La lutte contre le sexisme ordinaire dans les entreprises s'organise

Fait de commentaires, de comportements ou de biais qui peuvent paraître anodins, le sexisme ordinaire en entreprise peut entraîner des situations encore plus graves, dont le harcèlement, parfois, et l'inégalité salariale ou de carrière, souvent. #StOpE, une initiative lancée en 2018, réunit actuellement près de 200 employeurs engagés pour déconstruire et venir à bout de ce phénomène. En juin prochain, ce collectif rendra public un baromètre mesurant les progrès réalisés.
Pour lutter contre le sexisme ordinaire, BNP Paribas a par exemple déployé un module de sensibilisation déjà suivi par plus de 9 000 collaborateurs, a un espace intranet dédié, organise des conférences et a noué des accords avec les partenaires sociaux sur la prévention.
Pour lutter contre le sexisme ordinaire, BNP Paribas a par exemple déployé un module de sensibilisation déjà suivi par plus de 9 000 collaborateurs, a un espace intranet dédié, organise des conférences et a noué des accords avec les partenaires sociaux sur la prévention. (Crédits : Reuters)

Que ce soit les propos d'un manager qui questionne une femme en lui demandant si elle « se sent capable de prendre ce poste », d'un autre qui conseille : « Mieux vaut s'habiller en jupe avec ce client », d'un recruteur qui, devant un CV, sourit en disant, tel un bon mot : « Oh, elle a l'air jeune, elle va nous faire un enfant », ou d'un collègue qui ne cesse de couper la parole à une femme dans une réunion, tous ces agissements sont considérés, selon la définition officielle, comme du sexisme ordinaire.

« Ce sont tous ces propos ou ces comportements qui peuvent paraître anodins mais qui infériorisent et disqualifient celles, les plus nombreuses, et ceux, parfois, qui les subissent », précise Maya Hagege, déléguée générale de l'Association Française des Managers de la Diversité (AFMD), qui coordonne, depuis 2021, #StOpE (pour Stop au sexisme ordinaire en entreprise), l'initiative lancée en 2018 par Anne-Laure Thomas (Directrice Diversités, Equité & Inclusion pour L'Oréal en France), Morgane Reckel (Directrice associée Diversité & Inclusion, EY France) et Anne-Sophie Béraud (Global lead Diversity, Inclusion & Social Care chez Accor), pour mutualiser leurs efforts contre le sexisme ordinaire au travail, en partenariat avec Brigitte Grésy, experte des questions d'égalité. D'une poignée au départ, le nombre des membres s'élève aujourd'hui à près de 200 (199, exactement : entreprises privées, institutions publiques, associations, établissements de l'enseignement supérieur...). En effet, le sexisme étant un phénomène de société, « il n'est pas possible d'éviter qu'il ne soit également présent dans les entreprises », souligne Caroline Courtin, directrice Diversité, Egalité et Inclusion à BNP Paribas. Et « il y a une vraie volonté des employeurs d'avancer sur le sujet du sexisme ordinaire, et de ne pas le faire seul », relève de son côté Anne-Sophie Beraud.

Les membres du collectif se mobilisent en signant d'abord un acte comportant huit engagements (dont afficher et appliquer le principe de tolérance zéro, informer pour faire prendre conscience des comportements sexistes et de leurs impacts, former de façon ciblée sur les obligations et les bonnes pratiques de lutte contre le sexisme ordinaire...), puis en partageant tout au long de l'année des bonnes pratiques.

Sensibilisation et formation

Pour lutter contre le sexisme ordinaire, BNP Paribas a ainsi déployé un module de sensibilisation déjà suivi par plus de 9 000 collaborateurs, a un espace intranet dédié, organise des conférences et a noué des accords avec les partenaires sociaux sur la prévention.

Maya Hagege explique que l'un des membres a mis en place un « violentiomètre » permettant aux collaborateurs des deux sexes d'identifier, dans les situations de travail, s'ils se sentent respectés, ou au contraire, à quelle sorte de sexisme ordinaire ils sont exposés . Prendre conscience de la situation dans laquelle on se trouve, ou dont on est témoin en entreprise, est le premier pas. Mais évidemment, ce n'est pas le seul. Les formations, ciblées, et dispensées, y compris sous forme de e-learning, aux managers comme aux équipes, permettent de sensibiliser et de faire appliquer la tolérance zéro, par exemple. Les autres outils peuvent être aussi bien des indicateurs à relever périodiquement que des guides d'information sur ce sujet, incluant le nom et les coordonnées de la personne ressource vers qui se tourner, ou des rappels réguliers sur les dispositifs d'alerte et de sanctions.

Environnement nocif

D'autant qu'il existe une articulation entre sexisme ordinaire, déjà néfaste pour le bien-être, la confiance et la sérénité des collaboratrices et collaborateurs, et faits encore plus graves. De fait, « selon les indications que nous avons recueillies auprès des équipes, 95 % de nos collaboratrices disent que le sexisme engendre une perte de confiance en soi et de performance au travail. Cela se traduit notamment par des difficultés à s'affirmer, ce qui peut ensuite donner lieu à des pertes d'opportunités professionnelles », relève Caroline Courtin. Sans oublier une moindre performance, individuelle et collective... En outre, ajoute la directrice Diversité, Egalité et Inclusion à BNP Paribas, « à l'heure où les enjeux de fidélisation des collaborateurs sont forts dans les organisations, comment se sentir loyal à un employeur qui laisserait passer ce genre de situation ? ».

L'absence de respect envers une personne de l'équipe, du fait du sexisme ordinaire, peut aussi ouvrir la voie à du harcèlement sexuel, d'une part, et de l'autre, à une inaction de la part d'autres membre de l'équipe face à cette situation, selon les experts.

« Le sexisme ordinaire crée un environnement nocif, qui pousse à la domination et à l'auto-censure », résume Maya Hagege.

Enfin, cette culture de la dépréciation et de la disqualification, si elle est répandue et acceptée dans l'entreprise, est évidemment peu propice à l'égalité entre les femmes et les hommes, que ce soit en matière de salaire ou d'évolution de carrière. Autant dire qu'à partir de quelques commentaires jugés inoffensifs, cela peut être toute la vie d'une personne au travail qui bascule, les séquelles du harcèlement étant souvent un profond mal-être ou une dépression, tandis que l'impact de l'inégalité salariale et d'opportunités professionnelles se retrouve, amplifié, qui plus est, au moment de la retraite...

Cela dit, alors que les inégalités salariales sont censées être facilement réglées par le biais de process clairs, y compris en s'appuyant sur l'Index égalité, « la lutte contre le sexisme ordinaire se prête mal à ces actions, c'est pourquoi nous proposons d'autres solutions, relève la déléguée générale de l'AFMD. Nous avons ainsi planché sur un projet de nudges, à partir de cette science du comportement permettant, avec des suggestions indirectes, d'influencer les prises de décision, qui serait appliquée au sexisme ordinaire, sous forme de rituels, au cours desquels un manager donnerait par exemple les trois raisons du choix d'une nouvelle recrue, en privilégiant les compétences, évidemment, ou en cas de sexisme ordinaire lors de réunions ou d'interaction, une collaboratrice prononcerait un mot "totem", qui déclencherait automatiquement une réaction.»

Baromètre 2023

Au-delà de ces initiatives et de ces explorations, #StOpE mise aussi sur son baromètre. L'objectif est d'observer le sexisme ordinaire en entreprise et son évolution ainsi que de mesurer l'impact des actions menées par les organisations engagées et de comparer leurs résultats à la situation dans d'autres entreprises. Un premier baromètre avait été réalisé en 2021. Le deuxième vient d'être lancé et les résultats seront rendus publics en juin 2023.

Cette prise de pouls « permettra de rendre compte des progrès accomplis depuis le premier baromètre et des points sur lesquels nous devons accentuer nos efforts. Déjà, 15 organisations se sont engagées à le déployer et nous mènerons une consultation nationale en parallèle pour établir un véritable état des lieux du sexisme ordinaire au travail en France », explique ainsi Anne-Laure Thomas, cofondatrice de #StOpE.

« Nous avons participé au premier baromètre et nous renouvelons notre participation pour celui de cette année, indique Caroline Courtin. Ses enseignements nous sont précieux et les efforts doivent clairement se poursuivre, surtout si l'on en juge par les informations contenues dans le dernier rapport du Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes, publié à la fin janvier et selon lesquelles, parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d'un quart estime qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter, et tous âges confondus, 40 % trouvent normal que les femmes s'arrêtent de travailler pour s'occuper de leurs enfants... »

Commentaires 7
à écrit le 08/03/2023 à 15:41
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Comme si les femmes n'étaient pas capables de se défendre elles-même. Je trouve ce paternalisme très déplacé. Ce que disent les femmes sur les hommes n'est pas mieux. La censure s'insinue dans toutes les facettes de notre vie. C'est vrai que si les f...

à écrit le 08/03/2023 à 15:00
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a partir du moment ou vous ne recrutez pas une femme, ou la promotion va a un homme, c est du sexisme ! La preuve Segolene royal n a pas ete leue presidente (bon certes elle est nulle mais ou est le probleme)

à écrit le 08/03/2023 à 13:09
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"" 200 employeurs engagés pour déconstruire """ <--- ce titre en dit long sur l'optique........on pourrait resumer ' 200 employeurs ' de gauche'" ( a droite on n'est pas engage, et si c'est le cas, c'est donc du fascime pour la gauche) " pour castre...

à écrit le 08/03/2023 à 11:49
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"réunit actuellement près de 200 employeurs engagés pour déconstruire" Ce sont principalement des grosses boites qui savent pertinemment ce qui se passe depuis des années en particulier sur l'inégalité salariale ou la carrière puisqu'il est présen...

à écrit le 08/03/2023 à 11:25
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Le sexisme est plutôt médiatique que réel, la moindre petite blague est sensé nous faire pleurer de honte !

à écrit le 08/03/2023 à 8:06
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Demander à un candidat, homme ou femme, s'il se sent capable d'occuper un poste, c'est normal, pas sexiste. Si on pose les mêmes questions aux hommes et aux femmes, il faut arrêter de voir du sexisme partout où il n'est pas : il n'y a pas plus discr...

le 08/03/2023 à 8:25
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rien de plus que devenir depute en france apres avoir vendu de la drogue comment vas devenir l'avenir vendre des produits interdit est moins grave qu'un excès de vitesse

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