Face aux tensions persistantes en Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron sort la carte du référendum

Il en faudra plus pour réussir débloquer la situation en Nouvelle-Calédonie. Après deux semaines de chaos, la visite du président de la République et le lancement d'une mission de conciliation n'ont pas fait cessé les tensions et le climat de violence reste présent. D'autant qu'Emmanuel Macron n'exclut pas de faire passer la réforme électorale par référendum national en cas d'échec des négociations locales.
La venue d'Emmanuel Macron sur le Caillou n'aura pas réussi à débloquer la situation.
La venue d'Emmanuel Macron sur le Caillou n'aura pas réussi à débloquer la situation. (Crédits : Reuters)

La visite surprise d'Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie n'aura pas suffi à apaiser les tensions qui règnent depuis deux semaines. Ni même à « rétablir l'ordre » comme l'avait souhaité le président de la République, avec des forces de l'ordre qui peinent toujours à contrôler certains quartiers du Grand Nouméa. Il n'a ainsi pas réussi à trouver d'issue conciliatoire à la crise provoquée par la réforme du corps électoral avec les représentants calédoniens et pose désormais l'éventualité d'un référendum.

Lors de cette visite de moins de 24 heures sur place, Emmanuel Macron n'a pas voulu remettre en cause une réforme qu'il estime « juste » selon une interview accordée au Parisien lors de son retour. Il a donné jusqu'à la fin juin aux élus et responsables politiques de l'archipel, aidés par une « mission de médiation » de trois hauts fonctionnaires, comme objectif de trouver « un accord global » qui « puisse être soumis au vote des Calédoniens ». Celui-ci « viendrait enrichir le texte déjà voté par le Parlement », a souligné le président de la République.

Le référendum comme porte de sortie

Ce texte originel prévoit un dégel du corps électoral local, c'est-à-dire son élargissement aux personnes établies en Nouvelle-Calédonie depuis au moins 10 ans. Ce qui a créé de vives tensions, et engendré la mort de sept personnes dans ce territoire français du Pacifique Sud, plongé dans le chaos depuis le 13 mai. L'économie locale est aussi durement touchée. Selon la Chambre de commerce et d'industrie de l'archipel, les sinistres pourraient avoisiner le milliard d'euros.

Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de « minoriser » encore plus le peuple autochtone kanak. Ils réclament toujours le retrait de la réforme constitutionnelle, qui a provoqué les pires violences en 40 ans et réveillé le spectre des « Evènements » qui, de 1984 à 1988, avaient fait près de 80 morts et craindre la plongée de la Nouvelle-Calédonie dans la guerre civile.

Lire aussiNouvelle-Calédonie : Emmanuel Macron promet qu'il ne passera pas « en force » la loi électorale

« J'assume un geste d'apaisement et d'ouverture mais je ne prendrai jamais de décision de report ou de suspension sous la pression de la violence », a redit Emmanuel Macron dans son interview. En cas d'échec de la mission de conciliation, il a indiqué pouvoir soumettre cette réforme locale du corps électoral contestée au référendum national. « Je peux aller à tout moment au référendum » sur cette réforme déjà adoptée par le Sénat puis l'Assemblée nationale, a-t-il fait valoir.

 Le Premier ministre, Gabriel Attal, a également fait savoir, dans son entretien à La Tribune Dimanche, qu'il pourrait se rendre sur place en temps utile.

L'état d'urgence va demeurer

En attendant, sur le terrain, la situation « demeure très difficile pour les habitants de l'île, en particulier dans le Grand Nouméa », a relevé samedi soir la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, dans un communiqué. La levée de l'état d'urgence n'est pas pour tout de suite, a-t-elle ajouté, estimant que cela ne pourra être fait « qu'à la condition que les barrages soient levés et le calme revenu ».

Si la situation est plus calme et qu'un semblant de vie quotidienne renaît par endroits, quelques quartiers restent difficiles d'accès aux forces de l'ordre : à Koutio, dans la ville de Dumbéa, une banque a brûlé dans la nuit, a appris un journaliste de l'AFP.

Lire aussiMacron se rend en Nouvelle-Calédonie alors que de nouveaux incendies ont été déclarés dans la nuit

De nombreux barrages sont toujours en place, malgré les efforts des plus de 2.700 policiers et gendarmes déployés qui les démontent dans la nuit. À la Vallée-du-Tir, un tronc d'arbre encore fumant et de nouvelles carcasses de voitures en travers de la route témoignent des heurts de la nuit.

Des CRS contrôlent l'entrée de la zone industrielle de Ducos, durement touchée depuis le début des émeutes. Dans le quartier populaire des Villages de Magenta, lui aussi très touché mais où le calme règne dimanche, une queue s'est formée devant le supermarché du quartier, que les jeunes assurent protéger des incendies et pillages.

Les appels au calme du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), principale composante indépendantiste, n'ont pas suffi à calmer entièrement les esprits. Il a déclaré samedi que « aujourd'hui, l'objectif principal du mouvement indépendantiste est d'apaiser les tensions et de trouver des solutions durables pour notre pays ». « En ce sens, le FLNKS renouvelle son appel au calme et demande également à desserrer l'étau sur les principaux axes de circulation », ajoute le mouvement dans un communiqué.

Une situation qui peut s'embraser à nouveau

Ce climat, loin d'être apaisé, pose d'ailleurs la question de l'organisation des élections européennes au sein du territoire calédonien. Aujourd'hui, le déroulement du scrutin du 9 juin reste incertain.

Lire aussiNouvelle-Calédonie : le Caillou pourra-t-il voter pour les européennes ?

Et de récents événements montrent que la situation peut vite basculer à nouveau dans une spirale dangereuse. Le bilan des violences est ainsi passé vendredi à sept morts, le septième étant un homme de 48 ans dont l'identité n'a pas été communiquée, tué à Dumbéa par un policier. Ce dernier a été placé en garde à vue. Il s'agissait « d'un policier en civil, qui n'était pas en service » et « a été pris à partie par une vingtaine d'individus dans le cadre d'un barrage », a précisé samedi Marie Guévenoux.  « Il n'y a pas d'opérations de police qui ont mené à la mort de personnes », a-t-elle souligné, alors que ce décès a suscité des craintes d'embrasement sur place.

La dépouille d'un indépendantiste de 19 ans, tué à Nouméa le 15 mai, a été rapatriée à Maré, l'île dont il est originaire et où il doit être enterré dimanche. Une foule impressionnante était présente pour accueillir le bateau qui transportait également des étudiants retournant sur leur île, selon les images de la chaîne Nouvelle-Calédonie La 1ère.

Premières évacuations

Les Français de métropole, restés coincés dans l'archipel en raison des émeutes, commencent pour leur part à entrevoir le bout du tunnel : de premiers vols à bord d'appareils militaires ont décollé samedi de l'aérodrome international de Nouméa vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

« L'attente était interminable, puisque la réouverture de l'aéroport est repoussée de jour en jour », a raconté à l'AFP l'une de ces touristes, alors que l'aéroport reste fermé aux vols commerciaux depuis le 14 mai et au moins jusqu'à mardi.

Avec AFP

Commentaires 8
à écrit le 27/05/2024 à 8:04
Signaler
A la lecture de ces commentaires à laquelle je souscris une seule question s.impose , le président assumera t.il le résultat du vote au regard de celui de N.D des Landes qui a vu une défaite en rase campagne face à quelques irresponsables, il en sera...

à écrit le 26/05/2024 à 17:06
Signaler
"D'autant qu'Emmanuel Macron n'exclut pas de faire passer la réforme électorale par référendum national en cas d'échec des négociations locales." Un référendum colonial au mépris du droit à l'autodétermination des indigènes... de qui se moque-t...

à écrit le 26/05/2024 à 16:29
Signaler
Bonjour , bien pourquoi pas , mais ils faudra assumer les violence locale et le retour au calme... Ne pas oublié que les indépendantistes sont armés et soutenu par l'étranger... Donc nous risquons de partir en guerre civile sur un des territoires fr...

à écrit le 26/05/2024 à 12:18
Signaler
Un référendum « national » qui adopterait un texte rendant encore plus difficile l’indépendance par référendum « local » serait certes une manière de régler le problème mais, comme les Français, qui ont été choqués par les violences, voteraient sûrem...

à écrit le 26/05/2024 à 11:54
Signaler
Nos politiciens ne savent même plus parler. Qualitativement bien entendu et pas quantitativement leur ultime stratégie alors que particulièrement soulante. Nous sommes en 2024 et nous avons internet pour nous informer les gars ! Vous êtes tous en tra...

à écrit le 26/05/2024 à 11:39
Signaler
Faire un référendum « national » sur un texte rendant encore plus difficile l’indépendance en Nouvelle Calédonie est une manière déloyale de régler le problème puisque il y a de fortes chances que les Français, qui ont été choqués par les violences q...

à écrit le 26/05/2024 à 11:27
Signaler
Bien joué ! Si on met au vote, les kanaks minoritaires n'auront pas gain de cause.

le 26/05/2024 à 17:14
Signaler
"Bien joué ! Si on met au vote, les kanaks minoritaires n'auront pas gain de cause." Bien entendu le diktat de millions de potentiels colons métropolitains contre quelques milliers d'indigènes kanaks ce n'est pas un passage en force... de qui s...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.