Relance : «Déjà 16 milliards d'euros prêts à engager avec les territoires», Jacqueline Gourault

INTERVIEW. Maintes fois annoncé, plusieurs fois repoussé, le premier jalon de la « loi 3D » - décentralisation, déconcentration, différenciation - arrive au Sénat ce 28 octobre avec le projet de loi organique sur l'expérimentation. A l'heure de la territorialisation du plan de relance, ce texte est censé simplifier les procédures administratives, explique à La Tribune la ministre chargée de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales, Jacqueline Gourault.
César Armand
Pour la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales, ses rencontres sur le terrain ont démontré que les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux.
Pour la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales, ses "rencontres sur le terrain ont démontré que les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux". (Crédits : Eric Robert)

LA TRIBUNE - Seize des 100 milliards d'euros du plan de relance économique seront « suivis par les préfets de région dans le cadre d'enveloppes régionalisées ». Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ?

JACQUELINE GOURAULT, ministre chargée de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales - 
Restauration des bâtiments, rénovation énergétique, petites lignes de chemin de fer, territoires d'industrie, Action Cœur de ville, recyclage de friches urbaines... Ce sont autant de sujets que nous avons identifiés au sein de ce ministère. Aussi, nous sommes déjà prêts à engager, avec les territoires, 16 des 100 milliards d'euros du plan France Relance.

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Vous espérez des co-financements des collectivités territoriales, alors qu'elles ont perdu des milliards d'euros depuis le début de la crise sanitaire...

Nous avons plusieurs tuyaux pour y parvenir, à commencer par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dotation qui a été en outre augmentée d'un milliard d'euros dans le troisième projet de loi de finances rectificatif (PLFR3) et d'un milliard supplémentaire dans le cadre du plan de relance pour la rénovation des bâtiments départementaux et communaux.

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Le deuxième tuyau sera la contractualisation. C'est le plan de relance sur deux ans, complété par les contrats de plan Etat-région (CPER) 2021-2027, pour les projets qui se construisent sur le plus long-terme. France Relance joue un rôle d'amorçage, le reste suivra. Il s'agit de contractualiser des politiques qui correspondent à nos trois priorités - transition écologique, transformation économique et cohésion sociale et territoriale - en permettant aux collectivités d'être parties prenantes de la mise en œuvre du plan de relance.

Le troisième tuyau est l'ensemble des politiques publiques que nous menons avec les territoires : Petites Villes de demain, Action Cœur de ville, Territoires d'industrie, France Services ou France Très Haut Débit. L'Etat les aide et leur donne des moyens supplémentaires d'agir pour soutenir ces programmes.

Sans parler des fonds européens, pour lesquels nous avons réuni un Comité Etat-régions interfonds le 22 octobre. Outre les 40 milliards de l'Union européenne pour le plan de relance, les conseils régionaux devraient bénéficier de 22 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Le fonds ReactUE est en outre doté de 3,6 milliards d'euros au profit direct des régions françaises, tout comme le milliard du fonds de Transition pour les politiques de décarbonation à destination de dix départements.

A propos des conseils départementaux, 25 puis 34 ont expérimenté le revenu de solidarité active (RSA) avant qu'il ne soit généralisé en 2008. Pourquoi le projet de loi organique visant à assouplir les expérimentations territoriales n'arrive-t-il que ce 28 octobre 2020 au Sénat ?

Comme vous le savez, le projet de loi de révision constitutionnelle n'a pas pu aboutir à l'été 2018 [du fait de l'éclatement de l'affaire Benalla, Ndlr]. Or, la préoccupation des élus reste extrêmement forte dans ce domaine. Le chemin de la révision constitutionnelle étant provisoirement fermé, nous avons choisi de faciliter le recours à l'expérimentation pour les collectivités territoriales à droit constitutionnel constant, selon les recommandations d'une étude du Conseil d'Etat d'octobre 2019.

La grande nouveauté de ce texte, c'est qu'il sera possible de mener une expérimentation sans que celle-ci ne doive être généralisée à l'issue sur tout le territoire, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous lèverons également un autre frein en supprimant l'autorisation préalable du gouvernement.

Pourquoi la révision constitutionnelle de 2003 n'a-t-elle débouché que sur quatre expérimentations ? Comment allez-vous vous assurer du contraire ?

Parce que la procédure est très compliquée ! Dans le projet de loi organique, nous posons ce cadre de simplification pour que le délai de procédure soit réduit d'un an actuellement à deux mois. Par exemple, les collectivités n'auront plus qu'à délibérer avant de mener une expérimentation. Ensuite, dans la loi 3D - décentralisation, déconcentration, différenciation -, nous insérerons les expérimentations qui nous auront été demandées par les collectivités.

La loi 3D est attendue depuis un an et demi et la fin du ''grand débat national'' post-crise des ''gilets jaunes''. Quand est prévu son atterrissage au Parlement ?

Dès janvier dernier, nous avons commencé les concertations à Arras, mais le confinement a nécessairement repoussé notre élan. Nous n'avons cependant jamais cessé de poursuivre nos travaux et ces dix derniers jours, je me suis rendue en Occitanie, en Centre-Val de Loire et en Pays-de-la-Loire. L'objectif d'un texte présenté en janvier 2021 en Conseil des ministres sera tenu.

Très vite, j'ai senti que le sujet prioritaire n'était pas tant le transfert de compétences qu'une demande d'assouplissement dans l'exercice des compétences. Je suis favorable à certains transferts de compétences mais nos rencontres sur le terrain ont démontré que les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux.

Nous sommes déjà dans une République décentralisée. Certes il existe encore des transferts à réaliser, mais nous n'allons pas faire dix lois de décentralisation ! L'Etat exerce des compétences régaliennes en matière d'éducation ou de santé ou de sécurité par exemple et assure l'équité des territoires. Les Français y sont attachés.

Lors de la rencontre Etat-collectivités du 20 octobre, le Premier ministre Jean Castex y a ajouté un 4ème D : « décomplexification ». Précisément, comment allez-vous traiter ce sujet ?

La décomplexification, c'est-à-dire la simplification de notre action publique aussi bien pour les citoyens que pour les élus, est très attendue. Elle sera transversale à l'ensemble des articles du texte et devra trouver des réponses appropriées.

A cet égard, les conseils régionaux aimeraient expérimenter la régionalisation de Pôle Emploi.

Les régions ne demandent plus la décentralisation complète de Pôle Emploi. En matière d'emploi, la responsabilité de l'Etat est quelque chose d'important aux yeux des Français. Je reconnais toutefois qu'entre la compétence régionale de formation professionnelle et Pôle Emploi qui achète aussi des formations, une meilleure coordination doit être de mise. Cela fera partie des sujets qui pourront être traités par la loi 3D.

Bien que cheffes de files en la matière, les régions, qui ont lancé leurs propres plans de relance locaux avant ''le vôtre'', rêvent même de récupérer l'ensemble des compétences économiques, aujourd'hui partagées avec les métropoles...

Les conseils régionaux seront associés au pilotage et au suivi de France Relance. Dans chaque région, nous allons instaurer des comités d'animation présidés par le préfet de région, le directeur régional des finances publiques et le président du conseil régional, auxquels seront associés les partenaires économiques et sociaux.

Ces instances de pilotage et de suivi seront aussi présentes au niveau départemental pour agir au plus près du terrain. La semaine dernière, j'ai procédé à l'installation d'une telle « équipe » dans le Gers avec le préfet, le président du conseil départemental, le vice-président du conseil régional également maire de Marciac, les intercommunalités et les chambres d'agriculture et de commerce et d'industrie. Le sujet des compétences économiques est transversal et particulièrement sensible, mais l'Etat se porte garant de l'application de la loi.

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Les conseils régionaux aimeraient enfin co-piloter les autorités régionales de santé (ARS) et les départements co-gérer leurs EHPAD publics avec ces mêmes ARS. Que leur répondez-vous ?

Les discussions se poursuivent au ministère des Solidarités et de la Santé. La crise sanitaire a placé au centre du jeu les ARS. Les situations ont été très différentes d'une région à une autre. A tout le moins, le renforcement de l'échelon départemental demeure quelque chose de très important, ne serait-ce que pour assurer le lien entre les autorités régionales de santé et les préfets. Il faudrait par exemple des représentants de l'ARS Nouvelle Aquitaine à Poitiers, à Limoges, et non plus seulement à Bordeaux. C'était déjà le combat des majorités précédentes, tout comme celui d'Agnès Buzyn. C'est devenu celui d'Olivier Véran.

César Armand
Commentaires 3
à écrit le 29/10/2020 à 7:46
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pourquoi mettre une photo qui n'a pas loin de 10 ans ?

à écrit le 28/10/2020 à 10:42
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la distribution de cheques sociaux continue

à écrit le 27/10/2020 à 19:37
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Des prêts qu'on ne pourra pas rembourser sans clients : c'est de la torture sadique ?

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