Confinement : le climat des affaires en chute libre

Le climat des affaires a perdu 11 points entre octobre et novembre, selon l'Insee, pour passer de 90 à 79. La recrudescence du virus et les mesures mises en oeuvre pour limiter sa propagation ont miné le moral des chefs d'entreprise dans les services et le commerce de détail.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La seconde vague fait tanguer l'économie française. Selon la dernière livraison de l'Insee publiée ce mardi 24 novembre, le climat des affaires en France a enregistré un plongeon spectaculaire au mois de nombre. Après un printemps au plus bas et une remontée tout au long de septembre, la confiance des chefs d'entreprise, interrogés par l'organisme public entre le 28 octobre et le 19 novembre, s'érode sérieusement. Le durcissement des mesures de restriction avec la mise en oeuvre d'un couvre-feu, d'abord dans les grandes métropoles puis dans 54 départements, suivie de l'annonce d'un nouveau confinement pour au moins un mois par le président de la République ont miné les espoirs d'une reprise rapide de l'économie tricolore.

Avec les différentes annonces du vaccin qui se succèdent, les perspectives commencent à s'éclaircir. Il reste cependant de nombreux doutes et incertitudes sur la mise en place de ce vaccin, les délais d'application ou le consentement des populations. Lors d'une réunion avec des journalistes ce mardi 24 novembre, le chef économiste de Natixis Patrick Artus a présenté plusieurs scénarios. "Jusqu'à la fin du premier semestre 2021, l'économie devrait toujours être dominée par la situation épidémique [...] S'il n'y a pas de troisième vague, ni de reconfinement, on anticipe -9% de croissance en Europe et -9,5% en France. En 2021, la croissance devrait être entre 5 et 6%. S'il devait y avoir une troisième vague et un nouveau confinement, la croissance serait entre 1 et 2%. Beaucoup plus d'emplois seraient détruits et cela repousse le redémarrage".

Les services et le commerce de détail dans le rouge

Sans surprise, les réponses collectées par l'institut de statistiques indiquent une forte baisse de la confiance dans les services. L'indicateur du climat des affaires est ainsi passé de 89 à 77 en seulement quelques semaines. Cette inflexion impressionnante reflète les mesures de confinement qui ont principalement frappé tous les secteurs à forte interaction sociale. Dans la restauration, les bars, les brasseries, le tourisme, les transports, les activités sont quasiment mises à l'arrêt pour une seconde fois et pour une durée encore indéterminée. Cette absence d'horizon à moyen terme plonge de nombreux chefs d'entreprises dans l'incertitude la plus totale. Et même si les annonces par le président de la République prévues cette semaine pourraient assouplir certaines mesures, la crainte d'une nouvelle flambée de contagion pourrait demeurer bien présente au moment des fêtes de fin d'année.

Du côté du commerce de détail, la baisse est encore plus spectaculaire. Le climat des affaires est ainsi passé de 95 à 72 entre octobre et novembre. Si les mesures de confinement sont plus souples qu'au printemps, beaucoup de commerces jugés non-essentiels ont dû fermer leurs portes au public pendant le mois de novembre. Après d'âpres discussions avec le gouvernement et une bataille de communication avec les géants du commerce en ligne et de la grande distribution, de nombreux commerçants espèrent pouvoir profiter des fêtes de Noël pour limiter les pertes.

L'industrie s'en sort beaucoup mieux

Le moral des chefs d'industrie est beaucoup moins affecté par le second confinement. L'indice du climat des affaires perd un peu de terrain entre octobre et novembre en passant de 94 à 92 mais cela reste limité. Contrairement au printemps, beaucoup de sites de production n'ont pas fermé leurs portes et l'activité n'est pas contrainte comme au printemps. Les écoles et les crèches sont restées ouvertes et les autorisations de déplacement pour des raisons professionnelles ont été dès le début intégrées dans la stratégie de confinement du gouvernement.

Il reste que cette période pourrait encore affaiblir les sites du "made in France" déjà en souffrance après des années de désindustrialisation. Si le gouvernement veut miser sur la (re)localisation et la réindustrialisation dans son plan de relance, la persistance du virus et les effets à long terme de la crise risquent de modifier profondément les capacités d'investissements des industriels. Pour Patrick Artus, "il y aura très peu de relocalisations". Dans un rapport très épais rendu public jeudi dernier, les économistes de France Stratégie rappelaient que "les grandes entreprises françaises sont donc devenues les championnes de la délocalisation, ce qui leur a permis de maintenir leur compétitivité au niveau mondial, mais au détriment de l'emploi industriel en France". Et cette tendance bien ancrée dans les stratégies des multinationales françaises ne devrait pas changer du jour au lendemain. Depuis le début de la crise, des grands groupes ont déjà annoncé des fermetures de sites et l'avalanche des plans sociaux prend de l'ampleur.

Le climat de l'emploi en berne

La seconde vague et les dernières mesures de confinement ont assombri les perspectives pour l'emploi. Le climat de l'emploi mesuré par les statisticiens s'est infléchi pour passer de 89 à 83 entre octobre et novembre. Dans de nombreux secteurs, les embauches ont été gelées, voire annulées à la suite de la recrudescence de l'épidémie et des nouvelles restrictions. La plupart des instituts de prévision ont revu à la baisse leurs chiffres du chômage pour le dernier trimestre. L'Insee table sur un taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) autour de 10% pour la fin de l'année. "On risque d'avoir une hausse importante du chômage. Probablement, il faudra réviser nos prévisions de chômage à long terme. Les plans de relance ne vont pas suffire. Il y a un effet de long terme des crises" a ajouté Patrick Artus.

A ce stade, il est encore difficile d'évaluer les répercussions de la crise sur le chômage. La montée en puissance du chômage partiel au printemps a permis de limiter la hausse des inscriptions et les pertes d'emplois dans un premier temps. "Le rebond au troisième trimestre a été favorisé par une politique économique qui a cherché à préserver le revenu des ménages et le tissu productif. Les déclarations sociales nominatives adressées aux administrations montrent qu'entre mars et septembre, 70% de la baisse d'heures rémunérées s'expliquent par l'activité partielle qui a massivement soutenu l'emploi. L'activité partielle a joué un rôle d'amortisseur pour l'emploi", déclarait Julien Pouget.

Il reste que le rôle de l'Etat en tant qu'assureur en dernier ressort pourrait diminuer. A plusieurs reprises, le gouvernement a voulu restreindre la prise en charge du chômage partiel par l'Etat et l'Unedic avant de repousser cette stratégie périlleuse face à la dureté de la crise.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 25/11/2020 à 8:57
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Pourtant la bourse se porte très bien ! Donc vu que vous ne voulez pas nous dire que la finance est dorénavant totalement déconnectée des réalités ne voulez vous pas au moins nous expliquer pourquoi elle est autant déconnectée des réalités svp ? Merc...

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