Vivement opposée à l'acquisition de congés payés par les salariés en arrêt-maladie, décidée en septembre par la Cour de cassation, l'organisation patronale CPME a lancé ce lundi 30 octobre une pétition dans laquelle elle demande au gouvernement « d'agir » contre cette mesure. La pétition est disponible sur le site de la CPME. Pour rappel, cette dernière est la première organisation patronale française en nombre d'adhérents, avec 243.000 entreprises employant quatre millions de salariés.
« Inadmissible »
« Sur le fond, explique la CPME dans son communiqué, découpler travail effectif et congés payés est profondément choquant. C'est la valeur travail qui est ainsi attaquée ». De surcroît, selon le syndicat représentant une grande partie des petites et moyennes entreprises, « il est parfaitement injuste qu'un salarié absent pendant une longue période bénéficie d'autant de congés qu'un salarié présent à son poste ».
La CPME juge enfin « inadmissible » la rétroactivité « qui permettra aux salariés de (...) réclamer des congés payés au titre de leurs arrêts-maladie des trois dernières années ». La confédération des PME estime que cette décision risque de « condamner certaines PME ». Résultat, elle invite le gouvernement « à comprendre l'indignation des chefs d'entreprise et à agir ».
Le patronat remonté
En dehors de la CPME, cette mesure est redoutée par une grande partie du patronat. C'est un « énorme sujet de préoccupation », a commenté le président du Medef, Patrick Martin, il y a deux semaines, lorsque le jugement est tombé. Il estime l'impact à « plus de deux milliards d'euros par an » pour le secteur privé, et donc potentiellement six milliards si les entreprises sont « tenues de provisionner et de verser trois années d'antériorité » (effet rétroactif). Le patronat appelle le gouvernement à préciser dans la loi les contours et limites de la nouvelle règle.
Chez les syndicats de salariés, ce jugement de la Cour de cassation est largement salué. Pour la CFDT, cette décision s'imposait, car les salariés ne doivent pas être « pénalisés » par des arrêts maladie « indépendants de leur volonté ». L'arrêt de la Cour de cassation est sans « aucune ambiguïté » et entraîne « des conséquences tellement importantes que le patronat a décidé de ne pas l'appliquer », a ironisé il y a deux semaines Anaïs Ferrer, du syndicat CGT.
Les employeurs « espèrent une modification législative qui limiterait sa portée dans le temps, notamment son caractère rétroactif », déplore-t-elle. Pourtant, « c'est un dû », insiste la syndicaliste. Cette nouveauté, soupire-t-elle, « ils auraient pu l'anticiper ».
Mise en conformité avec le droit européen
Le 13 septembre dernier, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions accordant à des salariés malades ou accidentés des congés payés sur leur période d'absence, même si cette dernière n'était pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle. Cette décision, a expliqué la Cour, « met en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congé payé ». Selon la haute instance de justice, il s'agit d'une mise en conformité avec une directive européenne de 2003.
Jusqu'à présent, selon le Code du travail, le salarié de retour d'un arrêt maladie bénéficiait uniquement des congés déjà acquis avant d'être malade, mais aucun jour supplémentaire ne lui était octroyé pendant son arrêt - sauf éventuelle disposition plus favorable prévue dans un accord collectif.
Environ 407,5 millions de journées ont été indemnisées en 2022 par l'Assurance maladie, qui a récemment indiqué à l'AFP qu'elle ne disposait pas de données plus précises quant à la durée de ces arrêts.
(Avec AFP)