Partage de la valeur en entreprise : trois questions pour tout comprendre

Alors que le projet de loi sur le partage de la valeur en entreprise est présenté ce mercredi en Conseil des ministres, suite à l'accord national interprofessionnel (ANI) signé en février avec les syndicats, la Tribune fait le point sur ces dispositifs permettant d'associer les salariés à la performance et au capital de leur entreprise et qui devraient donc être étendus.
Coline Vazquez
Le projet de loi issu de l'accord sur le partage de la valeur en entreprise a été présenté en Conseil des ministres ce mercredi.
Le projet de loi issu de l'accord sur le partage de la valeur en entreprise a été présenté en Conseil des ministres ce mercredi. (Crédits : Reuters)

C'est ce mercredi que le projet de loi sur le partage de la valeur est présenté en Conseil des ministres. Concrètement, il prévoit de transposer l'accord conclu entre le patronat et les syndicats afin de généraliser le partage aux salariés des bénéfices réalisés par les entreprises.

« Je présenterai ce mercredi le texte au Conseil des ministres pour faire en sorte que la totalité de l'accord soit fidèlement et intégralement transposé dans la loi et donner à cet accord, force de loi », a ainsi déclaré le ministre du Travail, Olivier Dussopt, au micro de France info, lundi dernier.

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Objectif, une adoption au Parlement dès cet été. Qu'est-ce que le partage de la valeur en entreprise ? Que prévoit l'accord signé en février ? Qui en profitera ? Eléments de réponse.

Qu'est-ce que le partage de la valeur ?

Le partage de la valeur en entreprise désigne tous les dispositifs permettant d'associer les salariés à la performance et au capital de leur entreprise, explique le ministère de l'Economie. Il existe :

  • L'intéressement. Ce dispositif d'épargne salariale, facultatif, permet aux salariés de recevoir une prime proportionnelle aux résultats ou aux performances de leur entreprise. Il est mis en place au sein de celle-ci via un accord entre l'entreprise et les salariés ou leurs représentants. Actuellement, toutes les entreprises, quels que soient leur forme juridique, leur nombre de salariés ou leur domaine d'activité, peuvent le mettre en place.
  • La participation. Également dispositif d'épargne salariale, elle prévoit la redistribution au profit des salariés d'une partie des bénéfices qu'ils ont contribué, par leur travail, à réaliser dans l'entreprise. À la différence de l'intéressement, elle est obligatoire pour toutes les entreprises qui emploient plus de 50 salariés par mois, au cours des cinq dernières années, quelles que soient la nature de leur activité et leur forme juridique. De même, elle est instaurée par voie d'accord entre l'entreprise et les salariés ou leurs représentants.
  • L'actionnariat salarié. Il permet aux salariés de souscrire à des actions dans l'entreprise à un prix préférentiel. Ce dispositif concerne toutes les sociétés par actions, qu'elles soient cotées en bourse ou non. Tous les salariés de l'entreprise peuvent en bénéficier. Toutefois, une condition d'ancienneté de 3 mois maximum peut être exigée.
  • La prime de partage de la valeur. Autrefois appelée prime Macron ou prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), c'est l'une des mesures de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat du 16 août 2022. Elle permet aux employeurs de verser à leurs salariés, sous condition de revenus, une prime exonérée de toutes cotisations sociales dans la limite de 3.000 euros, et jusqu'à 6.000 euros pour les entreprises ayant mis en place un dispositif d'intéressement ou de participation. Facultative, elle peut être mise en place tous les ans et dépend d'une décision prise par l'employeur ou d'un accord d'entreprise, quel que soit la taille de celle-ci.

Que prévoit l'accord national interprofessionnel conclu en février ?

L'accord national interprofessionnel (ANI), signé par quatre syndicats sur cinq, à l'exception de la CGT, le 10 février dernier, vise à généraliser largement les dispositifs d'intéressement, de participation et de la prime de partage de la valeur à toutes les entreprises de plus de 11 salariés, ainsi qu'à développer l'actionnariat salarié.

Concrètement, le texte impose aux entreprises dont les effectifs sont compris entre 11 et 49 employés et qui sont rentables, c'est-à-dire ayant un bénéfice net représentant au moins 1% du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives, de mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur.

Le projet de loi va également transcrire l'obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés de négocier une manière de distribuer un éventuel bénéfice exceptionnel tout en laissant - conformément à l'ANI - aux employeurs la définition d'un tel bénéfice hors norme.

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Si le gouvernement a privilégié la date du 1er janvier 2025 pour la mise en œuvre du texte, un rapport parlementaire datant de début avril préconisait une application anticipée, « dès 2024 », en raison de la forte inflation. Cette généralisation des dispositifs de partage de la valeur aura un « caractère expérimental » pendant cinq ans, précise, en outre, le projet de loi.

À qui profite cette réforme du partage de la valeur ?

Cet accord cible donc les petites et moyennes entreprises (PME), acronyme qui désigne celles rassemblant moins de 250 personnes. En effet, les très petites entreprises (TPE) ne comptent, elles, que moins de 10 salariés. Actuellement, si 80% des salariés des grands groupes sont couverts par un accord de participation ou d'intéressement aux résultats de l'entreprise, ce n'est le cas que pour seulement 20% des salariés des PME, a rappelé Bruno Le Maire. Le ministre de l'Economie s'est d'ailleurs réjoui, le 20 février dernier au micro de BFMTV/RMC, d'un accord « historique » « pour tous les salariés des PME ».

De son côté, la CFDT, signataire, a souligné que celui-ci permettait « plusieurs avancées pour les salariés, notamment ceux des petites et moyennes entreprises ». La CFTC, signataire également, a néanmoins émis quelques réserves. Le syndicat estime que l'accord « n'est pas aussi ambitieux que la situation du pays l'exige », dans un contexte de flambée des prix à la consommation. « Consciente qu'en ces temps troublés et incertains toute gratification, tout coup de pouce pour le pouvoir d'achat doit être saisi, et fidèle à son attachement pour ces systèmes impliquant les salariés, la CFTC a choisi de signer cet accord », a-t-elle nuancé.

Outre l'élargissement du nombre d'entreprises concernées par ces dispositifs, l'ANI, et donc le projet de loi présenté ce mercredi, ont pour objectif de mieux les faire connaître auprès des salariés et des entreprises en particulier les plus petites. « L'intéressement et la participation sont des usines à gaz. Il existe beaucoup de dispositifs, mais ils sont parfois compliqués pour les petites entreprises », pointait, en effet, Philippe Martin, économiste et doyen de l'école d'affaires publiques de Sciences-Po auprès de La Tribune en novembre 2022. De même, la directrice des relations avec les épargnants à l'Autorité des marchés financiers (AMF), Claire Castanet, soulignait, le 31 mars dernier, « l'effort de pédagogie auprès des salariés des petites entreprises très important » que permettra l'ANI.

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Coline Vazquez
Commentaires 3
à écrit le 24/05/2023 à 15:07
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Il est du devoir de nos députés de refuser ce mouton à 5 pattes concocté par un gouvernement qui ferait mieux de s'attaquer à la diminution des impôts et taxes qui nous différencient et nous pénalisent par rapport à nos concurrents; la rentabilité de...

le 24/05/2023 à 17:03
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Henry, vous croyez au Père-Noël. La rentabilité des entreprises est déjà très élevée. Le partage de la valeur ajoutée entre capital et salaire, entre 1980 et aujourd'hui, s'est décalé de 10 (DIX !!) points en faveur du capital. Impôts et taxes ...

le 24/05/2023 à 22:07
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@TH-Gemini: Dans ce cas, pouvez-vous m'expliquer notre triste premier rang dans le monde de collecteur d'impôt, notre plongeon industriel et ces profits colossaux réalisés à l'étranger contre des pertes (ou presque) en France par nos champions.

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