Inflation : « Un certain nombre de prix baissent nettement mais ne reviendront pas au niveau pré-Covid » (Jean-François Robin, Natixis)

ENTRETIEN - Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire l'a encore affirmé cette semaine : la France est en train de sortir de la crise inflationniste et est capable de maintenir sa prévision de croissance à 1,4% pour 2023. Mais peut-on se fier à cette prévision ? Les réponses de Jean-François Robin, directeur de la recherche chez Natixis (groupe BPCE).
Ce jeudi 30 novembre, Bruno Le Maire a affirmé qu'en 2024 l'économie française sortira de la crise inflationniste et que l'inflation passera en-dessous des 4% d'ici la fin de l'année 2023.
Ce jeudi 30 novembre, Bruno Le Maire a affirmé qu'en 2024 l'économie française sortira de la crise inflationniste et que l'inflation passera en-dessous des 4% d'ici la fin de l'année 2023. (Crédits : © Sarah Meyssonnier/REUTERS)

Persistante depuis plusieurs mois en France, l'inflation a finalement ralenti en novembre à +3,4% sur un an, selon l'Insee. De bonne augure pour le ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui a réaffirmé sur France Inter ce jeudi 30 novembre, que « nous sortons de la crise inflationniste et que nous serons sous les 4% d'ici à la fin de l'année 2023 ».

Alors que la France attend la note de Standard & Poor's qui doit sortir ce vendredi en fin de soirée, le ministre reste confiant. Il maintient sa prévision de croissance à 1,4% en 2023, tandis que l'OCDE a abaissé sa prévision à 0,8%. « En 2024 et 2025, il y aura beaucoup moins d'inflation, les taux d'intérêts vont se stabiliser et j'en suis convaincu, la croissance pourra redémarrer » a-t-il soutenu.

Pourtant, force est de constater que la hausse des prix continuent de peser sur le porte-monnaie des Français, « la consommation n'ayant jamais été aussi basse depuis les années 1980 », reconnaît Jean-François Robin, directeur de la recherche chez Natixis qui analyse les projections du gouvernement. Interview.

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LA TRIBUNE - Va-t-on bientôt sortir de la crise inflationniste comme l'a affirmé Bruno Le Maire qui précise que nous serons sous la barre des 4% d'inflation d'ici la fin de l'année ?

JEAN-FRANÇOIS ROBIN - Nous sommes déjà passés ce jeudi sous la barre des +4%, et le ralentissement progresse assez vite. Ces chiffres valident l'idée que ce phénomène d'inflation était temporaire. Même si nous ne reviendrons pas au niveau d'avant, nous constatons une baisse plus forte que prévu de l'inflation, qui a quasiment déjà été divisée par deux ! Et ce alors que nous avons subi un choc violent avec le Covid, la guerre en Ukraine et la crise énergétique. Pour rappel, l'inflation était à +7,3% à son plus haut.

Ce qui est rassurant, c'est que les prix de l'énergie baissent, mais ce sont surtout ceux des services. Les prix de l'alimentation ont l'air de se calmer, avant même les négociations commerciales entre les distributeurs et les industriels, avancées de mars à janvier 2024. L'inflation va tout de même remonter un peu début 2024 car nous disposons d'un effet de base moins favorable : les factures d'électricité vont donc monter en janvier.

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Si l'inflation reflue, les Français vont-ils le sentir concrètement dans leur porte-monnaie ou faudra-t-il encore attendre ?

Nous constatons déjà qu'un certain nombre de prix baissent nettement, comme les pâtes ou encore le beurre. De plus en plus de baisse sont à prévoir. Les prix des intrants baissent, à commencer par le blé.

Par ailleurs, la consommation n'a jamais autant baissé depuis les années 1980. Si les producteurs et distributeurs veulent continuer à vendre des produits, il faut baisser les prix.

Cependant, je ne pense pas que nous reviendrons aux prix d'avant Covid. Et notamment à cause du réchauffement climatique qui impacte les récoltes. De plus, il n'y a jamais eu autant d'embargo sur les exportations alimentaires ou sur d'autres biens. C'est la fin du commerce mondiale tel que nous le connaissons. La démondialisation va maintenir les prix élevés.

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Si l'inflation va remonter en début d'année, nous anticipons qu'elle baissera par la suite. La BCE est donc dans son rôle, car comme le marché prévoit une baisse des taux d'intérêt, il faut calmer les anticipations qui peuvent induire concrètement une baisse. C'est un phénomène auto-réalisateur.

La BCE doit donc se dire que les conditions monétaires se détendent trop vite même si ce n'est pas mon avis. Notre scénario chez Natixis, c'est d'avoir des baisses fortes dès 2024 de la part de la BCE, car l'inflation va continuer de baisser. La BCE a alors intérêt à baisser ses taux d'intérêt pour ne pas mener une politique monétaire à contre-sens.

Les hausses de taux sont derrière nous, en sachant que les effets de ces augmentations ne sont pas encore ressentis dans l'économie. Chez Natixis, on anticipe une première baisse avant l'été 2024, au mois de juin plus précisément.

L'inflation peut peser négativement sur la croissance. Bruno Le Maire maintient sa prévision à 1,4% en 2023 et une croissance positive en 2024. Qu'en pensez-vous ?

Ces prévisions paraissent élevées, après ce n'est pas délirant. Car si les prix baissent, les Français vont regagner du pouvoir d'achat. Comme il y a beaucoup d'épargne disponible, ils auront de quoi dépenser. De plus, les salaires continuent de monter, dans une moindre mesure comparée à l'année dernière, et on continue à créer de l'emploi.

Peut-être que Bruno Le Maire est optimiste mais honnêtement avec Bercy, ils ont été les meilleurs prévisionnistes pour 2023. Alors que tout le monde prévoyait une récession, les chiffres doivent s'établir a priori entre 0,8% et 1%. Pour rejoindre le ministre de l'Economie, je pense que la croissance en 2024 sera meilleure qu'en 2023.

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Faut-il s'attendre au pire concernant la note de la dette française de l'agence américaine Standard & Poor's, qui doit sortir ce vendredi ?

Les agences de notation ont un impact de plus en plus limité sur les marchés. Lors de la crise de 2008, elles n'ont rien vu venir. C'est problématique lorsqu'un pays passe d'une catégorie à une autre, c'est-à-dire que sa dette passe dans la catégorie spéculative, mais la France n'est pas concernée.

De plus, le gouvernement a enfilé sa casquette de bon élève en expliquant avoir mis le paquet sur la réduction des dépenses publiques. Et cette stratégie a marché avec Fitch. Est-ce que cela sera suffisant ? Nous le verrons bien. Honnêtement, c'est la politique des taux de la BCE qui est le plus scrutée.

Pourquoi l'inflation va autant baisser ? Est-ce grâce à la politique monétaire de la BCE ?

Pour être provoquant, la baisse de l'inflation n'est pas dû à la politique monétaire de la BCE. C'est davantage la politique énergétique de l'Europe, qui a fait baisser les prix. L'Union Européenne s'est organisée pour repenser ses circuits énergétiques car elle dépendait de la Russie. Elle a de plus accéléré sa transition énergétique. En France, nous sommes redevenus exportateur d'électricité et nous avons reconstitué nos stocks de gaz. L'énergie n'est aujourd'hui plus un facteur d'inflation.

La seule chose que la BCE a impacté, c'est l'immobilier. Les dix hausses de taux consécutives ont mis un sacré coup au marché immobilier européen : les prix baissent partout, et la capacité d'emprunt des ménages a été fortement dégradée. L'institution monétaire combat un choc de demande qui n'existe pas, elle réagit à un choc d'offre...

Commentaires 12
à écrit le 02/12/2023 à 20:56
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Savez-vous que l'été dernier, le "Death Valley" en Californie a atteint une température record de l’air à 30 degrés (Celsius)? Certes, mon thermomètre était mal étalonné, à l'instar de l'indicateur économique IPC (indice des prix à la consommation) q...

à écrit le 02/12/2023 à 11:13
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Les augmentations de salaires? Plus de la moitié sont des primes qui vont disparaître donc les salariés/ consommateurs / contribuables vont voir le pouvoir d’ achat reculer … Après qu ´ il y ait une deconsommation .. tant mieux! Autant pour la plan...

à écrit le 02/12/2023 à 11:13
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Les augmentations de salaires? Plus de la moitié sont des primes qui vont disparaître donc les salariés/ consommateurs / contribuables vont voir le pouvoir d’ achat reculer … Après qu ´ il y ait une deconsommation .. tant mieux! Autant pour la plan...

à écrit le 01/12/2023 à 18:28
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Les agences de notation se sont trompées avant 2008? 🤣Mais ce n'est pas bientôt fini cette hypocrisie! Qui rémunère les agences de notation pour leur complaisance et qui paie les organismes gouvernementaux des statistiques pour édulcorer les données ...

à écrit le 01/12/2023 à 17:47
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les previsions des incompetents ne regardent qu'eux!! y a tout d'abourd le choc exogene des europeens qui se sont coupes le gaz russe pour le racheter 10 fois plus cher aux chinois, ca, c'est a voir, y a ensuite le choc exogene qui devient endogene, ...

le 01/12/2023 à 19:34
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La Chine vend du gaz, qui provient d'où ? Ils ont des sites gazeux ? Pourquoi installent-ils un pipeline pour que la Russie leur en fournisse ? On achète encore du gaz russe mais liquéfié (l'UE en consomme énormément, personne ne peut fournir assez ...

le 02/12/2023 à 14:35
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La RFA s'est livrée à Poutine sans aucun recul. Le gaz russe est une arme. Ce qui est en jeu, ce n'est pas lénergie, c'est la démocratie. celle qui vous permet d'exprimer vos idées... Pour rappel, ai début de l'invasion de l'Ukraine, le mot d'encoura...

à écrit le 01/12/2023 à 16:31
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Un autre Patrick Artus? Rendez-moi mon Raymond! Quant-à l'Amer Maire...

le 01/12/2023 à 16:39
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Professeur Raymond n'est pas loin je viens de le croiser sur un autre article , depuis qu'il a avoué être un repenti des salles de marchés il me devient sympathique .

le 01/12/2023 à 17:03
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@Idx. Encore mieux. Ex-whistleblower (2007) de ce qu'allait être la crise du subprime US en 2008. Sans compter que je fus un justiciable ensuite (avec 5 ans de procès à l'étranger pour ça et des menaces sur moi et ma famille, etc...).

à écrit le 01/12/2023 à 15:01
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Le grand visionnaire qui devait mettre la Russie à genoux.. Meilleur en partout..

le 02/12/2023 à 14:41
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Il n'y a pas besoin de BLM. Poutine s'emploie savamment à aplatir la Russie au niveau de tapis pour les chinois.

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