Inflation : « Aucune collectivité ne sera laissée au bord du chemin » (Dominique Faure, secrétaire d'Etat à la Ruralité)

GRAND ENTRETIEN. Nommée le 4 juillet dernier comme secrétaire d'Etat à la Ruralité, Dominique Faure dévoile à La Tribune sa feuille de route. De A comme « Agenda rural » à Z pour « zéro artificialisation nette » (ZAN) ou « zones de revitalisation rurale » (ZRR), Dominique Faure l'assure : l'Etat sera aux côtés des territoires qui subissent de plein fouet la hausse des prix de l'énergie.
César Armand
Dominique Faure, la secrétaire d'Etat à la Ruralité.
Dominique Faure, la secrétaire d'Etat à la Ruralité. (Crédits : Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires)

LA TRIBUNE - Ex-maire d'une commune de 12.000 habitants en Haute-Garonne, députée Renaissance et, depuis le 4 juillet 2022, secrétaire d'Etat chargée de la Ruralité. Quelle est votre feuille de route ?

DOMINIQUE FAURE - Je veux écouter et trouver des solutions pragmatiques pour les 22 millions de Français qui vivent sur 88% du territoire national considérés comme des territoires ruraux. Or la solution n'est pas unique. Il n'y a pas une ruralité mais des ruralités avec des spécificités propres à chacune - comme la montagne ou le littoral - et des problématiques différentes à chaque endroit. De nombreux habitants des territoires ruraux ont exprimé, en 2022, un vote de rejet à la présidentielle - car la vie y est plus dure et qu'ils ont le sentiment de n'être pas assez entendus - mais il y a aussi des ruralités heureuses et positives. Je la rencontre lors de mes déplacements. C'est pourquoi, je travaille, par exemple, avec Christophe Béchu sur la transition écologique dans les territoires ruraux, Marc Fesneau sur les problématiques agricoles, Agnès Firmin Le Bodo sur les déserts médicaux, Clément Beaune (Transports) sur les mobilités et Stanislas Guerini sur l'accès aux services publics afin, à la fois, de répliquer les solutions qui marchent, et de soutenir les territoires en souffrance dans la résolution de leurs problèmes.

Vous avez été première vice-présidente de Toulouse Métropole chargée de l'Economie, de l'Innovation et de l'Emploi de 2020 à 2022. Quelles sont vos priorités dans ces domaines ?

Lors des élections municipales et présidentielle, les Français n'ont pas eu le temps de percevoir et de reconnaître tout le travail accompli par le gouvernement. Jacqueline Gourault et Joël Giraud avaient pourtant mis en place un Agenda rural. Rendez-vous compte : 181 mesures en faveur de la ruralité, dotées de 10 milliards d'euros d'ici à fin 2022 ! On ne peut plus dire que les territoires ruraux ont été oubliés par l'Etat ! 15 jours après mon entrée au gouvernement, la Première ministre m'a demandé d'évaluer l'efficacité de cette politique au terme de trois ans de mise en œuvre. C'est pourquoi j'ai confié une mission d'évaluation à l'Inspection générale de l'Environnement et du Développement durable (IGEDD) pour un rendu prévu courant janvier 2023. En parallèle, j'ai lancé des ateliers de travail sur six thématiques complémentaires aux travaux du Conseil national de la refondation (CNR) : habitat, logement, mobilités ; culture, patrimoine, mémoires ; sports et vie associative ; sécurité, prévention et vie quotidienne des collectivités locales ; ruralités et Europe ; enfin, attractivité des territoires ruraux. Ces ateliers sont chargés de faire remonter des propositions pour améliorer le quotidien de nos concitoyens vivant dans les territoires ruraux d'ici courant janvier également afin de donner une suite à l'Agenda rural.

Quelle suite donnerez-vous à ce rapport ?

Ingénieure de formation, je suis attachée à la culture de l'évaluation. Elle doit aussi s'appliquer aux politiques publiques. Ce travail me permettra donc de construire une feuille de route 2023-2026 (date des prochaines élections municipales, Ndlr) sur la base d'une dizaine d'axes. L'objectif est d'en sortir avec des mesures concrètes, qui seront le fruit de propositions des acteurs de terrain. À titre d'illustration, c'est plus de 150 personnes qui participent aux ateliers thématiques.

Y compris le président de la Fondation Travailler Autrement et président de France Tiers-Lieux, Patrick Levy-Waitz, que vous avez reçu à l'Hôtel de Roquelaure fin octobre ?

Tout à fait. Sur ma vingtaine de visites de terrain depuis cet été, et sans compter la douzaine que je compte mener d'ici à la fin de l'année pour poursuivre mon tour de France des territoires ruraux, j'ai déjà visité trois tiers-lieux productifs. C'est là que nous allons trouver des TPE-PME industrielles qui vont participer à la réindustrialisation du pays. Je suis convaincue qu'elles généreront plus d'emplois que le 100% numérique. Tous ces tiers-lieux à la convergence de l'artisanat et de la jeune pousse innovante donnent à voir aux jeunes ruraux des perspectives et leur permettent de se développer et de rester sur ces territoires. Le travail accompli est positif. Nous allons donc continuer de travailler avec France Tiers-Lieux.

Pour soutenir nos villages, prolongerez-vous le dispositif des « zones de revitalisation rurale » (ZRR) (qu'est-ce qu'il offre) au-delà de fin 2023, comme le demande l'association des maires de France et comme le recommande la mission parlementaire Assemblée-Sénat ?

C'est un dispositif méconnu que je veux transformer en outil d'aménagement économique. Créé en 1995, il permet à près de la moitié des communes en France qui sont en déprise démographique et économique de faire bénéficier à leurs entreprises d'aides sociales et fiscales. Toute entreprise de moins de 11 salariés installée dans un village concerné peut profiter d'exonérations totales de charges pendant 5 ans, et de 50% d'abattements durant 3 ans supplémentaires. Depuis mon entrée au gouvernement, je travaille sur le sujet des ZRR. Dès le 26 juillet, je répondais ainsi à l'invitation du sénateur Bernard Delcros, le 25 août, j'y planchais avec le président des Maire ruraux Michel Fournier et son bureau, le 8 septembre, avec les coprésidentes de la commission « ruralité » de l'association des maires de France, et enfin le 26 octobre, j'ai reçu avec Christophe Béchu les auteurs de la mission parlementaire lancée par Jean Castex à propos de ce dispositif. À la suite de ces consultations, j'ai demandé au préfet François Philizot de me faire des propositions opérationnelles dans l'objectif d'améliorer ce dispositif et d'en garantir l'avenir. Si les consultations sont fructueuses, cela pourrait passer par l'élaboration d'un projet de loi en 2023.

Entre les ZRR et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ne faudra-t-il pas en profiter pour simplifier justement ?

Le gouvernement investit de l'argent dans les ruralités. La DETR, c'est 1,2 milliard d'euros dédiés aux territoires ruraux quand la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) représente 570 millions d'euros hors plan de relance. Sans compter le « Fonds vert » de 2 milliards d'euros fléchés vers la transition écologique dans les territoires. N'importe quelle commune pourra faire la demande de ces dotations d'investissement auprès de son préfet de département pour réaliser la rénovation thermique de son école, le développement de mobilités durables, mais aussi la préservation de l'eau, de nos paysages ou encore de nos ressources. Nous allons donc pouvoir répondre aux maires en matière d'investissement grâce à ces moyens.

Sauf que du fait de l'inflation, certaines collectivités sont à la peine en termes de dépenses de fonctionnement...

La loi impose effectivement aux maires de financer au moins 20% de leur investissement et d'aller chercher les 80% restants auprès du département, de la région ou de l'Etat. Entre le dégel du point d'indice de 3,5 points en juillet dernier et l'explosion des prix de l'énergie, certaines communes peuvent rencontrer des faiblesses avec peu d'épargne nette, mais le dispositif d'amortisseur à destination des PME et des collectivités présenté par la Première ministre et Christophe Béchu couplé au filet de sécurité prévu dans le budget 2023 représentent 2,5 milliards d'euros pour soutenir les collectivités face à la hausse des prix de l'énergie. Plus que jamais, l'Etat est aux côtés des collectivités pour les accompagner dans leurs difficultés.

N'est-il pas néanmoins venu le temps de changer les règles fiscales ?

Nous devons tenir compte du contexte financier particulier qui est le nôtre, après les efforts colossaux faits par l'Etat pour protéger les Français, les collectivités et nos entreprises pendant la crise de la Covid-19. Alors que le déficit public a été ramené sous les 3 % du PIB dès 2018, la crise a nécessité de construire une nouvelle trajectoire pour revenir à cet objectif d'ici 2027. Il nous faut collectivement modérer la hausse des dépenses, tout en préservant l'investissement, Etat comme collectivités.

Sauf qu'à la différence de l'Etat, les collectivités doivent respecter la fameuse règle d'or, c'est-à-dire voter des budgets équilibrés dépenses-recettes... Faut-il remettre à plat la fiscalité locale ?

C'est une question qui revient régulièrement. C'est un chantier au long cours. L'enjeu immédiat est de transformer nos services publics pour les rendre plus efficaces, par exemple avec les 2.600 Maisons France Services, qui concentrent six à neuf services publics en moyenne et consacrent le retour des services publics dans tous les territoires, notamment ruraux. C'est en mettant ensemble la dimension numérique et l'accompagnement numérique que nous pourrons aider les populations. À moyen-terme, ces conseillers travailleront sur l'autonomie des habitants.

Il n'empêche : beaucoup d'édiles se disent à l'os...

Nous ne laisserons aucune collectivité territoriale au bord du chemin. Depuis la crise COVID, l'Etat est vigilant sur la situation financière des communes, et le budget pour 2023 le démontre encore une fois : outre les dispositifs de protection contre la hausse des prix de l'énergie, le gouvernement prévoit une hausse inédite de la dotation globale de fonctionnement ; les recettes de TVA et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) connaissent aussi une dynamique forte. J'ai de nombreux témoignages d'élus locaux qui m'indiquent que nous avons été au rendez-vous pour les soutenir au cas par cas lorsque la situation le demandait. Ainsi, nous saurons continuer à les aider en priorité [contrairement] à celles qui ont de l'argent.

Dans un autre registre, épaulerez-vous celles qui doivent réduire de moitié leur artificialisation des sols d'ici à 2032 et atteindre la zéro artificialisation nette à horizon 2050 ?

Nous sommes en plein dedans. C'est notre travail quotidien avec le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Fin octobre, les conférences régionales des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ont transmis le fruit de leurs travaux aux régions, qui pilotent le dispositif. Ces dernières ont jusqu'à mi-2023 pour mettre à jour leurs schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) au regard de ces conclusions. Dans l'intervalle, il faut rassurer les gens. Il y a beaucoup d'incompréhension ou de fantasmes sur ce sujet. Demain, un petit village pourra toujours construire des logements et développer une activité économique à son échelle, à condition d'avoir déjà réinvesti le bâti existant et de penser l'aménagement du territoire communal autrement, en intégrant la nécessité de ne pas consommer de nouveaux espaces naturels ou agricoles à horizon 2050. C'est une loi et un objectif pensés pour enrayer la destruction de la planète et renforcer notre résilience face aux impacts inéluctables du dérèglement climatique, pas pour stopper notre économie et notre vie quotidienne. Nous accompagnerons les élus dans sa mise en œuvre, par une nouvelle offre d'ingénierie, afin de faciliter la transition vers de nouvelles façons de penser l'urbanisme et l'aménagement.

Des préfets ont pu être rigides dans l'application de la loi « Climat & Résilience »...

Dès le mois d'août, Christophe Béchu leur a adressé une circulaire pour leur demander de laisser aux élus le temps de se mettre d'accord et de ne pas anticiper l'objectif du « zéro artificialisation nette » qui est prévu pour 2050, pas 2030 ! Il reste beaucoup de pédagogie à faire sur ce sujet et les préfets cherchent de l'exemplarité foncière. Les maires eux-mêmes travaillent avec les directions départementales des territoires (DDT) parce que des entreprises veulent s'implanter chez eux, pour identifier les meilleures solutions : reconstruire sur une friche, artificialiser une zone et restaurer la nature ailleurs ? Les solutions sont multiples, et il faut écouter les élus. Il faut trouver un juste équilibre. Le Gouvernement a, par exemple, engagé une réflexion sur la façon dont les grands projets, comme les lignes à grande vitesse, sont pris en compte dans le décompte de l'artificialisation.

Comme la LGV Bordeaux-Toulouse ?

Par exemple. Le fait que les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie décomptent ces terres de leur quota d'artificialisation, alors qu'il s'agit d'un projet d'envergure nationale peut interroger. Cela suppose en tout cas de définir le curseur et ce qui relève du décompte local de l'artificialisation. L'enjeu immédiat pour moi est de déterminer où nous le placerons. Nous y travaillons en ce moment-même en concertation avec les parlementaires et les élus locaux.

Lire aussiBudget 2023 : le gouvernement se défend de mettre à mal les collectivités locales

César Armand
Commentaires 4
à écrit le 08/11/2022 à 21:06
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Encore un ministre / secrétaire d'état inconnu, il y en a tellement ! Même micron ne doit pas tous les connaitre. tant qu'il y a un onc qui paye.

à écrit le 07/11/2022 à 20:12
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ca me rappelle ce fameux socialiste dont la collectivite avait soscrit des emprunts presque gratuits indexes sur la parites euro francs suisse ( ca comme par bart et ca finit par tolone de memoire, mais ma meemoire est floue), et qui, quand ca a dero...

à écrit le 07/11/2022 à 16:27
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Pour aider les collectivités, il convient de publier un DECRET obligeant les collectivités à éteindre tous les éclairages publics entre 23h30 et 5h du matin

à écrit le 07/11/2022 à 15:29
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Vous voulez aider les collectivités qui voient leurs factures d’énergie augmenter, surtout ne le faites pas pour celles qui ne font aucun effort en augmentant le taux de la taxe foncière alors que vous allez augmenter les bases de 7 %, elles doivent ...

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