L'OFCE propose de muscler l'enveloppe du plan de relance de 100 milliards d'euros

Le centre de recherches rattaché à Sciences-Po propose de profiter des taux d'intérêt bas pour orienter ces investissements vers la transition énergétique, la santé, l'éducation, les transports sur les cinq prochaines années. Pour Bruno Le Maire, les 100 milliards d'euros prévus pour la relance "ne sont pas un totem".
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La persistance du virus et la gravité de la crise vont peut-être obliger le gouvernement à revoir ses ambitions à la hausse. Doté d'une enveloppe de 100 milliards d'euros, le plan de relance présenté en septembre 2020 est parfois jugé "sous-calibré" par certains économistes au regard de l'ampleur de la récession. De nombreux secteurs restent meurtris par les trois mois de confinement de l'année dernière et la multiplication des variants sur le territoire alimente les rumeurs d'un possible reconfinement. Interrogé par La Tribune lors d'un comité de pilotage, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire l'a affirmé :

"Les 100 milliards d'euros ne sont pas un totem".

Même son de cloche à l'Elysée où plusieurs conseillers du président ont ajouté que "l'important est que ces sommes doivent être décaissées sur les grands investissements dans la santé, la rénovation des bâtiments" en amont d'une rencontre entre le Président Macron et des patrons étrangers lundi dernier.

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Face à toutes ces tensions, les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans une note rendue publique ce mercredi 27 janvier estiment que la France possède des marges de manoeuvre financières de l'ordre de 5% de PIB, soit 100 milliards d'euros supplémentaires pour stimuler l'économie tricolore dans les prochaines années. Pour aboutir à ce montant, les chercheurs ont tenté d'évaluer l'espace budgétaire de l'économie tricolore dans un contexte de taux bas.

"Du fait de la baisse des taux d'intérêt et de cette tendance à la baisse depuis plusieurs décennies, la France dispose d'un espace fiscal de l'ordre de 5 points de produit intérieur brut [...] La probabilité d'une hausse des taux d'intérêt est faible. La France passerait d'environ 116 à 121% sans hausse d'impôt. Si la France maintient son service de la dette de 2019, c'est-à-dire son coût de la dette, cela aboutit à 5 points de PIB supplémentaires. Ces 100 milliards ne doivent pas être dépensés pour des dépenses récurrentes comme la baisse de la TVA. L'investissement public doit profiter d'abord à la santé, à la transition énergétique, l'éducation, les transports qui sont préservés du risque des taux d'intérêt" a expliqué le directeur du laboratoire Xavier Ragot lors d'un point presse.

En outre, la politique monétaire mise en oeuvre par la Banque centrale européenne devrait également permettre au gouvernement de financer cette politique d'investissement. "Pendant la crise du Covid, les banques centrales ont été très réactives et ont amplifié leurs programmes de mesures non-conventionnelles. Le bilan des banques centrales a considérablement augmenté. Elles ont réactivé un certain nombre de programmes comme le rachat de dettes publiques" a ajouté l'économiste spécialiste des politiques monétaires Christophe Blot.

Une dette qui explose, des charges d'intérêt toujours plus faibles

Sans surprise, la crise a ravivé des débats brûlants sur la dette publique au cours des dernières semaines. Parfois utilisée pour justifier des coupes dans les dépenses publiques, elle occupe une place prépondérante dans le fonctionnement des économies de marché et du financement des investissements. Avec la pandémie, la dette publique rapportée au produit intérieur brut français pourrait frôler les 120% à la fin de l'année 2021. Les mesures d'urgence économique et sociale mises en oeuvre depuis le début du confinement ont entraîné une hausse fulgurante des dépenses des administrations publiques qui ont encaissé une grande partie du choc (deux-tiers environ). Si la dette ne cesse d'augmenter depuis des décennies, le service de la dette, c'est à dire le coût payé par l'Etat ne cesse de dégringoler.

intérêt de la dette

Pour Xavier Ragot, cet "effet ciseau" est un "argument puissant pour repenser la mesure de la dette publique". En effet, la dette publique est régulièrement rapportée à la richesse produite par un pays (PIB). Or, cette approche établie dans les traités européens est régulièrement contestée car elle elle compare un flux (la dette) et un stock (le PIB). En outre, l'environnement des taux bas, voire négatifs et la politique de rachats des dettes publiques par la Banque centrale européenne (BCE) ont modifié en profondeur l'approche des économistes à l'égard de l'endettement public. L'ancien économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, et l'actuelle cheffe économiste de l'OCDE, Laurence Boone, mettent régulièrement en garde contre des politiques budgétaires trop restrictives en période de crise dans un contexte de taux bas.

taux d'intérêt OFCE

De son côté, l'économiste spécialiste de la zone euro Eric Dor regrette les discours alarmistes sur les dettes dans le contexte actuel. "Au moment du lancement de l'Euro, les taux étaient d'environ 5-6%. Maintenant, les taux sont d'environ 1%. La dette ne coûte plus rien, voire très peu. On ne peut plus avoir la même appréciation des dettes maintenant et en 2010. Le coût de la dette a baissé grâce à l'intervention de la BCE qui depuis 2015 a baissé les taux. Les commentaires alarmistes sur la dette sont erronés. La situation a beaucoup changé. La France peut très bien vivre avec une dette de 120% tant qu'elle rembourse ses intérêts et que la France accède aux marchés" a-t-il déclaré récemment.

Un excès d'épargne mondiale et une baisse de l'investissement public

Cette baisse tendancielle des taux d'intérêt s'explique en grande partie par un excès d'épargne mondiale. La pandémie actuelle qui a boosté l'épargne contrainte des Français d'environ 90 milliards d'euros en 2020 en raison notamment de l'impossibilité de consommer pourrait accélérer ce phénomène. Cette crise devrait même encore gonfler l'épargne mondiale par rapport à l'investissement pendant encore quelques années. Dans le même temps, les économistes notent que l'investissement public a considérablement reculé dans la plupart des grands pays à l'exception de la Chine sur la période 2008-2017.

investissement public chine

En France, l'investissement souffre "d'un déficit d'identification" regrette Xavier Ragot. "Cela fait 20 ans que les administrations ont orienté leurs décisions à la baisse des investissements. Il faut un changement de mentalité. Il faut mettre un grand secrétariat général qui identifie les besoins d'investissement. Il y a un déficit organisationnel de l'investissement public" a-t-il ajouté.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 27/01/2021 à 13:34
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Supprimer les paradis fiscaux, notamment ceux qui sont dans l'Union Européenne.

à écrit le 27/01/2021 à 11:34
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Il nous faut en urgence favoriser la création de fonds de pension à capitaux français pour sécuriser le capital de nos entreprises et encourager l'investissement dans les nouvelles technologies.

le 27/01/2021 à 18:34
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Impossible. La capitalisation des fonds de retraites sert déjà de garantie pour la dette publique creusée par les ponctionnaires très nombreux dans les territoires grâce à la fameuse "réforme territoriale"....

à écrit le 27/01/2021 à 10:39
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Moi je propose d'aller chercher le fric dans les paradis fiscaux, il y aurait de quoi largement réparer socialement et écologiquement le monde, en commençant bien entendu par y éradiquer la faim. Parce que ces 100 milliards vont être empruntés à ...

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