
« Stabilité ne veut pas dire immobilité. » Lors de ses sixièmes voeux à la presse et aux acteurs de l'économie ce jeudi 5 janvier, Bruno Le Maire a esquissé les principaux défis qui l'attendent pour 2023. Après trois interminables années de pandémie, le ministre a décidé de passer à la vitesse supérieure sur le verdissement de l'industrie. « L'indépendance industrielle et la souveraineté sont les nouveaux leitmotivs de la politique mondiale [...] Ce mouvement se conjugue avec une accélération de la crise climatique qui nous oblige à décarboner rapidement notre industrie et à bâtir sans délai une industrie verte pour le futur », a déclaré le ministre devant un parterre de chefs d'entreprise et de journalistes au centre de conférence Pierre Mendès France à l'intérieur du paquebot Bercy.
Ces dernières années, la multiplication des crises sanitaires, géopolitique, énergétique et écologique a jeté une lumière crue sur l'extrême fragilité de l'économie basée en grande partie sur l'énergie fossile. Les Etats et les entreprises sont obligés de diversifier leur approvisionnement pour tenter de répondre aux différentes pénuries d'énergie (gaz, pétrole), de matériaux, de composants ou de matériel sanitaire. Face à toutes ces difficultés, le gouvernement prépare un projet de loi dont l'un des objectifs est que « la France devienne la première nation de l'industrie verte en Europe. » Le pilotage de ce projet de loi a été confié au député Renaissance d'Eure-et-Loire, Guillaume Kasbarian, également président de la Commission des affaires économiques.
Une loi pour accélérer les autorisations d'implantations d'usines
Sur le plan méthodologique, le patron de Bercy veut s'inspirer de la loi Pacte. Ce texte, qualifié de « fourre-tout » en raison des nombreuses mesures qu'il contient (221 articles), est la loi emblématique du ministre de l'Economie lors du premier quinquennat Macron. Dans la lignée de cette loi symbole de la politique économique pro-entreprise du gouvernement, Bruno Le Maire a réuni ce mercredi 4 janvier un panel d'élus, de parlementaires, de chefs d'entreprises et de représentants associatifs. « Ce projet de loi aura vocation à accélérer les processus d'autorisation des nouveaux sites industriels, à favoriser la commande publique nationale, à financer l'innovation industrielle avec France 2030, à réorienter l'épargne et à créer un environnement fiscal plus attractif pour l'industrie verte, » a résumé le ministre.
Déjà, lors du premier mandat d'Emmanuel Macron, l'exécutif avait déjà simplifié les démarches pour obtenir des autorisations administratives d'implantations d'usines avec la loi Asap (accélération et simplification de l'action publique). Le vote de cette loi avait d'ailleurs soulevé des contestations un an après l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen.
Sur le financement, outre le plan France 2030 dotée d'une enveloppe de 54 milliards d'euros, l'exécutif veut une fois de plus mobiliser l'épargne des Français via un instrument dont les modalités restent encore à définir. Sur le plan énergétique, le ministre a mis l'accent sur la sobriété, « par le déploiement des énergies renouvelables et la relance rapide de notre parc nucléaire. »
Cinq binômes pour cinq chantiers, une loi présentée en juin au Parlement
Le gouvernement a nommé cinq binômes pour mener à bien cinq chantiers à travers cette loi. Le premier chantier doit porter sur la fiscalité « pour faire grandir l'industrie verte. » Il sera mené par Mathieu Lefèvre, député Renaissance du Val-de-Marne et Thierry Deau, directeur général de Mediam, une société spécialisée dans le financement d'infrastructures.
Le second concernera l'ouverture des usines, la réhabilitation des friches et la mise à disposition des terrains. Le troisième portera sur la production et la commande publique. Enfin les deux derniers se pencheront sur le financement de l'industrie verte et la formation aux métiers. Toutes ces équipes auront pour mission « de consulter et de se déplacer sur le territoire et formuler des propositions, » explique l'entourage du ministre. Au niveau du calendrier, les équipes doivent rendre leurs premiers travaux en mars ou avril et le gouvernement espère présenter son projet de loi au parlement en juin.
Un « inflation reduction act européen »
A l'été 2022, le président américain Joe Biden a présenté l'Inflation reduction act (Ira), un plan ambitieux de 369 milliards de dollars visant à favoriser la transition écologique et le « Made in Usa ». Cette loi censée entrer en vigueur depuis le premier janvier 2023 a été repoussée par le gouvernement américain. La Maison Blanche est actuellement en discussion avec les Européens pour tenter de trouver un terrain d'entente sur les subventions accordées aux véhicules électriques.
Lors de ses vœux, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a confirmé sa volonté de mettre en œuvre un tel dispositif sur le Vieux continent. « Au niveau européen, nous continuerons à plaider avec mon homologue Robert Habeck pour un Inflation Reduction Act européen, qui simplifie les PIIEC (projets importants d'intérêt européen commun), qui accélère les procédures d'aides, qui favorise la production industrielle verte, qui mette en place la taxe carbone aux frontières,» a-t-il expliqué. L'année 2023 promet d'être chargée pour l'exécutif.
Sujets les + commentés