C'est une nouvelle douche froide pour le gouvernement. Après l'OCDE et la Banque de France en début de semaine, c'est au tour de l'Insee d'assombrir sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2023. L'économie française devrait finir l'année à 0% au quatrième trimestre. L'institut de statistique a ainsi révisé de 0,2 point sa projection de croissance entre octobre et décembre.
Après un troisième trimestre négatif (-0,1%), l'Hexagone échappe donc de justesse à la récession qui frappe actuellement l'Allemagne empêtrée dans une crise à rallonge. «Nous prévoyons une croissance atone au quatrième trimestre à 0% comme en Allemagne et une légère accélération pour les deux trimestres suivants », a déclaré, le chef du département conjoncture à l'Insee, Julien Pouget, lors d'un point presse ce jeudi consacré à sa nouvelle note de prévision. Sur l'ensemble de l'année, l'Insee table désormais sur une croissance du PIB de 0,8% contre 0,9% précédemment.
Il s'agit certes d'une légère révision, mais elle compromet l'équation budgétaire du gouvernement pour 2023 et 2024. En effet, l'exécutif table toujours sur une croissance du PIB de 1% cette année pour boucler son budget 2023 voté définitivement ce jeudi et 1,4% pour l'année prochaine. « Pour parvenir à cet objectif, le rythme de croissance devrait être élevé de l'ordre de 1% par trimestre après juin 2024 », a expliqué Julien Pouget. Or, compte tenu des mauvais résultats de fin d'année, l'acquis de croissance (0,5%) devrait être relativement faible pour 2024. Pour rappel, le gouvernement table sur un retour de la croissance pour faire baisser son déficit en deçà de 3% et stabiliser la dette de l'Hexagone d'ici 2027.
Au quatrième trimestre, la grande panne de l'économie tricolore
Sans surprise, la demande a flanché au quatrième trimestre sous l'effet des taux d'intérêt élevés. Aucune baisse de ceux de la Banque centrale européenne (BCE) n'est d'ailleurs prévue pour l'instant. Ce jeudi, l'institution de Francfort a, en effet, annoncé qu'elle laissait ses taux inchangés. En conséquence, du côté des ménages, les dépenses de consommation ont fait du surplace (0%). L'inflation a bien ralenti ces derniers mois, mais continuent de miner le pouvoir d'achat des Français ayant la plus forte propension à consommer, c'est-à-dire les plus modestes.
L'investissement est également en berne avec encore un repli (-1%) entre octobre et décembre. Depuis la guerre en Ukraine, les dépenses d'investissement des Français sont, en effet, en recul trimestre après trimestre. Résultat, elles plongent de près de 5% sur l'ensemble de l'année 2023. S'agissant des entreprises, les dépenses d'investissement sont également dans le rouge en fin d'année (-0,4%), mais restent relativement dynamiques en 2023 (+3,8%). Seules les administrations publiques enregistrent une hausse de leurs dépenses d'investissement entre octobre et décembre (+0,3%). En 2023, les dépenses d'investissement montent à 1,1%, soit un niveau bien inférieur à celui de l'inflation.
L'inflation se rapprocherait de la cible de 2% au printemps prochain
Celle-ci devrait connaître un ralentissement, l'Insee tablant sur 2,4% au printemps et 4,9% sur l'ensemble de l'année 2023 contre 5,2% en 2022. « Le choc des prix tend à s'estomper. L'inflation qui baisse graduellement dans la zone euro donne un peu d'air à l'économie. Mais les taux continuent de peser sur l'investissement et la consommation », a affirmé Julien Pouget. L'essoufflement des prix de l'alimentaire et ceux de l'énergie ont permis de faire redescendre les pressions inflationnistes ces derniers mois. En revanche, les prix dans les services demeurent relativement dynamiques. Étant donné leurs poids dans l'indice des prix à la consommation (50%), ils contribuent à maintenir l'inflation à un niveau élevé en fin d'année 2023.
S'agissant des craintes sur une éventuelle boucle prix salaires, « nous ne voyons toujours pas d'emballement », a poursuivi le statisticien. Les revalorisations de fin d'année obtenues dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) et les primes versées devraient redonner un peu de pouvoir d'achat aux salariés. Mais ces hausses ne devraient pas compenser les pertes engendrées par l'envolée des prix à la consommation.
Une croissance modeste au premier semestre 2024
L'activité devrait toutefois repartir modestement au premier semestre 2024. L'Insee table sur une croissance du PIB de 0,2% sur les deux premiers trimestres. L'économie française serait principalement portée par le redémarrage de la consommation des ménages sur les six premiers mois de l'année, à la faveur d'un coup de frein de l'inflation.
En revanche, l'investissement des ménages et des entreprises ne devrait pas vraiment repartir. Compte tenu du contexte d'incertitudes, les Français épargnent encore une grande partie de leurs revenus (autour de 18% contre 15% avant la crise sanitaire). Ce qui peut être révélateur de l'existence de fortes craintes des Français sur l'avenir.