Financement du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols : le « zéro pointé » du Sénat au gouvernement

A l'horizon 2030, le rythme d'artificialisation des sols devra avoir diminué de moitié, avant le zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050. La réduction sera d'abord déclinée à l'échelle régionale puis au niveau local. Pour autant, « l'Etat n'est pas au rendez-vous de l'histoire et abandonne les élus locaux » lâche le sénateur (Les Républicains) du Vaucluse, Jean-Baptiste Blanc, auteur au nom de la commission des Finances d'un rapport de contrôle budgétaire sur les outils financiers en vue d'atteindre l'objectif de ZAN. Explications.
César Armand
(Crédits : Reuters)

Après l'association des maires de France (AMF) qui vient de saisir le Conseil d'Etat sur deux décrets d'application de la loi « Climat et Résilience », c'est au tour du Sénat de remettre sur la table le sujet de l'artificialisation des sols. Il s'agit de toute opération qui consiste à « transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d'aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics...) ».

« L'Etat n'est pas au rendez-vous de l'histoire et abandonne les élus »

Considérée, par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, comme l'une des « causes premières du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité », elle n'est rien d'autre que la conséquence de l'étalement urbain. C'est pourquoi le gouvernement a légiféré via la loi « Climat et Résilience » promulguée en août 2021, pour que d'ici à 2030, la consommation totale des espaces à l'échelle nationale ait diminué de moitié, avant d'atteindre la « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050. La réduction doit se faire d'abord à l'échelle régionale puis au niveau local. Aujourd'hui, le taux d'artificialisation est de 10%, mais devrait s'élever à 14% en 2050, relève la Fabrique de la Cité (groupe Vinci).

« [Les échéances 2030 et 2050] ne signifient en aucun cas l'arrêt des projets d'aménagement ou de construction [mais] permettent au contraire de moduler le rythme [...] en tenant compte des besoins et des enjeux locaux », expliquait Jean Castex, alors Premier ministre dans une circulaire adressée aux préfets de région et de département le 7 janvier 2022. Selon le chef du gouvernement de l'époque, « au plan national, entre 20.000 et 30.000 hectares d'espaces sont en moyenne consommés chaque année ».

Un engagement de l'Etat que nuance le sénateur (Les Républicains) du Vaucluse, Jean-Baptiste Blanc, auteur au nom de la commission des Finances d'un rapport de contrôle budgétaire sur les outils financiers en vue d'atteindre l'objectif de ZAN. « Nous nous sommes retrouvés à faire le travail du gouvernement lors de notre tour de France. L'Etat n'est pas au rendez-vous de l'histoire et abandonne les élus locaux. Beaucoup d'entre eux n'ont pas d'ingénierie et se retrouvent démunis », rétorque-t-il.

Une refondation de la fiscalité locale

Sur le terrain, le modèle économique reste en effet à définir, écrit l'ex-élu de Cavaillon. Il n'y a, actuellement pas de financement, la pression foncière joue en défaveur des terres naturelles et agricoles et il est généralement moins coûteux de construire des logements neufs que de « reconstruire la ville sur la ville », pointe-t-il.

Face à cette situation, le sénateur Blanc appelle à définir un modèle de financement budgétaire et fiscal, notamment en identifiant dans les documents budgétaires les dépenses de toutes natures contribuant à cet objectif. Il recommande par exemple de pérenniser le « fonds friche » qui consiste à réutiliser des terrains déjà artificialisés. Actuellement doté de 750 millions d'euros dans le cadre de « France Relance », il pourrait ainsi être étendu à tous les terrains, et pas seulement industriels. Cette piste pourrait être traduite dans le projet de loi de finances 2023 qui sera examiné à l'automne prochain au Parlement.

Dans le même esprit, l'élu du Vaucluse plaide pour la refondation de la fiscalité locale. Alors que les maires ont perdu la taxe d'habitation - censée être compensée à l'euro près par l'Etat -, les collectivités territoriales continuent de percevoir des taxes d'aménagement, des taxes sur les surfaces commerciales - la « Tascom » que les professionnels rêvent de voir disparaître -, des taxes foncières - dont s'acquittent les propriétaires - ou des droits de mutation - qui entrent dans les « frais de notaire » payés par tout acheteur.

Aussi demande-t-il à donner à ces impôts locaux une composante « lutte contre l'artificialisation » afin de susciter auprès des élus locaux une réelle incitation à agir dans le sens de la sobriété foncière - réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction - ou encore de favoriser les projets économes en foncier dans le cadre du fonds national des aides à la pierre (FNAP).

En parallèle, les élus vont devoir de continuer à construire des logements sociaux et intermédiaires, comme l'a réaffirmé la même loi « Climat et résilience ». Aussi le sénateur Blanc juge nécessaire de contractualiser des opérations de requalification foncière entre l'Etat et les collectivités territoriales, de mettre en place un guichet unique qui permette de regrouper tous les moyens de l'Etat pour les projets locaux, les aides en ingénierie et l'information destinée aux citoyens, ou encore de créer un comité d'observation et de prospective pour aboutir à des solutions durables et acceptables pour toutes les parties prenantes.

Des risques pour la cohésion sociale

Outre les aspects économiques et financiers, il n'élude pas non plus les risques pour la cohésion sociale. La maison individuelle avec terrain reste le seul mode de logement accessible aux classes moyennes, tant est si bien que ces dernières risquent d'être les premières victimes de la limitation de l'accès au foncier, prévient-il.

« Le sujet est hautement politique sauf que nous n'avons aucun lien avec le gouvernement », lâche Sophie Primas, sénatrice (LR) des Yvelines et présidente de la commission des Affaires économiques.

« La copie du gouvernement mérite un zéro pointé », rit, jaune, Jean-François Husson, sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle et rapporteur général du budget de la commission des Finances.

La vente de quotas carbone pourra-t-elle réunir sénateurs et exécutif ?

Reste qu'une proposition pourrait réunir sénateurs et exécutif : la vente de quotas carbone. Une part de ce produit est déjà affectée à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) qui distribue, notamment, les Prime Rénov' pour les particuliers qui souhaitent faire des travaux d'amélioration à leur domicile. Le surplus pourrait être affecté à la réalisation d'actions menées en vue d'atteindre l'objectif ZAN, suggère le sénateur Blanc.

Sachant que le ministère de la Transition écologique et que le ministère de la Cohésion des territoires ne font plus qu'un, l'idée aurait le mérite de n'avoir à convaincre que le successeur ou la successeuse d'Amélie de Montchalin.

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Le résumé du rapport en 2'30" par le sénateur Blanc

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 30/06/2022 à 12:29
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Pourquoi construire de nouvelles zones industrielles alors qu'il existe des milliers d'hectares de friches industrielles héritées du 19e et 20e siècle (...ah oui...c'est cher à dépolluer !) ? Pour ce qui est de l'habitat (maison individuelle) mes en...

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