« Ce ne serait pas tenable d'établir des prix administrés planchers en France» (Hervé Lapie, FNSEA)

Dans une interview accordée à La Tribune, Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA, revient sur le mouvement de contestation des agriculteurs, les récentes annonces du gouvernement et les incidents survenus au Salon de l'agriculture.
(photo d'illustration).
(photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Ce matin, des agriculteurs de la Coordination rurale ont mené une action surprise autour de l'Arc de Triomphe, non loin de l'Elysée. Pensez-vous que le Salon de l'agriculture, qui a commencé dans le chaos, pourra se terminer dans le calme?

HERVE LAPIE- Depuis deux mois, nous préparons notre réseau en disant que le Salon doit se tenir. C'est la vitrine de l'agriculture, c'est la vitrine de nos éleveurs, de nos artisans, des régions, de la gastronomie française. Les citoyens adhèrent au mouvement agricole, il ne faut surtout pas créer de nouvelles difficultés au Salon de l'agriculture.

Nous avons certes eu un épisode très très particulier samedi dernier, lorsque les agriculteurs se sont sentis provoqués par une proposition de débat (avec le président de la République, Ndlr) qui n'était pas un débat agricole. On y avait invité beaucoup trop de monde alors qu'on était en pleine crise agricole. On attendait que le président de la République nous convie à 400 ou 500 agriculteurs pour qu'on s'exprime, mais ça a été fait complètement à l'envers. Donc samedi, malheureusement, il s'est passé ce qu'il s'est passé. Mais maintenant l'objectif c'est que le salon se tienne le mieux possible jusqu'à sa fin, dimanche soir.

Donc ce qu'il s'est passé ce matin à Paris ne va pas avoir d'impact sur les prochains jours ?

Je ne peux pas vous dire, car ce n'est pas mon réseau (qui s'est mobilisé, ndlr). Mais pour ce qui est de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs -nous avons encore été en visioconférence hier soir avec notre réseau-, nous continuons de dire que nous sommes en train de travailler avec les responsables politiques et les ministres pour améliorer le quotidien des agriculteurs, leur rémunération et les conditions d'exercice de leur métier. Et nous expliquons que ce travail durera encore trois ou quatre mois. Nous sommes partis pour quatre mois certainement intenses de négociations avec le gouvernement, dans les départements avec les préfectures et au plan national avec les ministères. Globalement, l'idée est donc de travailler les dossiers avant de repartir en action syndicale.

Certaines fédérations départementales vont toutefois continuer de mettre la pression. Et sur le prix du lait, avec Lactalis, c'est toujours compliqué. Au niveau européen, une évolution sur le ratio prairies est aussi très attendue, notamment en Bretagne, Normandie, Pays de Loire, Grand-Est, Hauts de France.

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Le texte du « projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture », qui a été transmis au Conseil d'État, est désormais public. Vous convient-il?

Nous ne l'avons vu qu'hier, et nous n'avons pas eu le temps encore de tout analyser. Je pense qu'il y aura des manques, mais pour l'instant je n'ai pas le détail.

Quand est prévu votre au prochain rendez-vous avec l'exécutif ?

Pour l'instant, on n'a pas de date. Le président de la République avait parlé du 15 mars à peu près. On avait aussi convenu d'avoir ensuite un rendez-vous avec le Premier ministre tous les mois pour discuter, un par un, de tous les dossiers, et voir au fur et à mesure les avancements des 130 revendications qu'on a portées.

Que pensez-vous des prix planchers proposés par le président ?

Nous restons dans l'état d'esprit des états généraux de l'alimentation. Ils avaient fait ressortir la nécessité d'indicateurs de coûts de production fixés en amont des négociations commerciales avec les industriels et la GMS.

Vous souhaitez donc les généraliser sans les rendre contraignants ?

On est dans une économie de marché, français et européen. Ce ne serait pas tenable, y compris par rapport au droit de la concurrence, d'établir des prix administrés planchers en France. Mais si dans les indicateurs de coûts de production, on peut mettre de 70 à 80 % des coûts de production et 20 % de prix de marché, c'est peut-être la bonne stratégie.

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Le Premier ministre recevra la semaine prochaine les ONG, très remontées à cause des annonces du gouvernement et de l'Union européenne en matière environnementale. Est-ce que cela vous inquiète?

Tout le monde a le droit d'exister, nous sommes dans une démocratie. Nous voulons continuer de progresser sur l'utilisation des produits phytosanitaires, et que les transitions soient accompagnées financièrement. Mais nous réclamons un modèle partagé permettant à tous les agriculteurs européens d'être à peu près au même niveau. Nous voulons avoir tous les mêmes moyens de production et de défense des cultures en Europe, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Nos collègues européens bénéficient de beaucoup de dérogations que nous n'avons pas en France. Dans des filières comme l'endive, la chicorée, les plantes aromatiques, la cerise, bientôt les céréales ou les betteraves, nos collègues allemands peuvent recourir à des néonicotinoïdes interdits en France. Face à ces impasses franco-françaises, notre objectif est de repartir sur une stratégie européenne, et de construire un indicateur du plan Ecophyto montrant aussi les progrès qui sont faits par les acteurs. On a réduit de 90 % les molécules les plus dangereuses.

Il ne s'agit pas de raser gratis sur le plan Ecophyto. Je suis aussi agriculteur, je fais recours aux produits phytosanitaires, mais le moins j'en utilise, le mieux c'est aussi pour ma santé, pour mon environnement et pour mon porte-monnaie.

Commentaires 3
à écrit le 02/03/2024 à 8:42
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..... Et puis de toutes façons la FNSEA ne veut pas..... et moi non plus. Tout comme les agriculteurs ne prêtent pas attention à l'origine du papier hygiénique lorsqu'ils l'achètent, mais au prix, je souhaite moi aussi décider du produit que j'achète...

à écrit le 02/03/2024 à 8:36
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Ils parlent comme.les comptables europeistes à la fnsea

à écrit le 01/03/2024 à 17:43
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A moins de fermer la France à double tours (et encore) des prix planchers sont une utopie. Les seules choses possibles sont des normes et des contrôles sur les produits importés. Et puis de toutes façons la FNSEA ne veut pas...

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