La loi 4D va-t-elle (enfin) réaliser le « désir de décentralisation » ?

Réforme territoriale, Acte IV, scène I : attendu depuis l'hiver des « Gilets jaunes », le projet de loi relatif à la décentralisation, à la décomplexification, à la déconcentration et à la différenciation (4D) vient d'être présenté en Conseil des ministres par la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités locales Jacqueline Gourault. Le texte gouvernemental doit être promulgué d'ici avant décembre.
César Armand
« Les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux », expliquait en octobre dernier à La Tribune la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales Jacqueline Gourault.
« Les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux », expliquait en octobre dernier à La Tribune la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales Jacqueline Gourault. (Crédits : Eric Robert)

C'est la quatrième réforme territoriale en moins de quarante ans. Après la pionnière portée par Gaston Defferre (1982-1986), l'inscription de la « République décentralisée » dans la Constitution (2003) et les textes de la présidence Hollande consacrant les métropoles (Maptam), fusionnant les régions et redistribuant les compétences entre les collectivités (NOTRe), place au projet de loi « 4D » pour décentralisation, décomplexification, déconcentration et différenciation. Dans un calendrier parlementaire chargé à moins d'un an de l'élection présidentielle, le texte a évité de justesse le cinquième « D » : celui de sa disparition, a ironisé le 11 mai le président (LR) du Sénat Gérard Larcher en visioconférence de presse.

« Nous n'allons pas faire dix lois de décentralisation ! »

Présentée en Conseil des ministres ce mercredi 12, cette loi était attendue depuis près de deux ans et l'hiver des « Gilets jaunes ». Dès sa Lettre aux Français de janvier 2019, le chef de l'Elysée posait les questions suivantes: « Y a-t-il trop d'échelons administratifs ou de niveaux de collectivités territoriales ? Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d'action au plus près des citoyens ? À quels niveaux et pour quels services ? », interrogeait Emmanuel Macron. Avant d'y apporter une partie de la réponse en avril de la même année au cours de la conférence de presse post-« Grand débat national » en promettant de « changer le mode d'organisation de notre République ». Ou encore en juin 2020 à deux semaines du second tour des élections municipales en déclarant vouloir ouvrir « une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies ».

« Les élus locaux sont en attente d'un Etat déconcentré très présent, renforcé avec le rôle du préfet, d'une volonté d'une plus grande souplesse de l'action publique et d'une meilleure adaptation du droit aux besoins locaux », expliquait en octobre dernier à La Tribune la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales.

« Nous sommes déjà dans une République décentralisée. Certes il existe encore des transferts à réaliser, mais nous n'allons pas faire dix lois de décentralisation ! L'Etat exerce des compétences régaliennes en matière d'éducation ou de santé ou de sécurité par exemple et assure l'équité des territoires. Les Français y sont attachés », poursuivait Jacqueline Gourault.

Larcher évoque « un désir de décentralisation »

Après avoir consulté 2.000 élus locaux, le gouvernement s'est effectivement fixé cette ligne de conduite : un acte de décentralisation adapté à chaque collectivité, prenant davantage en compte le besoin de proximité, les spécificités territoriales et surtout l'envie de responsabilité des acteurs politiques locaux. Un « désir de décentralisation », a insisté hier le patron de la Chambre haute, Gérard Larcher.

Conformément aux déclarations présidentielles des deux dernières années, la décentralisation s'appliquera ainsi en termes de transition écologique, de mobilité et de cohésion sociale et territoriale. A titre d'illustration, les départements, qui gèrent déjà des kilomètres de routes... départementales, pourront récupérer une partie des routes nationales.

Les régions pourront, elles, aussi s'emparer de ces infrastructures comme elles pourront se voir transférer les gares après avoir récupéré dans un premier temps les petites lignes ferroviaires.

Les conseils régionaux auront également la possibilité d'administrer les réservoirs de biodiversité que constituent les sites Natura 2000 de la même façon que les maires pourront limiter l'accès à ces espaces naturels protégés.

Le couple département-région pour les questions économiques ?

Par ailleurs, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain de 2000, dite loi SRU, connue pour imposer un quota de 25% de logements sociaux dans certaines communes, est à la fois pérennisée et assouplie. L'attractivité d'un territoire, croissante ou déclinante, est désormais considérée comme un motif d'exception. En revanche, les villes et les métropoles ne récupéreront pas finalement l'intégralité des outils liés au logement, comme les aides à la pierre, à la rénovation, à l'hébergement ou le droit au logement opposable (DALO).

La crise sanitaire a en outre eu ce mérite : les collectivités pourront soutenir financièrement une maternité ou un centre hospitalier universitaire de la même manière qu'elles pourront recruter du personnel soignant dans les centres de santé qu'elles gèrent.

Le sénateur (LR) de l'Ardèche Mathieu Darnaud, président de la délégation à la prospective, aimerait, lui, que l'exécutif redonne la souplesse nécessaire pour qu'une région et un département s'entendent et puissent « co-agir et co-gérer ensemble » des compétences comme les questions économiques.

Le préfet, nouveau délégué territorial de l'Ademe

En matière de décomplexification, le principe « Dites-le nous une fois » sur les sites Internet de l'administration publique devrait enfin être pérennisé. Pour éviter de les redonner à chaque démarche, toutes les données personnelles, comme l'adresse du domicile, le numéro fiscal ou le numéro d'allocataire CAF, seront partagées entre les services de l'Etat via un fichier protégé.

Cette simplification est aussi prévue en coopération transfrontalière. Les collectivités étrangères pourront être associées aux schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) de même qu'elles pourront entrer au capital de sociétés publiques locales (SPL) qui rendent des services publics communs comme la ligne de tramway franco-allemande entre Strasbourg et Kehl.

S'agissant de la déconcentration, qui consiste à renforcer le rôle des antennes des administrations centrales pour améliorer les politiques publiques sur le terrain, le ministère de la Cohésion des territoires évoque le préfet comme délégué territorial de l'Agence de la transition écologique (Ademe) aux côtés des directeurs régionaux. Objectif : créer un « lien organique » avec les autres agences d'Etat type ANAH (Habitat) ou ANRU (Rénovation urbaine).

Lire aussi : « Notre enjeu : territorialiser l'action » (Jérémie Almosni, ADEME Île-de-France)


Dans le même temps, les élus locaux bénéficieront désormais d'un accès simplifié au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema - services du Premier ministre) et non plus d'un droit de tirage. Objectif : rendre plus attractif cet outil d'aide à l'ingénierie publique.

Dans un autre registre, cette disposition marque le renforcement de la place des élus locaux dans les agences régionales de santé (ARS) qui obtiennent dorénavant deux vice-présidences sur trois contre une aujourd'hui.

Scène II : arrivée prévue au Sénat le 5 juillet

La différenciation, enfin, a fait l'objet d'un projet de loi organique visant à assouplir les expérimentations territoriales. Une collectivité pourra en conduire une sans que celle-ci ne doive être généralisée sur tout le territoire, comme c'est le cas aujourd'hui. De même que le frein de l'autorisation préalable du gouvernement sera supprimé, et que le délai de procédure d'un an actuellement sera réduit à deux mois.

Par exemple, les départements de la Seine-Saint-Denis, de la Somme, de l'Aisne et de la Creuse ont demandé la recentralisation du revenu de solidarité active, c'est-à-dire la prise en charge par l'Etat des dépenses liées au RSA. Détenteurs de toutes les compétences d'action sociale, les conseils départementaux n'en ont plus en développement économique, les obligeant à demander ce genre d'interventions.

Il semble donc fini le temps où les collectivités héritaient, perdaient ou récupéraient tel ou tel pouvoir au gré des projets de loi. Le texte 4D devrait en effet arriver au Sénat le 5 juillet avant d'être examiné à l'Assemblée en septembre pour une adoption parlementaire puis une promulgation élyséenne avant décembre.

César Armand
Commentaires 8
à écrit le 14/05/2021 à 10:26
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Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Edition (sortie 10 mars 2021). L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile les desseins secrets de la Chine avec l'installation de la 5G en France. Un néo-pola...

à écrit le 14/05/2021 à 10:02
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4D, vu la photo à mon avis c'est encore insuffisant, je pense qu'il vaut mieux bien 5.

à écrit le 14/05/2021 à 7:48
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Une vraie décentralisation serait par exemple la suppression des préfets. L‘économie serait énorme et les compétences aux régions. En fait l‘état reste jacobin et n‘a que mépris pour les „territoires „ comme ils disent à Paris. Quant au retour de l‘A...

le 14/05/2021 à 11:12
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Une vraie décentralisation c'est celle de TOUS NOS VOISINS de l'U.E. à commencer par les Landers Allemands presque complètement autonomes en matière de gestion économique, fiscale et "politique" HIOC HIC avec des Ministres Présidents. C'est Id° pour ...

à écrit le 13/05/2021 à 18:31
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Il y a plus urgent que ces bidules.

à écrit le 13/05/2021 à 5:25
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Tout est decide a Paris, cette incompetente le sait mais elle ne sert a rien sauf a relayer une fausse information. La decentralisation ca fait 40 ans que l'on en parle et ....rien.

à écrit le 12/05/2021 à 22:11
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Quelle photo ! On sent quelle a pas la lumière à tous les étages. Ceci dit, je n'ai pas lu l'article. La photo ne m'a pas donné envie de le lire ?

le 13/05/2021 à 5:27
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Et encore vous ne voyez que le haut.....

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