Formation : « Il faut s'inscrire dans la compétition mondiale avec nos valeurs », Marc-François Mignot-Mahon (Galileo Global Education)

4 QUESTIONS. Alors que la crise du Covid a stoppé net des pans entiers de l'économie, 62% des 25-34 ans envisagent sérieusement de se reconvertir, d'après une étude BVA pour Visiplus Academy. Dans un monde en pleine mutation, Marc-François Mignot-Mahon, président monde du réseau d'éducation Galileo, estime que les compétences et la formation sont essentielles et qu'elles participeront à la relance. Justement, le gouvernement leur consacre 15 milliards d'euros dans le plan présenté en septembre 2020.
Marc-François Mignot-Mahon est le président monde de Galileo Global Education, présent dans 13 pays.
Marc-François Mignot-Mahon est le président monde de Galileo Global Education, présent dans 13 pays. (Crédits : Reuters)

Passé par la production de contenus culturels puis le secteur des nouvelles technologies, Marc-François Mignot-Mahon est arrivé dans le monde de l'éducation pour « rendre à la société » ce qu'elle lui a donné. « Quand j'étais petit, on ne savait pas trop quoi faire de moi à l'école », confie-t-il à La Tribune. Il reconnaît avoir été très marqué par ses premières années de scolarité, dans une école qui rassemblait des profils de tout âge, « d'horizons très différents (...) et qui avaient le droit d'être qui ils étaient ». « J'ai adoré ça (...), il y avait de l'exigence et beaucoup d'hybridité ». Aujourd'hui, Marc-François Mignot-Mahon dirige le réseau d'éducation privée supérieure  Galileo Global Education qui compte près de 130 000 étudiants et 55 partenaires comme l'ESG ou la Regent School London.

LA TRIBUNE - Pourquoi les compétences arrivent-elles sur le devant de la scène ?

MARC-FRANÇOIS MIGNOT-MAHON - Il y a un grand changement qui est en train de se faire dans l'éducation, c'est l'adaptation au monde. La  complexification des outils, la mondialisation et l'accélération des mutations font que tous les métiers sont variés. Donc nous ne sommes plus capables de classifier les carrières selon des attributs historiques figés. Au contraire, il faut granulariser la description des emplois par les compétences.

De manière circonstancielle aussi, cette adaptabilité par les compétences est cristallisée par la crise économique. Le monde s'est arrêté par une décision unique dans l'histoire de l'humanité de stopper l'économie. Des individus compétents, qui étaient même en phase de succès, comme le tourisme ou les compagnies aériennes, ont été stoppés de manière exogène. Il est extrêmement important d'identifier en urgence leurs compétences et celles qui manquent ailleurs pour qu'ils puissent changer de secteur. Pour cela, il faut se former : c'est donc par les compétences et uniquement par les compétences que nous pouvons aller vite. Nous ne pourrons pas réinventer les emplois perdus.

Ainsi, je trouve que le gouvernement excelle dans la gestion de cette crise. La seule problématique, c'est une France encore trop administrative. Il faut accepter de se tromper et d'innover, par exemple en digitalisant la formation.

Quel est le profil des travailleurs en reconversion aujourd'hui ?

Les secteurs qui ont été le plus frappés sont ceux de la mobilité, et ceux qui ont le plus de besoins sont les métiers techniques et les services digitaux. Le digital a pris 25 ans de vie avec la Covid, les gens ont compris qu'il est possible se former à distance ou de se faire livre à manger en un clic. Nous n'avons pas encore de vision claire et définitive des niveaux de reprise dans le secteur du transport ou du service, mais soyons vigilants et surréactifs. S'il n'y a pas de retour à la fréquentation dans les hôtels et les restaurants, il y aura des plans sociaux. Ensuite il faudra migrer des pans entiers du tourisme, du commerce, ou encore de l'aviation vers des secteurs qui sont totalement sous-dimensionnés, comme les services à la personne. Il va donc falloir former vite, c'est l'objet d'une transition collective.

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Par ailleurs, c'est une idée reçue que de penser que de changer de secteur amène un déclassement. Quand vous allez vers les métiers sous-employés, comme le code, vous avez parfois des capacités de négociation qui sont plus élevées que dans les secteurs que tout le monde convoite, comme le luxe.

Qu'est-ce que l'hybridation des compétences ?

Depuis 500 ans, l'éducation est restée globalement sur le même modèle, alors que la société a tellement changé. Pourtant elle a pour objectif de préparer à un monde nouveau. Et la seule préparation possible c'est de faire des gens qui sont hybrides. Chez Galileo, nous essayons de ne pas préparer les jeunes à l'obsolescence, cela s'appelle le savoir devenir. C'est la capacité de travailler en mode projet et de comprendre les contraintes de l'autre. Aujourd'hui, la technologie, le marketing et la finance ne sont plus dissociables.

C'est pour cela que les Anglo-saxons nous marchent dessus, parce qu'ils ont des universités hybrides. C'est le premier enjeu géopolitique : en France nous avons encore des fleurons, mais derrière il y a très peu de PME et d'ETI. Le monde avance sans nous, les classes moyennes françaises ont un sentiment de déclassement terrible.

Il faut leur redonner un projet et s'inscrire dans la compétition mondiale avec nos valeurs et nos armes. Nos valeurs ne sont pas celles de la productivité déshumanisée. Il faut donner à l'être humain des  compétences qui vont lui permettre de créer des entreprises dans ce pays. De plus, 30 à 50% des cours doivent être changés tous les ans : il faut adapter nos enfants au digital et construire nos propres Stanford.

L'alternance est-elle un bon moyen de favoriser la formation ?

L'alternance se passe bien grâce au plan "1 jeune 1 solution"(misen place par le gouvernement au cours de l'été 2020) et elle a beaucoup d'aspects positifs. Tout d'abord, un jeune apporte du dynamisme à nos PME. Ensuite, l'alternance a ceci de formidable qu'elle permet d'apprendre en gagnant sa vie : c'est un contrat avec des droits et des devoirs. Elle écrase les inégalités face au coût de la vie et c'est l'avenir de la résorption des décrocheurs dans ce pays. De plus, le fait que les entreprises puissent intervenir dans les CFA (Centre de Formation d'Apprentis, ndlr) était une libéralisation pertinente de ce gouvernement. En effet, le savoir n'est plus académique. Aucune université seule n'est capable d'avoir autant de connaissances sur l'avenir car le monde est trop complexe. Au contraire, c'est avec les entreprises que nous pouvons avoir la meilleure gestion prévisionnelle des compétences et nous avons besoin du savoir des grands leaders.

Enfin, couplée à des sessions digitales, l'alternance permet d'être au plus près des individus dans les territoires. Dans la formation il y a deux solutions : paupériser l'information, dévaloriser et faire de l'ultra marchandisation, ou conserver des processus qualitatifs. Dans les années 2000, nous n'étions pas prêts au niveau technologique. Mais aujourd'hui, si nous utilisons le digital pour personnaliser les formations, nous avons alors un haut niveau de qualité et une incroyable machine à développer la productivité.

Commentaires 2
à écrit le 12/07/2021 à 18:34
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Je sais pas si il "rend à la société ", en tout cas il ne rend pas à l'éducation nationale républicaine et laïque.

à écrit le 12/07/2021 à 8:25
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Ils sont où les milliards de la formation ? Ca fait trente ans que j'entends parler de la formation comme recette miracle contre le chômage tandis que les français sont toujours dans du chômage de masse. A part le fait d'imputer la responsabilité de ...

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