La déferlante des plans sociaux fait trembler l'économie française. Dans un récent bilan, le tableau dressé par la direction statistique (Dares) du ministère du Travail illustre l'ampleur des dégâts provoqués par la pandémie. Selon un décompte des statisticiens, les ruptures de contrats de travail envisagées dans le cadre de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) entre le 1er mars et la fin octobre ont plus que doublé (multipliés par 2,4 ou +140%) par rapport à la même période de 2019. Elles sont ainsi passées de 25.497 à 62.063. Dans le même temps, les plans de sauvegarde de l'emploi ont également bondi (x1,7 ou +74%) par rapport à l'année dernière.
Ces procédures, qui étaient moins utilisées ces dernières années, ont pendant longtemps laissé la place aux ruptures conventionnelles individuelles ou collectives mises en place sous Nicolas Sarkozy. En outre, la montée en puissance depuis la fin des années 90 des contrats à durée déterminée, des intérimaires et autoentrepreneurs permettent aux entreprises d'ajuster plus rapidement leur coût.
Cette approche plus individuelle des transactions ne signifie pas que les licenciements ont disparu. Avec la récession en cours, ces dispositifs sont revenus sur le devant de la scène. Le reconfinement annoncé la semaine dernière pourrait encore assombrir le tableau des restructurations.
"Je comprends la détresse de ceux que l'on empêche de travailler et ceux qui subissent de plein fouet les conséquences de la pandémie [...]. Les aides ont déjà été renforcées au moment du couvre-feu. Ces aides vont être pérennisées et complétées", a expliqué Jean Castex.
"200.00 commerces vont être fermés. Le soutien de l'État va être encore plus fort qu'au premier confinement", a complété Bruno Le Maire.
Les plans sociaux surtout initiés par les grandes entreprises
Airbus, Renault, Air France... depuis le début du printemps, la liste des plans de licenciement et des fermetures de sites ne cesse de s'allonger. Cette pratique des plans sociaux monte en puissance dans les grands groupes de plus de 1.000 salariés. D'après le service de statistiques, les ruptures de contrats associées à un PSE "sont plus nombreuses parmi les entreprises les plus grandes [...]. En effet, depuis le 1er mars 2020, un peu moins d'une rupture envisagée sur deux (44 %) concerne les grandes entreprises alors que celles-ci ne représentent qu'un peu plus d'un PSE sur dix initiés (12 %). À l'inverse, les petites et moyennes entreprises (de moins de 50 salariés) et celles de « taille intermédiaire » (de 50 à moins de 1.000 salariés) représentent 56 % des ruptures de contrat envisagées et 87 % des procédures initiées."
De nombreuses ruptures de contrats envisagées dans l'industrie
Même si l'industrie n'est pas forcément le secteur le plus touché par la pandémie, ce sont les industriels (41%) qui prévoient le plus de ruptures de contrats de travail sur la période. Viennent ensuite le commerce et la réparation de voitures (23%). À l'opposé, la construction (2%), l'information et la communication (3%) ou les activités financières et l'assurance (3%) sont en proportion les secteurs les moins concernés.
Si la mise en place du chômage partiel a permis de préserver une grande partie des revenus de la population active, beaucoup de personnes en contrat court, intérim et saisonniers se retrouvent pour la deuxième fois de l'année dans une situation très tendue. La période de fin d'année est généralement propice aux embauches de ce type de contrat pour assurer l'activité au moment des fêtes de Noël ou dans les stations de ski.
"Beaucoup de secteurs ont été touchés pendant le premier confinement et devraient encore l'être pendant le second confinement. L'hébergement, la restauration, la location de voitures, l'aéronautique sont principalement concernés [...]. Pendant le second confinement, le BTP devrait continuer à fonctionner contrairement au printemps. Les activités culturelles, de loisirs devraient être touchées très fortement. Dans le commerce de détail, on s'attend à une chute marquée assez généralisée hormis quelques exceptions", a expliqué le directeur des études à la Banque de France Olivier Garnier lors d'un séminaire sur les PME ce jeudi 5 novembre.
Un dernier trimestre dans le rouge
La mise en œuvre du couvre-feu dans 54 départements depuis plusieurs semaines et d'un reconfinement pour un mois assombrissent grandement les perspectives d'embauches pour la fin de l'année. "Au premier semestre, 715.000 emplois ont été détruits. Beaucoup de contrats courts et intérimaires se sont arrêtés brutalement. Le chômage indemnisé a beaucoup augmenté. Les gens n'ont pas pu retrouver un emploi pendant le confinement. L'activité a bien rebondi au troisième, plus fort qu'attendu. En revanche, le dernier trimestre devrait être plus mauvais qu'escompté", expliquait le directeur général de l'Unedic, Christophe Valentie lors d'un récent point presse.
Ce recul à prévoir de l'activité au quatrième trimestre risque également de peser sur le rebond de l'économie tricolore en 2021. Pour l'économiste de COE-Rexecode Emmanuel Jessua interrogé par La Tribune, "la chute d'activité au quatrième trimestre va davantage peser, par un effet de base, sur la croissance de 2021. Avec le risque que les confinements à répétition amenuisent progressivement les capacités de résilience et de rebond de l'économie française et entretiennent l'attentisme des ménages et des entreprises, qui se traduirait par un surcroît persistant d'épargne de précaution et une baisse durable de l'investissement."