« Les pénuries de médicaments pour raisons de fabrication lointaine et de priorité nationale, c'est fini ». Au lendemain du premier confinement en juin 2020, Emmanuel Macron avait consacré sa première visite de terrain sur un site lyonnais géant de l'industrie pharmaceutique Sanofi. L'absence de paracétamol dans les pharmacies et les manques de masques de protection et de gel hydroalcoolique en pleine crise sanitaire avaient provoqué une vague de sidération partout en France.
Face à ce terrible constat d'échec, le gouvernement de Jean Castex avait lancé un vaste plan de relance de 100 milliards d'euros pour contribuer à relocaliser certaines activités jugées « stratégiques »pour la souveraineté et la sécurité hexagonale. Trois ans après, la Cour des comptes a dressé un bilan sévère de cette stratégie économique. Dans un rapport lapidaire dévoilé ce jeudi 23 novembre, les magistrats expliquent que « les gains en termes de souveraineté économique sont difficilement mesurables et sont peu visibles à ce stade». En déplacement à Chartres, le président Macron va dévoiler un investissement de deux milliards d'euros du laboratoire Novo Nordisk dans la production de médicaments contre le diabète et l'obésité. Cette enveloppe devrait permettre de créer 500 emplois. Mais derrière cette opération communication du chef de l'Etat, la Cour des comptes pointe l'absence « d'indicateur de résultat convaincant ».
Des retards colossaux et décaissement poussif des sommes
A la fin du premier confinement, le gouvernement avait identifié cinq secteurs considérés comme « stratégiques » : l'agroalimentaire, la santé, l'électronique, les intrants essentiels à l'industrie et la 5G. Pour doper la relocalisation de ces activités, l'exécutif avait à l'époque mis en place un dispositif d'appels à projets conçu « dans l'urgence ». Les projets sélectionnés pouvaient in fine bénéficier d'une subvention pour financer des investissements.
Mais l'examen de la Cour des comptes met en lumière des retards colossaux. « Seuls 33 des 531 projets retenus sont totalement terminés trois ans après le lancement de l'appel à projets », souligne l'institution financière. Il est donc prématuré à ce stade de faire une évaluation exhaustive sur un nombre aussi faible de projets. Sur les 838 millions d'euros engagés, seuls 343 millions d'euros étaient décaissés au 30 juin dernier.
Les cabinets de conseil dans le viseur de la Cour des comptes
L'autre carton rouge adressé par la Cour concerne les cabinets de conseil. Pour cibler les projets, le gouvernement s'est appuyé sur le travail de la direction générale des entreprises (DGE) basée à Bercy... mais aussi sur des cabinets de conseil.
Les magistrats de la rue Cambon expliquent que le travail de ces sociétés était réalisé à titre gratuit (Pro Bono). Mais « l'absence de facturation de ces prestations intellectuelles interroge par ailleurs sur les finalités réelles des cabinets concernés et le caractère désintéressé de ces prestations ». Par la suite, une commission d'enquête du Sénat avait jeté une lumière crue sur l'usage de ces cabinets de conseil par les différents ministères sous la Macronie. Le rôle de ces cabinets de conseil dans l'absence de masques de protection avait d'ailleurs été vivement critiqué.