Le Sénat examine un texte pour lutter contre les ingérences étrangères, les troubles en Nouvelle-Calédonie en toile de fond

Registre national de l'influence, gel des avoirs financiers, surveillance algorithmique élargie : plusieurs mesures phares sont soumises au Sénat dans le cadre d'une proposition de loi du camp macroniste, déjà largement adoptée à l'Assemblée nationale à la fin du mois de mars.
Plusieurs sénateurs se sont notamment inquiétés de l'influence croissante de la Chine dans l'archipel calédonienne, alors que le réseau social TikTok, dont la maison-mère est chinoise, y a été interdit.
Plusieurs sénateurs se sont notamment inquiétés de l'influence croissante de la Chine dans l'archipel calédonienne, alors que le réseau social TikTok, dont la maison-mère est chinoise, y a été interdit. (Crédits : Reuters)

L'examen ce mercredi par le Sénat d'une proposition de loi visant à renforcer l'arsenal de lutte contre les ingérences étrangères heurte de plein fouet l'actualité en Nouvelle-Calédonie, où l'influence de l'Azerbaïdjan dans le contexte des récentes émeutes est dénoncée par le gouvernement.

Registre national de l'influence, gel des avoirs financiers, surveillance algorithmique élargie : plusieurs mesures phares sont soumises à la chambre haute dans le cadre d'une proposition de loi du camp macroniste, déjà largement adoptée à l'Assemblée nationale à la fin du mois de mars.

Des sanctions renforcées

« Nous n'en sommes qu'au début de l'abandon du déni face à cette réalité qui s'oppose à nous, mais cette proposition de loi va dans le bon sens. L'expérience d'autres pays ayant mis en place ces mesures nous dit qu'il peut y avoir des progrès considérables », affirme de son côté le sénateur Horizons Claude Malhuret.

Sur le fond, la proposition de loi entend instaurer une obligation pour des représentants d'intérêts étrangers qui font du lobbying en France de s'inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants. Ce registre sera géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

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Autre mesure sensible, l'élargissement aux cas d'ingérences étrangères d'un dispositif expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet. Cet outil, contesté par une partie de la gauche qui craint une atteinte à la vie privée, n'est actuellement autorisé que pour la prévention du terrorisme.

Le texte prévoit également la possibilité de geler des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d'ingérence définies. En commission, le Sénat a également introduit une « circonstance aggravante » dans le code pénal pour les crimes et délits « commis dans le but de servir les intérêts d'une puissance étrangère, d'une entreprise ou d'une organisation étrangère ».

La Nouvelle-Calédonie s'invite dans les débats

Si l'examen par les députés avait eu pour toile de fond la campagne des élections européennes et notamment la posture des oppositions vis-à-vis de la Russie, les débats au Sénat interviennent eux en pleine crise néo-calédonienne et promettent aussi d'être animés.

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Alors qu'une vague de violences touchait l'archipel du Pacifique sud, Paris a en effet publiquement accusé l'Azerbaïdjan d'ingérence - ce que Bakou a immédiatement rejeté - épinglant notamment le mémorandum de coopération signé en avril entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée nationale de l'Azerbaïdjan ou encore une campagne de désinformation diffusée ces derniers jours sur les réseaux sociaux.

Plusieurs élus se sont également inquiétés de l'influence croissante de la Chine dans l'archipel, alors que le réseau social TikTok, dont la maison-mère est chinoise, y a été interdit.

Risques de déstabilisation de la France

« Cela illustre l'urgence de légiférer sur ce sujet », appuie la sénatrice Agnès Canayer, rapporteure sur le texte. « On voit en Nouvelle-Calédonie un terreau très favorable pour déstabiliser la France, car c'est un territoire en éruption », ajoute l'élue rattachée au groupe Les Républicains, satisfaite d'avoir vu la proposition de loi « élargie aux territoires d'outre-mer ».

Dans ce contexte, les objectifs du texte semblent recueillir l'approbation consensuelle du Palais du Luxembourg, même si des sénateurs de nombreux bancs ne le considèrent que comme « une première approche » dans la lutte contre les ingérences étrangères.

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« Malheureusement, il aura fallu des faits dramatiques en Nouvelle-Calédonie pour que cette prise de conscience survienne d'un seul coup, pour que certains se rendent compte que lorsqu'on parle d'ingérences étatiques, ce n'est pas un mythe », regrette la sénatrice socialiste Gisèle Jourda.

A travers une « motion préalable », celle-ci va d'ailleurs demander le report de l'examen du texte, dans l'attente de la fin des travaux d'une commission d'enquête sénatoriale lancée sur ce sujet sensible, et dont le rapport est prévu pour le mois de juillet. « Ce texte a le mérite d'exister, mais il aurait mérité d'être bien plus corsé », pointe l'élue qui portera des amendements pour en élargir le champ et proposera un volet de « sensibilisation » auprès des jeunes et des élus locaux.

La Nouvelle-Calédonie visée par une cyberattaque « inédite »

L'examen par les sénateurs de ce texte de loi intervient alors que la Nouvelle-Calédonie a subi mardi une « cyberattaque d'une force inédite » qui a depuis été « stoppée », a annoncé le gouvernement calédonien. Des faits qui se sont produits « peu après » l'annonce par le président Emmanuel Macron de sa venue sur l'archipel français.

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« Nous avons subi la nuit dernière une cyberattaque d'une force inédite en Nouvelle-Calédonie puisqu'un fournisseur d'accès (à internet) a subi une attaque de l'extérieur sur une adresse IP avec le but de saturer le réseau calédonien », a expliqué lors d'une conférence de presse Christopher Gygès, membre (Les Loyalistes) du gouvernement collégial local. « Des millions d'emails ont été envoyés de manière simultanée sur une adresse mail qui avait pour objet de saturer » le réseau « et de le rendre inopérant », a encore précisé le cadre gouvernemental.

Pour rappel, Emmanuel Macron a quitté Paris mardi soir pour se rendre en Nouvelle-Calédonie, où il prévoit d'installer une « mission » aux contours encore flous, dans le but d'apaiser la situation sur l'archipel, théâtre d'émeutes depuis lundi dernier qui ont fait six morts.

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 22/05/2024 à 12:23
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Ha ça y est les produits de Meta vont être interdits ?

à écrit le 22/05/2024 à 10:31
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Il faut interdire tous les réseaux dits "sociaux" parce que les populations sont incapables d'en comprendre les enjeux qui vont à l'encontre de leurs intérêts particuliers et nuisent à la cohesion générale. Je prêche dans le vide....mais bon il fau...

le 23/05/2024 à 7:37
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L'obsession du contrôle ne peut effacer les causes des problèmes. L'utilisation du réseau social n'est qu'une conséquence pas une cause des troubles. D'ailleurs en NC l'utilisation des VPN permet de contourner les barrières mises en place. Bref, des ...

à écrit le 22/05/2024 à 9:58
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Si nos dirigeants sont aussi nuls c'est forcément parce que c'est la faute aux autres.

à écrit le 22/05/2024 à 9:56
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"renforcer l'arsenal de lutte contre les ingérences étrangères " Ils vont virer McKinsey ?

à écrit le 22/05/2024 à 9:09
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Les ingérences étrangères? Quand on voit ce que nous font subir la coalition bruxelloises et l'OTAN, le reste c'est peanuts ! ;-)

à écrit le 22/05/2024 à 7:22
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encore une loi dans la bienveillance!!!!!! du temps de l'affaire KRAVCHENKO, les francais ont decouvert, grace aux medias independants donc de gauche, qu' l'est il n'y avait que bienveillance et amour ( mais ni camps, ni executions, hein, ca c'est de...

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