Compétences, automatisation, télétravail : la crise du Covid-19 accouche d'un nouveau marché de l'emploi

La 4e révolution industrielle et le coronavirus, se téléscopant au même moment, transforment profondément la relation au travail du côté des salariés mais aussi de l'employeur. En première ligne de ces changements, l'accélération des reconversions professionnelles. De fait, les nouvelles technologies devraient remplacer 85 millions d'emplois dans le monde d'ici 2025, selon une étude du Forum économique mondial. Une destruction compensée par 97 millions de nouveaux postes, engendrés eux aussi par la révolution robotique.
(Crédits : REUTERS/Massimo Pinca)

« Le futur de l'emploi », c'est maintenant. Les destructions de postes à cause du déploiement des nouvelles technologies sont arrivées plus vite que prévu à cause de la pandémie de Covid-19, d'après l'étude annuelle "The Future of Jobs" sur les effets de l'automatisation sur le lieu de travail et sur les perspectives de la révolution robotique. Autrement dit, les confinements successifs décidés par les gouvernements et les récessions économiques qu'ils ont entrainé ont eu un effet de catalyseur et d'accélérateur des transformations - déjà en cours - sur le marché de l'emploi, comme le révèle cette troisième édition présentée mercredi 21 octobre lors du Jobs Reset Summit, organisé par le Forum Économique Mondial.

Il en ressort que, dans les cinq prochaines années, 85 millions d'emplois dans le monde dans les moyennes et grandes entreprises de 15 secteurs et 26 économies seront perturbés par l'automatisation et une nouvelle répartition du travail. Plus de 80% des chefs d'entreprise développent la numérisation de processus et, contrairement aux années précédentes, la création de postes ralentit, tandis que la destruction d'emplois s'accélère.

« L'accélération de l'automatisation et les retombées de la récession entraînée par la Covid-19 ont aggravé les inégalités existantes sur les marchés du travail et annulé les progrès en matière d'emploi réalisés depuis la crise financière mondiale de 2007-2008 », a déclaré Saadia Zahidi, directrice générale au Forum Économique Mondial. Et d'ajouter : « Les entreprises, les gouvernements et les travailleurs doivent prévoir de [...] mettre en œuvre une nouvelle vision de la main-d'œuvre mondiale ».

L'évolution de l'économie et des marchés de l'emploi fera néanmoins également émerger 97 millions de nouveaux postes. Et ce, dans l'économie des soins, dans les industries technologiques de la quatrième révolution industrielle comme l'intelligence artificielle, et dans les domaines de la création de contenu.

En raison de ces nouvelles technologies, selon ce rapport, 43% des entreprises interrogées s'attendent à réduire leurs effectifs, 41% prévoient de recourir à davantage de sous-traitants tandis que 34% prévoient au contraire de recruter avec ces mutations technologiques.

Le rapport du WEF se base sur les projections de hauts dirigeants d'entreprises, dont des directeurs des ressources humaines et directeurs de la stratégie, qui représentent près de 300 grandes entreprises.

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Les rôles dans des domaines tels que la saisie de données, la comptabilité et le soutien administratif sont d'ores et déjà moins de en moins demandés à mesure que l'automatisation et la numérisation sur le lieu de travail se développent. De façon générale, les machines seront principalement axées sur le traitement des informations et des données, les tâches administratives, ainsi que les travaux manuels de routine d'habitude réservés aux employés de bureau et aux ouvriers.

Pour autant, les postes qui demandent des compétences humaines seront de plus en plus demandés. À savoir la gestion, le conseil, la prise de décision, le raisonnement, la communication et l'interaction. Il y aura une forte demande de travailleurs capables d'occuper des postes liés à l'économie verte, des rôles au premier plan de l'économie des données et de l'intelligence artificielle, ainsi que de nouveaux postes dans l'ingénierie, le Cloud computing et le développement de produits.

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L'importance de la reconversion

Selon Saadia Zahidi : « À l'avenir, nous verrons que les entreprises les plus compétitives seront celles ayant investi massivement dans leur capital humain - les qualifications et les compétences de leurs employés ».

L'étude montre que la plupart des employeurs reconnaissent la valeur de la reconversion de leur main-d'œuvre. En moyenne, 66% des employeurs interrogés prévoient un retour sur investissement du perfectionnement et de la reconversion des employés actuels dans un délai d'un an. Ils espèrent également réussir à redéployer 46% des travailleurs au sein de leur propre organisation. Il ressort d'ailleurs que près d'un travailleur sur deux qui conservera son poste au cours des cinq prochaines années aura besoin d'une reconversion liée à ses compétences de base.

« La pandémie a accéléré de nombreuses tendances concernant l'avenir du travail, réduisant considérablement le délai de reconversion et de transition des travailleurs vers des emplois adaptés à l'avenir », considère Hamoon Ekhtiari, PDG de FutureFit AI, partenaire de l'étude. « Quelle que soit la prédiction que vous faites sur les emplois et les compétences, ce qui est forcément vrai, c'est l'intensité accrue et la fréquence plus élevée des transitions de carrière ».

Une tendance exacerbée par la crise mais déjà constatée ces cinq dernières années. Selon l'étude, d'après les données recueillies par LinkedIn, environ 50% des changements de carrière pour rejoindre le secteur des données et de l'intelligence artificielle proviennent déjà d'autres domaines. « Nos recherches révèlent que la majorité des transitions vers les emplois de demain proviennent d'emplois non émergents, ce qui prouve que nombre de ces emplois sont plus accessibles que les travailleurs ne le pensent », met en avant Karin Kimbrough, économiste en chef de LinkedIn. L'avenir nous dira si le futur de l'emploi est vraiment devenu le présent.

Enfin, devenu une nouvelle pratique généralisée dans l'entreprise, le télévrail va perdurer. 84% des employeurs sondés par l'étude sont prêts à numériser leur procédures et à développer de manière significative le télétravail. Ils sont prêts à faire travailler à distance près de la moitié de leurs effectifs (44%).

Plus certainement, l'étude montre que le nombre de demandeurs d'emplois cherchant un poste en télétravail a doublé. Cette nouvelle tendance débouche même sur une manière "hybride" de travailler, entre le domicile et au bureau. Autant de nouvelles formes qui génèrent aussi des inquiétudes pour les managers : 78% s'attendent à un impact négatif sur la productivité des salariés.

Lire aussi : Relance : les pistes du gouvernement pour la reconversion des salariés

Commentaire 1
à écrit le 21/10/2020 à 18:39
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La 4e révolution industrielle voit le triomphe de la précarisation du travail (donc de l'existence) pour aboutir à l'esclavage moderne, de la disparition programmée des travailleurs, des employés et des vieux, remplacés par des robots et des IA. Voi...

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