pandémie a jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de l'économie française et de l'Europe aux pays asiatiques. Face à l'urgence, les pays européens ont dû importer des avions entiers de masques de protection, de blouses pour le personnel de santé et de médicaments de base. A cela s'ajoutent les pénuries de semi-conducteurs et de matières premières pénalisant fortement l'industrie tricolore. Si le gouvernement se targue régulièrement d'avoir multiplié les relocalisations depuis la pandémie, la crise sanitaire risque de laisser des séquelles profondes sur le tissu productif français.
Sur le front du climat, l'industrie est également pointée du doigt pour sa responsabilité dans les émissions de CO2. L'OCDE, dans sa copieuse étude remise à Bercy jeudi dernier, a mis l'accent sur la lenteur de la France en matière de transition écologique.
"Malgré de nombreux efforts, l'écart entre les objectifs et les résultats montre un retard de la France. Elle doit donc accélérer son rythme de réduction des émissions. Trois secteurs représentent 60% des émissions. Il s'agit des transports, du bâtiment et de l'agriculture", a déclaré l'économiste de l'OCDE Priscilla Fialho lors d'une réunion à France Stratégie.
L'économiste recommande de mettre le paquet sur le développement des énergies renouvelables. "Même si l'économie française est décarbonée par rapport à d'autres pays de l'OCDE, si la France tient à réduire sa part du nucléaire dans son mix électrique, il faut que le pays développe les énergies renouvelables comme l'éolien en mer beaucoup plus acceptée que l'éolien terrestre par exemple". L'acceptabilité sociale d'une telle transition sera sans doute le défi de "cet avenir durable".