Climat : le Sénat monte à son tour au front

Alors que débute une intense semaine d’actions pro-climat orchestrées par la société civile et au lendemain du report de l’examen de la « petite loi sur l’énergie » préalable à la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie, une initiative transpartisane de quelque 70 sénateurs apporte sa contribution au débat et prône un « nouveau contrat social ».
Dominique Pialot
Un « Collectif sénatorial d'urgence climatique » (CSUC) propose neuf mesures à visée immédiate
Un « Collectif sénatorial d'urgence climatique » (CSUC) propose neuf mesures à visée immédiate (Crédits : Reuters)

La « petite loi sur l'énergie » aurait dû être présentée ce lundi 11 mars en Conseil des ministres, mais le gouvernement a finalement décidé de s'accorder « une ou deux semaines » supplémentaires avant de présenter le projet de loi. Officiellement, pour « améliorer encore le texte pour le rendre plus ambitieux sur le climat », a précisé le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy lundi matin sur RMC/BFMTV.

Ce texte, qui a vocation à modifier la loi sur la transition énergétique de 2015, est un préalable à la publication définitive de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui définit feuille de route française en matière d'énergie d'ici 2028.

Il doit notamment acter la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035 et l'arrêt d'ici 2022 des quatre centrales à charbon encore en fonctionnement - sous réserve que cela n'altère pas la sécurité d'approvisionnement électrique - et préciser les trajectoires de développement des énergies renouvelables.

Un premier texte critiqué par les ONG et par le CESE

Le texte de cette « petite loi » ayant opportunément fuité, après les ONG, le CESE s'était ému du flou qui entourait le nouvel objectif de « neutralité » carbone qui remplaçait l'ancien Facteur 4 consistant à diviser par 4 les émissions françaises de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Le gouvernement avait beau arguer d'une ambition revue à la hausse, les ONG soulignaient, à raison, que cet objectif laissait en théorie ouverte la possibilité d'une moindre réduction des émissions, à condition de les compenser par l'absorption dans des puits de carbone.

Autre aspect du texte critiqué aussi bien par les ONG que par le CESE : l'objectif de baisse des consommations d'énergie, passé de 20% dans la précédente version de la loi de transition énergétique de 2015, à 17%.

« On souhaite rendre le texte plus ambitieux, notamment en matière d'efficacité énergétique et de baisse des émissions de gaz à effet de serre », a précisé à l'issue du Conseil des ministres de ce lundi 11 mars le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

Cette déclaration (et ce report) font suite à celle du président de la République en personne, appelant lors d'un débat à Gréoux-les-Bains la semaine dernière à "aller plus fort, plus vite et plus loin" dans la transition écologique. Lui-même réagissait vraisemblablement courrier adressé par 120 députés (essentiellement issus de la majorité), le jour même au Premier ministre, l'enjoignant de revoir à la hausse ses ambitions en matière d'énergies énergies marines renouvelables et de biogaz.

Le gouvernement devrait donc corriger ces deux points, en rétablissant l'objectif de 20% et en assortissant l'objectif de neutralité carbone d'une obligation de diviser les émissions par 6 entre 1990 et 2050.

Besoins de financement, gilets jaunes et pression de l'opinion publique

Au-delà de cette « petite loi énergie », comment le gouvernement va-t-il s'y prendre pour concilier la nécessité de financer la transition (les travaux du think tank I4CE font état d'un déficit d'investissement public de 10 à 30 milliards par an au regard des objectifs poursuivis) et le caractère éruptif de toute mesure fiscale dans le contexte actuel de crise des « gilets jaunes » précisément déclenchée par la perspective d'une hausse de la contribution climat énergie (ou taxe carbone) ?

Sans compter la pression de la société civile : c'est jeudi 14 mars que l'Affaire du siècle, soutenue par plus de 2 millions de signataires, déposera son action en justice contre l'Etat pour « inaction climatique ».

Vendredi, la fin du grand débat national coïncide avec un appel mondial à la grève scolaire, à l'initiative notamment de la jeune égérie suédoise du changement climatique Greta Thunberg. Bien que les jeunes Français se soient jusqu'à présent montrés moins empressés à lui emboîter le pas que leurs camarades britanniques, belges ou suisses, il semblerait que cette perspective inquiète suffisamment pour que le gouvernement soit tenté d'allumer des contre-feux. Ainsi le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer en a-t-il appelé pour tous les lycéens de France et de Navarre à débattre du climat ce même vendredi en fin d'après-midi.

A la recherche d'un nouveau contrat social

On attendait moins le Sénat sur le front de la mobilisation pro-climat. Pourtant, comme leurs collègues députés avec leur initiative « Accélérons » lancée par l'ex.député LREM Matthieu Orphelin, entre 60 et 70 sénateurs de tous bords se sont rassemblés autour du sénateur (EELV) de Loire-Atlantique Ronan Dantec au sein du « Collectif sénatorial d'urgence climatique » (CSUC) pour émettre une dizaine de « priorités de politiques publiques pour répondre au défi climatique ».

Sans surprise, ils commencent par une mesure qu'ils défendent de longue date : une dotation financière d'accompagnement des collectivités territoriales qui mettent en œuvre leurs plans climat-air-énergie territoriaux, financée par une part des revenus de la CCE. Ils plaident également pour le déplafonnement de l'augmentation à 1,2% des dépenses de fonctionnement des collectivités dès lors qu'elles concernent des actions climatiques, pour le financement du service public de l'efficacité énergétique (SPEE) porté par les régions, pour la mise en œuvre d'un tiers financement permettant aux ménages au plafond d'endettement de financer la rénovation thermique de leurs logements, de plafonner les loyers des logements étiquetés F ou G en matière de performance énergétique 20% au-dessous des prix de marché régionaux.

Initiative commune du Sénat et de l'Assemblée nationale

Concernant la contribution climat énergie, ils insistent sur la nécessité de transparence, de justice et donc d'affectation de la totalité des recettes à la transition écologique. Et ce, concernant les 8 milliards de recettes actuelles, et non celles des prochaines années.

Dans les transports, ils proposent un élargissement de la taxation au transport routier international, l'interdiction des moteurs diesels pour les paquebots à quais et pour le transport aérien, l'indexation de la « taxe Chirac » existant sur le niveau de la CCE.

A leurs yeux, il s'agit rien moins que de reconstruire « un contrat social qui réponde aux enjeux de redistribution et de protection sociale, mais aussi aux exigences d'une action résolue sur les grands enjeux climatiques et environnementaux ».

Pour la première fois ce 11 mars, « Accélérons » et le « « Collectif sénatorial d'urgence climatique » organisaient au Sénat un événement commun dédié à l'action climatique, et la mise en avant de « mesures à visée immédiate », insiste Ronan Dantec. Tout en reconnaissant que les 60 à 70 sénateurs rassemblés au sein de ce comité restent en infériorité numérique, « on n'est plus très loin de la majorité culturelle », veut-il croire. « On casse doublement le jeu, souligne-t-il. A la fois le fonctionnement de groupes (politiques, ndlr), et la distance habituelle entre les deux assemblées. »

« Il s'agit de se hisser à la hauteur des enjeux du moment », renchérit Bérangère Abba, députée LREM et déléguée nationale à la transition écologique du parti.

Dominique Pialot
Commentaires 7
à écrit le 12/03/2019 à 23:25
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hélas la FRANCE n est pas bonne conseillère en donneur de leçon

à écrit le 12/03/2019 à 13:42
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L'évolution climatique, nous n'y echapperons. Ça va chauffer dur, les eaux vont monter, l'air va se charger de plus en plus de polluants. Etc...Personne n'est dupe, surtout ceux qui en sont conscients MAIS qui veulent profiter des opportunités offert...

à écrit le 12/03/2019 à 12:53
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Que peut faire notre petit pays en nombre d'habitants, traditionnellement peu consommateur d'énergies polluantes, centrales atomiques, véhicules économes par défaut : petites cylindrées, climat tempéré sauf l'extrème est, ford nombreuses , beaucoup ...

à écrit le 12/03/2019 à 12:08
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"Casser le jeu", est-ce là le but de ce REM? Cette politique climatique est totalement dénuée de sens, la France ayant déjà effectué sa transition énergétique en choisissant le nucléaire! Il convient d'augmenter le parc nucléaire, pas de le diminuer,...

à écrit le 12/03/2019 à 9:51
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Je m'interroge, la France émet moins de 1% de GES, 25% pour la Chine, 13% pour les USA et 20% pour la seule participation du charbon, pourquoi vouloir encore charger nos épaules avec un tas de contraintes. Pour la France le transport et l'agriculture...

à écrit le 12/03/2019 à 9:27
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C'est facile de réduire les émissions, je vais vous donner la solution que va employer la France: Délocaliser (comme avec l'électrique, on va polluer pour produire des voitures électriques, mais ailleurs, chez nous c'est propre...comme si le cobalt,...

à écrit le 12/03/2019 à 8:52
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Vous êtes allée parler aux politiciens et ceux-ci comme à leurs habitudes ne vous ont rien dit. "Bla bla bla, bla bla bla bla bla bla bla, bla bla bla, bla bla bla et-c... On est les meilleurs !" A un moment il va falloir avancer sans eux et ...

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