Entreprises : les dépenses énergétiques des PME et TPE ont bondi de 73% en trois ans

Face à l'envolée des prix, les PME et TPE françaises ont relativement bien tenu le choc depuis la crise énergétique selon une note du conseil d'analyse économique (CAE). Ce dernier a constaté « une légère dégradation » de leur situation financière. Mais nombre d'entre elles ont fait passer cette envolée des factures dans les prix aux consommateurs.
Grégoire Normand
Dans la boulangerie, les artisans avaient tiré la sonnette d'alarme sur l'envolée des prix de l'énergie il y a un an.
Dans la boulangerie, les artisans avaient tiré la sonnette d'alarme sur l'envolée des prix de l'énergie il y a un an. (Crédits : Reuters)

Le cri d'alarme des boulangers et des artisans de janvier 2023 va-t-il ressurgir ? En pleine crise énergétique, de nombreux professionnels avaient tiré la sonnette d'alarme sur la brutale envolée des factures depuis la fin de l'année 2021. L'entrée en guerre de la Russie en Ukraine quelques mois après avait provoqué une onde de choc sur les marchés de l'énergie en Europe poussant certains secteurs au bord du précipice.

Deux ans jour pour jour après l'éclatement du conflit, quel est l'impact de cette crise énergétique sur le tissu de PME et TPE tricolores ?

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Dans une note consultée par La Tribune, le Conseil d'analyse économique (CAE) a passé au crible des données bancaires inédites et anonymisées du Crédit mutuel de plus de 100.000 entreprises. Résultat, les dépenses énergétiques ont bondi de 73% entre 2020 et 2023« Les dépenses énergétiques ont beaucoup augmenté depuis 2020. Mais il y a plusieurs étapes. En 2020, l'économie française était encore en période de confinement. Beaucoup d'entreprises étaient à l'arrêt. La hausse des dépenses pouvait s'expliquer au redémarrage de l'économie. Ensuite, les dépenses énergétiques ont augmenté car les tarifs de l'énergie ont bondi », rappelle le président du CAE et économiste Camille Landais.

En Europe, l'indice des prix a certes ralenti depuis 2023 avec l'essoufflement des prix du gaz, du pétrole et de l'électricité. Mais la pression reste importante pour beaucoup de petites entreprises. Depuis le premier février, le gouvernement a enclenché une hausse de 10% des tarifs de l'électricité avant une prochaine hausse des prix du gaz. Ces nouvelles augmentations pourraient mettre à mal certaines entreprises déjà fragilisées par les années de pandémie, de guerre en Ukraine et le débranchement du bouclier tarifaire.

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Face au choc énergétique, une forte hétérogénéité

L'autre résultat important de cette vaste enquête est que derrière cette moyenne se cache de fortes disparités au sein d'un même secteur. Par exemple, les entreprises au sein de l'industrie manufacturière ont connu des différences de hausses importantes. Comment expliquer un tel fossé ? Tout d'abord, les entreprises n'ont pas renouvelé leur contrat avec leur fournisseur au même moment. « Les modalités du contrat expliquent largement les hausses de dépenses énergétiques des entreprises. En effet, celles disposant de contrats d'approvisionnement énergétique à long terme et à prix fixe subiront l'inflation énergétique au moment de la renégociation de ces contrats », expliquent les économistes.

En outre, le bouclier tarifaire a pu jouer le rôle d'amortisseur. « Les entreprises ont pu être affectées différemment car certaines étaient éligibles au bouclier tarifaire et d'autres non. Certaines entreprises vont aussi être très différentes dans leur efficacité énergétique », poursuit Camille Landais.

Une exposition énergétique relativement faible

Entre les secteurs, l'hétérogénéité est encore plus flagrante. Alors que le taux d'exposition ne dépasse pas les 2% pour la moyenne des entreprises, entre 2020 et 2023, l'industrie manufacturière souffre davantage que l'immobilier. Surtout, les transports font figure d'exception en étant exposés à hauteur de 7% aux coûts de l'énergie. « La part des carburants dans la structure des coûts du secteur des transports peut expliquer cette différence d'exposition par rapport aux autres secteurs indique », Ariane Salem co-auteure de la note.

Reste qu'au global, « l'économie française est peu exposée sur le plan énergétique. Beaucoup d'activités ne requièrent pas beaucoup d'énergie dans leurs intrants », indique Camille Landais, également professeur à la London School of Economics (LSE). Cette faible exposition a permis de limiter la casse sur la situation financière des entreprises. Le renchérissement des coûts de l'énergie avait provoqué des craintes dans les milieux patronaux et financiers. Certaines usines avaient réduit la cadence en raison de la poussée de fièvre des prix de l'énergie. Et au final, la situation financière des PME et TPE s'est « légèrement » dégradée. « Quand les prix de l'énergie augmentent, les entreprises commencent par réduire leur demande énergétique. Il y a eu un effet quantité. Soumises à un choc de prix, elles ont réduit leur consommation d'énergie. Elles ont en partie répercuté ces coûts dans leurs prix », résume l'économiste.

Peu de défaillances liées à la crise énergétique mais...

Reste que le ralentissement de l'économie tricolore et la fermeture du robinet des aides Covid a réveillé des craintes en 2023. Plusieurs récentes études ont montré qu'à la fin de l'année passée, l'Hexagone a enregistré une hausse des faillites d'entreprises particulièrement importante. Sous l'effet du resserrement de la politique monétaire et de la dégradation des conditions financières, les entreprises ont fait part de carnets de commande en berne.

Mais la remontée des prix de l'énergie ne devrait pas provoquer de faillites en cascade. « La hausse actuelle est essentiellement un mouvement de rattrapage des défaillances qui n'ont pas eu lieu pendant la pandémie », explique Camille Landais. « Il n'y a pas à craindre d'effets massifs de cette hausse des prix de l'électricité. La hausse des prix de l'électricité pourrait avoir tendance à être répercutée sur les prix ». En revanche, « cela va surtout affecter les consommateurs ». Une mauvaise nouvelle pour l'économie tricolore actuellement en panne sèche.

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Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 06/02/2024 à 16:19
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les coûts ont bondit de 73% et fle résultat des entreprises qui bénéficient d'un faux marché de l'électricité tout autant ! c'est l'histoire des vases communicants ! C'est juste que macron transfert l'argent de la poche des petits vers ses amis ! ...

à écrit le 06/02/2024 à 13:10
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Bonjour, la hausse des prix a bien compensé certaines hausse énergétique... D'ailleurs l'état a aidé avec de l'argent publique énormément d'entreprise (boulanger, PME,ou autre). Bien sûr ils ne faut pas le dire...

à écrit le 06/02/2024 à 12:03
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Mais non voyons, rappelez-vous, gouvernement & Co ont d'abord minimisé l'augmentation du coût des énergies et ensuite rasséréné la plèbe par la trajectoire "'en baisse" du coût des énergies. Alors intégrez vite fait que le coût des énergies jusqu'à p...

à écrit le 06/02/2024 à 10:26
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Ben oui mais faut donner des sous aux lobbys de l'énergie, aux monarchies pétrolières entre autres, afin qu'ils planquent le pognon dans leurs paradis fiscaux ou bien nous achètent à bon prix le patrimoine français. Nietzsche avait prévenu les gars, ...

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