« Le chaos règne en France », titrait sans ambages The Times le 25 mars, cliché apocalyptique d'une rue de Paris noyée sous les détritus en flamme à l'appui. La presse internationale, y compris économique, n'a rien manqué des grèves et de la violente contestation soulevée par la réforme des retraites et son passage sans vote. Si certains articles exagèrent l'agitation dans la rue, l'image de la France hors de ses frontières en pâtit inévitablement, en premier lieu auprès des touristes.
« Il y a un impact sensible sur notre activité depuis deux semaines, en termes d'annulations et de baisse des réservations. Ce qui compte en matière de tourisme, c'est la perception. Les images, même si elles sont parfois déformées dans les médias étrangers, et les blocages des transports dissuadent certains touristes de venir », regrette Dominique Marcel. Le président de l'alliance France Tourisme aimerait à ce titre que le gouvernement rassure davantage les voyageurs sur l'état de la France.
« Les investisseurs sont sensibles à ce qu'il se passe dans la rue »
Comme les touristes, les mouvements sociaux sont aussi très observés par les milieux d'affaires. « Les investisseurs sont sensibles à ce qu'il se passe dans la rue. Pour l'instant, ils ne paniquent pas. Il y a une forme d'habitude et de résignation au climat social bouillonnant. Mais cela les inquiète et les préoccupe », rapporte Marc Lhermitte, associé du cabinet EY, de ses récentes discussions avec des décideurs étrangers.
L'étude de la chambre de commerce franco-américaine (AmCham) parue en février confirme une dégradation de la perception de notre pays dans les cercles économiques outre-Atlantique, laquelle reste largement meilleure qu'il y a une décennie.
Les investisseurs susceptibles de recommander la France comme une destination où s'implanter sont toutefois de moins en moins nombreux, en raison d'un « climat social perturbé ces derniers mois, avec des revendications salariales et des grèves importantes dans différents secteurs comme la pétrochimie ou la fonction publique » à quoi s'ajoute « une certaine instabilité des réglementations ». L'AmCham tempère ce mauvais signal en rappelant que les atouts historiques de la France tels que « sa position géographique, sa main d'œuvre qualifiée et sa recherche » demeurent.
L'attractivité française ne devrait donc pas s'effondrer dans le prochain baromètre d'EY à paraître en mai. Marc Lhermitte n'anticipe pas de recul des chiffres d'investissements étrangers dans l'économie française. La Macronie scrute ces données comme un indicateur clé du succès de sa politique économique. Depuis trois ans, la France reste le pays qui a attiré en Europe le plus d'investissements sur le vieux continent. Leur nombre s'affiche en croissance depuis 2016 continue à l'exception du Covid.
Emmanuel Macron affaibli « au pire moment »
« La dynamique des dernières années initiée depuis 2016-2017 tient aux difficultés de nos voisins, à savoir le Brexit au Royaume-Uni, le plein-emploi et la hausse des coûts industriels en Allemagne, qui valorise mieux la France relativement, ainsi qu'aux réformes menées sur le travail et la fiscalité : baisse de l'IS, des charges sur les bas salaires et des impôts de production », analyse Marc Lhermitte qui note toutefois que « la France n'a fait qu'une partie du chemin » et n'est parvenue qu'« à un niveau de compétitivité acceptable ».
La dynamique de l'attractivité va-t-elle s'essouffler, comme l'élan réformateur d'Emmanuel Macron depuis le début de son second mandat ? L'auteur du baromètre EY l'appréhende, et déplore de voir le gouvernement français politiquement affaibli à un « très très mauvais moment ». La crise sociale vient en effet couronner la montagne difficile que doit surmonter l'économie française.
La dette française dans le viseur des marchés financiers
Son industrie subit la concurrence redoutable du made in USA, dopée par des prix de l'énergie jusqu'à six fois moins chers et des subventions massives de la Maison Blanche aux industries vertes. Les multinationales européennes et françaises (Stellantis, Engie...) injectent des milliards de dollars dans des usines de l'autre côté de l'Atlantique. Autant d'opportunités de réindustrialisation manqués pour l'Hexagone et ses voisins. « On aurait pourtant besoin d'une France convaincante au niveau européen, pour arracher un programme de riposte à l'IRA (Inflation Reduction Act, la loi protectionniste de Joe Biden », note Marc Lhermitte.
Lire aussiPlan Biden : une pluie d'investissements européens tombe sur le sol américain
Les marchés financiers se tiennent aussi en embuscade, et pourraient sanctionner la difficulté de la France à mener une réforme des retraites qui ne fait que l'approcher des standards de l'OCDE. A commencer par les taux sur sa dette. « Si la réforme est maintenue et que les blocages politiques et sociaux se poursuivent dans un scénario de pourrissement, cela va nuire à notre crédibilité internationale. Si la réforme est annulée, cela donne l'image d'un pays irréformable. Dans les deux cas, il y aura une tension sur les taux souverains », avertit l'économiste Marc Touati, du cabinet ACDEFI.