L'économie française au bord de la récession début 2023, selon l'Insee

La croissance tricolore devrait reculer (-0,2%) au dernier trimestre 2022 avant de se redresser très légèrement (+0,1%) en début d'année 2023. L'Insee a révisé à la baisse ses chiffres du PIB de fin 2022 (-0,2 point) en raison de la chute de la production industrielle dans les branches les plus énergivores et tous les problèmes de maintenance dans les centrales nucléaires. L'inflation pourrait grimper en flèche à 7% en janvier prochain.
Grégoire Normand
Les problèmes d'approvisionnement en électricité pourrait pénaliser l'activité en janvier.
Les problèmes d'approvisionnement en électricité pourrait pénaliser l'activité en janvier. (Crédits : Reuters)

Il souffle comme un air de vent glacial sur l'économie tricolore. Les températures hivernales semblent s'abattre sur tous les secteurs. A quelques jours des fêtes de fin d'année, les indicateurs passent au rouge les uns après les autres. Après un fort rebond en 2021 (+6,8%), la croissance se tasse fortement en cette fin d'année 2022. Dans sa dernière note de conjoncture dévoilée ce jeudi 15 décembre, l'Insee table sur une croissance du PIB négative à -0,2% au dernier trimestre 2022, un très léger rebond au premier trimestre 2023 (0,1%) et une accélération au second trimestre (0,3%).

L'institut de statistiques a révisé à la baisse ses prévisions pour la fin de l'année de 0,2 point. Les prévisions du premier trimestre prochain ne prennent pas en compte les possibles coupures d'électricité et de gaz. Mais ces délestages potentiels pourraient faire vaciller certaines entreprises très dépendantes de l'énergie. Pour rappel, une récession technique correspond à deux trimestres consécutifs de croissance négative. Même si l'Insee ne parle pas encore de scénario noir, l'hiver s'annonce douloureux pour le système productif. « L'économie française doit faire face à des chocs sectoriels depuis 2020. La pandémie avait d'abord affecté les services. La crise énergétique pénalise surtout l'industrie », a déclaré le chef du département de la conjoncture, Julien Pouget, lors d'un point presse à Montrouge.

Sur l'ensemble de l'année, les statisticiens tablent désormais sur une croissance de 2,5% contre 2,6% auparavant. De son côté, le gouvernement projette dans le budget 2023 toujours une croissance de 1% l'année prochaine. Mais cette prévision semble de moins en moins crédible aux yeux de nombreux économistes. En outre, de nombreuses incertitudes compliquent la tâche des économistes. Entre le prolongement du conflit en Ukraine, les conséquences du resserrement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et l'évolution de la situation sanitaire en Chine, les conjoncturistes sont plongés dans le brouillard.

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Chute de la production dans l'industrie

Ce coup de mou de la croissance en fin d'année s'explique par une chute de la production dans l'industrie. « En France, les climats des affaires se sont effrités mais sans chuter. En revanche, le moral est en berne dans les entreprises les plus énergivores », a ajouté le statisticien. En octobre, la production d'électricité est restée « très dégradée ». Résultat, les moteurs du tissu productif ont tourné au ralenti.

Les industries les plus énergivores exposées aux soubresauts de la production électrique ont flanché en octobre et novembre. « Cette baisse s'explique par tous les problèmes de maintenance sur le parc nucléaire français et les perturbations dans les raffineries liées aux grèves du mois d'octobre », a souligné Julien Pouget.

Sur l'année 2022, les problèmes d'approvisionnement électrique amputerait la croissance de 0,4 point de PIB. A ces chutes de production électrique s'ajoutent l'explosion des prix de l'énergie et celle des matières premières pour la plupart des branches. Du côté des services, l'activité est « atone » en cette fin d'année selon le département de conjoncture.

Consommation et investissements des ménages en berne

Du côté de la demande, la consommation, traditionnel moteur de l'économie hexagonale, est en berne. Les dépenses des Français sont en repli de -0,7% au T4 après un précédent recul de -0,1% au T3. Cette chute s'expliquerait par de moindres consommation d'énergie durant l'automne en raison des températures plus clémentes et des comportements de sobriété face à la crise énergétique. Les Français continuent de se serrer la ceinture dans les dépenses alimentaires et les achats de biens. La consommation pourrait légèrement repartir à 0,4% au premier trimestre 2023, puis 0,2% au second trimestre.

Cette conjonction de crises assombrit amplement l'horizon pour les ménages. Résultat, les dépenses d'investissement des Français sont en chute depuis juin dernier et ne devraient pas s'améliorer dans les mois à venir. L'Insee anticipe un recul des investissements des ménages jusqu'à la fin du premier semestre 2023. Ces chiffres médiocres se traduisent dans la production de logements individuels au ralenti.

7% d'inflation en janvier

La surchauffe des prix risque de se prolonger en début d'année 2023. L'inflation s'est propagée à l'ensemble des secteurs et des produits depuis fin 2021. « L'inflation pourrait atteindre 7% sur un an au début de l'année 2023 avant de refluer par effet de base », a indiqué Olivier Simon de l'Insee. « L'inflation alimentaire est devenue le moteur de l'indice général des prix à la consommation alors que les prix de l'énergie ralentissent en raison notamment de la baisse des prix du pétrole et de la ristourne sur les carburants à l'automne », poursuit l'expert.

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Dans quelques semaines, les prix de l'énergie pourraient à nouveau propulser l'inflation vers des sommets. En effet, la fin de la ristourne sur les carburants depuis la mi-novembre et la moindre protection du bouclier tarifaire vont venir alourdir les factures des Français à partir de janvier.

Un pouvoir d'achat en baisse, des salaires réels en berne

Dans ce contexte, l'inflation galopante risque de grignoter un peu plus le pouvoir d'achat des ménages. En effet, le salaire réel moyen par tête, c'est-à-dire en prenant en compte l'inflation, devrait reculer de 1,9% en 2022. « L'ampleur de ce recul serait inédite » depuis que l'indicateur existe souligne l'Insee. Cette baisse devrait se poursuivre au premier semestre 2023 en raison notamment de la surchauffe des prix et de la désindexation des salaires.

Pour rappel, à l'exception des travailleurs au SMIC, la grande majorité des salaires dans le privé en France n'est pas indexée sur l'inflation depuis le début des années 80. Dans le public, le dégel du point d'indice des fonctionnaires l'été dernier (+3,5%) ne permettra pas de compenser l'inflation de 2022 prévue à 5,3%. Au final, le pouvoir d'achat par unité de consommation (une unité de consommation correspond à un adulte dans un ménage) devrait se replier de 0,6%. Cette inflexion devrait se poursuivre au premier semestre 2023 selon l'Insee.

La surprenante stabilité du chômage

Malgré une activité au ralenti, le taux de chômage est relativement stable depuis la fin de l'année 2021, à 7,3% de la population active. Il devrait rester à ce niveau jusqu'à la fin du premier semestre 2023. L'économie tricolore a continué de créer des emplois tout au long de l'année 2022, avec près de 100.000 emplois créés chaque trimestre. Ce rythme devrait cependant marquer le pas avec 45.000 emplois prévus au premier trimestre et 25.000 emplois prévus au second trimestre. « L'emploi a continué d'être dynamique au au troisième trimestre 2022 avec 103.000 créations dans le secteur privé », a déclaré Olivier Simon. « Les contrats en alternance expliqueraient un tiers des créations d'emplois », a ajouté le statisticien.

Cette croissance de l'emploi supérieure à celle de l'activité a sans conteste des répercussions sur la productivité. « La productivité reste en deça de son niveau d'avant crise sanitaire. L'essor de l'apprentissage explique environ la moitié de la baisse de la productivité. Les apprentis sont comptabilisés comme des salariés à temps complet alors qu'ils partagent leur temps entre l'entreprise et l'école », explique Olivier Simon. Parmi les autres facteurs avancés figure la rétention de main-d'oeuvre dans le contexte de fortes tensions des recrutements.

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Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 16/12/2022 à 13:22
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L’insee n’avait pas ou si mal,intégré le poids du coût du logement dans la composante de l’inflation….ça nous laisse une chance.

à écrit le 15/12/2022 à 22:53
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Le cumul des sujets : inflation, déficit de production énergétique avec des coupures à prévoir, réforme des retraites .. le gouvernement s attendait à quoi ? Pas d augmentation de salaire pour 2022 et 1% prévu pour 2023 dans le secteur de la jardine...

à écrit le 15/12/2022 à 22:51
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Le cumul des sujets : inflation, déficit de production énergétique avec des coupures à prévoir, réforme des retraites .. le gouvernement s attendait à quoi ? Pas d augmentation de salaire pour 2022 et 1% prévu pour 2023 dans le secteur de la jardine...

à écrit le 15/12/2022 à 19:48
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Grand dieu ! Quelle catastrophe ! Un véritable apocalypse économique !... Franchement, de qui se moque-t-on ?

à écrit le 15/12/2022 à 19:21
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Ca fait plaisir de lire ça, qu'est-ce que j'en avait marre, de lire des news économique comme quoi tout allait bien. Oui, ça allait bien en remettant constamment les problèmes à plus tard

le 16/12/2022 à 15:28
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En France tout va toujours très bien. 70% des gens refusent la réforme des retraites. C'est qu'ils pensent que tout va très bien madame la marquise. Tout va très bien. Tout va très bien.

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