La dernière livraison de la Cour des comptes risque de faire de l'ombre au bilan du président et désormais candidat Emmanuel Macron. A 30 jours du premier tour du scrutin, la campagne présidentielle atone risque encore d'être chamboulée par la poursuite du conflit en Ukraine. Pourtant, le résultat de l'élection à la magistrature suprême est crucial pour le prochain quinquennat. Dans ce contexte troublé, le premier président de l'institut de la rue Cambon dans le premier arrondissement de Paris Pierre Moscovici a insisté en milieu de semaine sur la "complexité" du plan de relance post-pandémie dont l'efficacité des mesures "restait à établir".
"L'évaluation du plan de relance est indispensable", a déclaré l'ancien ministre sous François Hollande devant la commission des finances du Sénat à l'occasion de la publication du rapport de la Cour sur "la préparation et la mise en œuvre" du plan France Relance présenté par le gouvernement en septembre 2020. A l'époque, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé le double objectif de ce plan : relancer l'activité et l'emploi à court terme et préparer la France de 2030 autour de trois piliers : la compétitivité, l'écologie et la cohésion sociale.
Complexité du plan et foisonnement des mesures
Dans son rapport, la Cour souligne la "complexité" du plan qui abrite "un ensemble assez touffu de mesures", a expliqué Pierre Moscovici, alors que "la frontière avec d'autres programmes en cours est parfois confuse".
Le premier président a notamment cité le "recouvrement" avec "les programmes d'investissements d'avenir (PIA), dont 11 milliards d'euros ont été intégrés dans le plan", d'un montant total de 100 milliards d'euros. Le recyclage de certaines mesures antérieures au plan de relance avait d'ailleurs été pointé par un rapport sénatorial dévoilé en fin d'année 2021. Les élus du palais du Luxembourg avaient estimé dans leur document qu'environ 20% des mesures du plan existaient déjà avant sa mise en oeuvre.
"La porosité du plan de relance avec d'autres plans ou programmes en cours conduit à un affaiblissement de la lisibilité de France Relance et de ses mesures. Certaines d'entre elles ne relèvent pas de la relance (subvention exceptionnelle attribuée à France compétences, créations de places pour les études des néo-bacheliers). D'autres s'apparentent à des mesures d'urgence dès lors que leur objectif principal est de compenser les effets de la crise sanitaire (compensation des pertes de recettes des collectivités territoriales)," écrivent les fonctionnaires.
Vigilance sur les sommes engagées et effectivement décaissées
Pierre Moscovici a insisté sur "la nécessité de pouvoir suivre dans la durée la mise en œuvre du plan" au-delà de 2022, particulièrement "les sommes engagées effectivement décaissées auprès des bénéficiaires" alors que le travail de la Cour a mis en lumière l'existence d'une "zone grise" entre "le décaissement" par l'État et "le moment où les bénéficiaires finaux reçoivent effectivement l'argent public".
La Cour "invite à une certaine vigilance dans la poursuite de la mission du plan de relance" du fait du conflit en Ukraine et recommande une "plus forte sélectivité des projets" et la suppression de la mission budgétaire du plan "le plus tôt possible" après 2022.
Si "le succès rencontré par plusieurs mesures, incontestable, oblige à s'interroger sur la suite à leur donner", comme les primes à la rénovation des logements, "un tel plan est par nature temporaire", a insisté Pierre Moscovici.
Soutenabilité de la dette
"Les finances publiques doivent retrouver une trajectoire compatibles avec la soutenabilité de la dette", conditions de l'obtention des apports de l'Union européenne, a ajouté M. Moscovici rappelant que ce soutien, "souhaitable", dépendait également de "la poursuite de la réforme de l'assurance chômage".
La France pourrait bénéficier de 43,3 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance européen "NextGenerationEU", avait rappelé la Cour dans son rapport annuel publié en février. Il est nécessaire de "mettre en place les moyens qui permettent de répondre aux exigences" de la Commission, a estimé Pierre Moscovici.
Un plan de communication jugé coûteux à 17 millions d'euros
L'exécutif n'a pas lésiné sur les moyens pour communiquer sur son plan de relance. Selon les magistrats financiers, le coût global de la communication s'élève à 17 millions d'euros. Il faut dire qu'entre les campagnes dans les médias papiers, radios, télévisions, les partenariats entre le service d'information du gouvernement et d'autres institutions comme BpiFrance dans le cadre du Big Tour, le train de la relance, le gouvernement a multiplié les actions de communication tous azimuts.
La communication jugée "coûteuse" par la Cour des comptes a cependant été interrompue par l'approche de l'élection présidentielle. A partir du premier octobre dernier, les règles du code électoral en matière de communication sont entrées en application.
(Avec AFP)