Intéressement, participation, primes : les points de crispation qu'il reste avant l'Assemblée

L'exécutif a présenté son projet de loi sur le partage de la valeur en conseil des ministres ce mercredi. Sans vraiment de surprise, il comprend quinze articles visant à étendre l'intéressement, la participation et les primes à l'intérieur des entreprises de moins de 50 salariés. En revanche, le gouvernement a bien précisé que ce texte ne comportait pas de mesure de revalorisation des salaires. Retour sur les points de crispation.
Grégoire Normand
Le ministre du Travail Olivier Dussopt à l'issue du conseil des ministres ce mercredi 24 mai.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt à l'issue du conseil des ministres ce mercredi 24 mai. (Crédits : Reuters)

L'inflation grignote toujours le pouvoir d'achat des Français. L'indice des prix à la consommation a commencé à marquer le pas depuis février dernier. Mais il devrait rester supérieur à 5%, au moins jusqu'en juin, selon les dernières projections de l'Insee. Surtout, l'envolée des prix de l'alimentaire toujours au sommet (+15%) oblige de nombreux Français, surtout les plus modestes, à se serrer la ceinture à la fin du mois.

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Dans ce contexte de flambée des étiquettes, le gouvernement a présenté en conseil des ministres son projet de loi sur le partage de la valeur. La transcription de l'accord national interprofessionnel (ANI) dans la loi est « un aboutissement »,  a déclaré Olivier Dussopt, ministre du Travail lors d'un point presse à l'Elysée à l'issue du conseil ce mercredi 24 mai. « Les discussions entre les syndicats ont eu lieu en parallèle des discussions sur la réforme des retraites », a tenu à rappeler le ministre.

Conclu en février dernier, cet accord a été qualifié « d'historique » par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. A l'automne, le gouvernement avait transmis un document d'orientation aux syndicats. L'exécutif voulait mettre l'accent sur la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ajoutée (intéressement, participation, prime), notamment dans les plus petites entreprises.

A la veille de l'été, la retranscription de l'accord signé par la plupart des syndicats à l'exception de la CGT doit arriver en discussion au parlement dans quelques semaines. «L'objectif est qu'il soit adopté avant l'été pour qu'il soit appliqué le plus rapidement possible », a indiqué Olivier Dussopt. Le texte présenté à l'issue du conseil des ministres ne comporte aucune grande surprise. « Une grande partie de l'ANI n'est que des rappels du Code du travail », confie à La Tribune, Karen Gournay, secrétaire confédérale à Force ouvrière. Mais des points de crispation demeurent.

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Etendre les dispositifs de prime de partage de la valeur aux petites entreprises

L'un des principaux objectifs du projet de loi présenté ce mercredi est l'élargissement des dispositifs de prime de partage de la valeur aux petites entreprises entre 11 et 49 salariés. Largement employés dans les grands groupes, la participation, l'intéressement, et les primes sont beaucoup moins diffusés dans les petits établissements. En effet, les entreprises de plus de 50 salariés ont l'obligation de mettre en place un dispositif de participation.

L'article 3 du nouveau projet de loi prévoit une expérimentation d'une durée de cinq ans au sein des entreprises entre 11 et 49 salariés. Ces dernières doivent appliquer au moins un dispositif de partage de la valeur selon deux critères. Les entreprises doivent « réaliser un bénéfice net fiscal positif d'au moins 1 % du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives » et doivent « prouver qu'elles ne sont pas déjà couvertes par un dispositif de partage de la valeur », selon le dossier de presse.

Si les entreprises remplissent ces critères, elles devront verser une prime, mettre en place de l'intéressement ou de la participation ou abonder un plan d'épargne salariale. Le gouvernement a retenu 2025 comme date d'entrée en vigueur, contrairement à la recommandation d'un rapport parlementaire qui préconisait début avril une mise en pratique « dès 2024 » compte tenu des tensions inflationnistes. Et tous ces critères pourraient limiter la généralisation des dispositifs.

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Les bénéfices exceptionnels, un sujet brûlant

Le projet de loi risque de provoquer de vifs débats au parlement et au sein des entreprises. L'article 5 du projet de loi prévoit l'obligation d'ouverture de négociations en cas de bénéfices exceptionnels. Le projet de loi indique que les entreprises contraintes de mettre en place de la participation auront l'obligation de discuter sur « la définition d'une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice ».

En cas de « hausse exceptionnelle du bénéfice », les entreprises peuvent « soit verser un supplément d'intéressement ou de participation, soit ouvrir une négociation visant à mettre en place dans l'entreprise un dispositif de partage de la valeur ». A la base, l'accord national interprofessionnel « était confus sur les résultats exceptionnels. Le projet de loi respecte davantage l'intention des négociateurs », juge Karen Gournay. Mais faute de critères objectifs, la définition des « bénéfices exceptionnels » risque de tourner au bras de fer dans les entreprises.

Toujours sur la question des résultats d'entreprise, le gouvernement a écarté dans ce texte de loi l'idée d'un prélèvement sur les rachats d'action pourtant évoqué par Emmanuel Macron au lendemain de l'adoption de la réforme contestée des retraites grâce à l'article 49-3. « Cette proposition n'est pas dans l'accord. Des travaux techniques sont encore en cours à Bercy. Nous étudions d'autres véhicules législatifs comme le projet de loi de finances », a expliqué Olivier Dussopt lors du point presse.

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Les primes, l'autre point de crispation

L'autre point de crispation concerne le versement des primes. Depuis la crise des « gilets jaunes » en 2018, le pouvoir macroniste a mis l'accent sur le versement des primes défiscalisées et exonérées de cotisations à l'intérieur des entreprises. Après la déferlante du Covid en Europe, le chef de l'Etat avait remis en avant cette prime Macron, appelée prime de pouvoir d'achat. Et pour répondre à l'inflation, l'exécutif a de nouveau brandi le dispositif des primes à l'été 2022. Lors de la réunion avec les journalistes, Olivier Dussopt a répété qu'il n'y a pas de risque de substitution de hausses de salaires par des primes.

Pourtant, l'Insee avait pointé dans une note au printemps que « l' effet d'aubaine a été important pour les entreprises, puisqu'environ 30 % de ces versements se seraient substitués à des revalorisations du salaire de base ». Pour rappel, plus 5 millions de salariés ont touchés des primes de partage de la valeur entre juillet et décembre pour un total de 4 milliards d'euros. « Aucun signal n'est envoyé aux salariés sur la question essentielle des salaires. Rien n'est mis en place pour permettre une hausse généralisée des salaires en France »regrette Karen Gournay. Sur le plan budgétaire, le versement de ces primes défiscalisées et désocialisées contribuent également à creuser le déficit des comptes de la sécurité sociale aux yeux de plusieurs économistes et syndicats alors que ces derniers sont au rouge.

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Un mois après la présentation du programme des 100 jours, la Première ministre Elisabeth Borne continue de dérouler ses réformes en tentant d'éteindre la grogne sociale contre la réforme des retraites. Mais le salaire réel des Français, c'est-à-dire en prenant en compte l'inflation, continue de chuter.

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 25/05/2023 à 9:18
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Seule l'augmentation du salaire de base compte pour un salarié que ce soit pour sa retraite ou même le calcul des HS pour ceux qui en font ,le reste peut disparaître d'une année sur l'autre.

à écrit le 25/05/2023 à 7:32
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Pauvre Calimero, tout le monde lui en veut.

à écrit le 24/05/2023 à 19:01
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Tout ce que le "gouvernement" propose n'est pas une demande des populations, mais un caprice ! ;-)

le 25/05/2023 à 9:16
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un gouvernement qui ne protège pas son agriculture est voué à l échec ! sont ils prêt à sacrifier lune agriculture raisonnée au profit des lobbys industriel de l élevage et de l importation ? tout cela par récupération politicienne à court term...

à écrit le 24/05/2023 à 19:00
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Tout ce que le "gouvernement" propose n'est pas une demande des populations, mais un caprice ! ;-)

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