La productivité est en chute libre en France, les économistes s'alarment

La productivité en France a chuté dramatiquement selon l'économiste Natacha Valla, alors que le taux d'emploi est resté stable pendant toutes ces années de crise. Dans un épais rapport de plus de 200 pages, le conseil national de la productivité (CNP) dresse un tableau préoccupant de la richesse produite par tête après la pandémie et la crise énergétique.
Grégoire Normand
Des millions d'emplois dans l'industrie en France ont disparu depuis les années 70.
Des millions d'emplois dans l'industrie en France ont disparu depuis les années 70. (Crédits : Reuters)

La productivité tricolore va-t-elle revenir à son niveau d'avant crise sanitaire ? C'est La question brûlante du moment pour les économistes. Après l'OFCE il y a un mois, c'est autour du conseil de la productivité (CNP) de tirer la sonnette d'alarme. Dans un épais rapport de plus de 200 pages dévoilé ce lundi 23 octobre, les économistes ont passé au scalpel les facteurs d'essoufflement des gains de productivité par tête. « La productivité par tête a dramatiquement chuté depuis la crise Covid. Il y a un manque à gagner de la productivité alors que le taux d'emploi est resté stable tout au long de la crise », a alerté Natacha Valla, présidente de cette instance hébergée par France Stratégie lors d'un point presse.

Depuis la pandémie, les créations d'emplois ont souvent été plus dynamiques que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Ce paradoxe a surpris un grand nombre d'économistes et spécialistes du marché du travail. Mais cette étrange situation pourrait bien prendre fin avec le coup de frein de l'économie tricolore asphyxiée par le durcissement de la politique monétaire de la BCE et la situation géopolitique chaotique au Proche-Orient.

Lire aussiChômage en hausse, croissance atone : l'OFCE anticipe un coup de froid sur l'économie en 2024

Désindustrialisation, apprentissage et choc énergétique

Sans surprise, le premier facteur de baisse de la productivité est la spectaculaire désindustrialisation du tissu productif tricolore depuis les années 70. « Notre base industrielle est plus faible que chez nos voisins européens. On paie la désindustrialisation », a souligné l'économiste et ex-vice présidente de la Banque centrale européenne. Résultat, la part de la richesse produite par l'industrie dans l'économie tricolore a considérablement chuté en France. Et les emplois industriels associés à de forts gains de productivité ont disparu par millions. A l'opposé, les emplois créés dans le tertiaire, parfois dans des secteurs à très faible valeur ajoutée avec des emplois précaires, n'ont pas réussi à compenser ces pertes faramineuses.

L'autre facteur mentionné par les économistes est l'essor vertigineux des embauches d'apprentis. Depuis 2018, le gouvernement a complètement remis à plat la politique de l'apprentissage. Cette réforme s'est accompagnée d'une aide exceptionnelle et peu ciblée au recrutement des apprentis inscrite dans le plan de relance présenté par l'ancien Premier ministre Jean Castex. « L'apprentissage a eu un effet négatif à court terme sur la productivité », a expliqué Natacha Valla.

Les embauches massives d'apprentis ont certes boosté le marché du travail. Mais elles ont également contribué à diminuer les gains de productivité par tête et par heure. En effet, les apprentis sont comptabilisés dans les effectifs de l'entreprise ou du secteur public à temps plein alors qu'ils passent une partie importante de leur temps en formation. Avec le ralentissement de l'économie et les moindres aides à l'apprentissage, les gains de productivité devraient repartir à la hausse, a expliqué l'économiste de l'OFCE Mathieu Plane lors d'un récent point presse.

La flambée des prix de l'énergie a plombé la productivité à court terme

L'éclatement de la guerre en Ukraine en février 2022 a provoqué une flambée des prix de l'énergie inédite en Europe depuis les années 70. Après un ralentissement au premier semestre, les prix de l'énergie fossile sont repartis à la hausse sous l'effet de la décision de l'OPEP de fermer progressivement le robinet de l'offre de pétrole. A cela s'ajoute, la situation géopolitique tendue au Proche-Orient.

Résultat, les prix de l'énergie devrait continuer de « nuire à la productivité » à court terme. En revanche, cette crise énergétique peut engendrer des gains de productivité à plus long terme si les Etats et les entreprises accélèrent leur transition vers une économie bas carbone, diminuant ainsi leur dépendance aux énergies fossiles.

L'optimisation fiscale peut également nuire à la productivité

L'optimisation fiscale des multinationales est loin d'être un épiphénomène comme l'a bien documenté le dernier rapport de l'observatoire européen de la fiscalité dévoilé ce lundi 23 octobre. Outre les pertes importantes de recettes fiscales pour les Etats, les stratégies agressives de délocalisation des bénéfices dans des paradis fiscaux peuvent avoir une incidence sur la productivité. « On voit un effet négatif sur la productivité du travail. Les paradis fiscaux ont un effet de frein »indique Natacha Valla. Comment expliquer un tel phénomène ? « En délocalisant certains revenus de la maison-mère et des filiales locales de la multinationale vers un paradis fiscal, l'opération se traduit par une baisse de la mesure de la croissance économique et de la productivité dans le pays d'origine, avec l'effet inverse pour le pays tiers », expliquent les auteurs de l'épais rapport.

Lire aussiLes multinationales ont délocalisé 1.000 milliards de dollars de bénéfices dans les paradis fiscaux en 2022

Les régimes fiscaux développés par certains Etats pour attirer les bénéfices et les fortunes des pays étrangers ont souvent brouillé les calculs des économistes. Le cas de l'Irlande est particulièrement criant. Pendant des années, Dublin a affiché des taux de croissance à deux chiffres sans vraiment de connexion avec l'activité réelle du pays. Les économistes français plaident d'ailleurs pour une réforme des statistiques internationales afin de mieux prendre en compte ces transferts massifs de richesse dans le calcul du produit intérieur brut et de la productivité par tête. Une proposition qui risque de susciter des mécontentements en Europe.

Lire aussiIrlande : une croissance de 26,3 % artificiellement gonflée

Grégoire Normand
Commentaires 47
à écrit le 24/10/2023 à 22:36
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Que l'état fasse son boulot C plus facile de taxer sur tout et en permanence que de contrôler les gens qui viennent de pays qui vivent des millions d'€ de dons + les arnaques à la ss et aux allocations . J'ai travaillé toute ma vie et suis ponctio...

à écrit le 24/10/2023 à 16:52
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@ CD ou Vinyl Ayant commencé à bosser à 18 ans jusqu'à 65, je ne pense pas avoir volé ni mds prestations sociales (assurance maladie comprise) encore moins mes pensions de retraite. Ce Pays depuis MITTERRAND a été mal géré comme d'habitude avec les s...

le 25/10/2023 à 8:26
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La politique de Mitterrand s'inscrivait dans le prolongement de VGE et la retraite à 60 ans était le prolongement des pré-retraites initiées par VGE et le fait est que vos cotisations étaient calées pour payer les retraites de classes creuses aux pen...

à écrit le 24/10/2023 à 16:31
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La productivité ne se mesure plus en nombre d'emplois mais au nombre de robots ce qui signifie que pour augmenter la productivité il faut investir dans un outil de production performant .Fini l' ouvrier spécialisé (os) sur une chaine de montage un ro...

le 24/10/2023 à 16:49
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"La productivité ne se mesure plus en nombre d'emplois mais au nombre de robots " Reste à savoir qui cotisera aux caisses de retraites ensuite ,les robots ?.

le 25/10/2023 à 8:38
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Un droitard va s'imaginer qu'un tourneur avec une machine à commande manuelles remotivé par le retour au 39h au nom de la "valeur travail" ou bien un bénéficiaire du RSA remobilisé va rivaliser avec un tourneur avec des machines numériques... Ce qui ...

le 25/10/2023 à 13:15
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Et sans l'épargne bancaire des précaires comment vont faire les industriels pour financer leurs usines robotisées fabriques à mendiants? Corruption politique pour creuser encore plus la dette publique jusqu'à la faillite de la France et la fuit...

à écrit le 24/10/2023 à 15:22
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"Dans un épais rapport de plus de 200 pages" Il finira à la poubelle ou pour caler une armoire comme les autres.

à écrit le 24/10/2023 à 14:56
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Cette baisse est logique dans la mesure où le modèle de croissance depuis les années 70 est de développer les services par essence non-délocalisable et difficilement automatisables pour "enrichir la croissance en emplois". Revers de la médaille, ce p...

à écrit le 24/10/2023 à 13:52
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Bonjour, bon a part les fonctionnaires qui fait greve en france.. Mais ils me semblent important de voir les conditions de travail, la management scandaleux, lens salaires qui'augmente pas, le scandales des réformes des retraites.. Bien sur ils ...

à écrit le 24/10/2023 à 13:43
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Il s’agit sans doute des conséquences de l’œuvre de la CGT pour lutter contre la fatigue et les accidents de travail. Sans compter les abus d’usage du droit de grève pour tous les motifs possibles. Et une fois que les résultats sont atteints et que l...

à écrit le 24/10/2023 à 13:43
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3100 milliards de dette nationale mais les Français semblent déconnecter sauf des réseaux sociaux !!!

à écrit le 24/10/2023 à 12:04
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L'homme n'est pas une machine ( petit rappel)

à écrit le 24/10/2023 à 11:54
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En France les médias sautent continuellement de congés ou de ponts d'un à l'autre: en ce moment la Toussaint, mais "en même temps" les emblètes de Noêl sont déjà aussi annoncées. Et après.....le ski en février et en Mars, Pâques au Printemps.....Les ...

à écrit le 24/10/2023 à 10:21
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On peut pas organiser la délocalisation de l'industrie et de l'ensemble de ce qui fait une économie, ne laisser que l'armement comme unique exportation pour vendre tout azimut des armes partout, faire du travail forcé par le rsa quelque soit le dipl...

à écrit le 24/10/2023 à 8:31
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Les nouvelles générations n ont pas pour alpha et oméga le travail : tous les emplois publics comme privés aux heures atypiques : travail heures de nuit/ wk/ jours fériés sont en souffrance de trouver leur public. Ex : les postes de conducteurs de tr...

le 24/10/2023 à 9:55
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Le porbleme est plus profond. Certes il y a le partage de la valeur et les actionnaires mais ca ne concerne que les grands groupes privés. Le boulanger du coin ou la SNCF ne versent pas de dividendes. Le probleme est que travailler ne signifie pas po...

le 24/10/2023 à 10:49
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lorsque l'on remplace par les chiffres les pmes par des auto entrepreneurs dans les chiffres et que l'on parle de plein emploi, forcément il n'y a que la dette qui peut permettre a cette économie de pouvoir se targuer de chiffres en trompe l’œil ! ...

le 24/10/2023 à 18:14
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@gonzague pour sûr, on formerait correctement les Français à l'économie, ça conduirait à la guerre civile car ça se verrait que l'essentiel des classes moyennes sont en fait des prébendiers prélevant plus de richesses qu'ils n'en créent. Ce n'est pas...

à écrit le 24/10/2023 à 8:31
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Les nouvelles générations n ont pas pour alpha et oméga le travail : tous les emplois publics comme privés aux heures atypiques : travail heures de nuit/ wk/ jours fériés sont en souffrance de trouver leur public. Ex : les postes de conducteurs de tr...

à écrit le 24/10/2023 à 7:32
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je ne suis pas économiste mais ayant travaillé sans regarder les heures et avec un seul objectif le résultat et la satisfaction du client ....on voit très bien aujourd'hui que la France vit tranquille ..... Nos dirigeants au lieu de financer l'assis...

le 24/10/2023 à 7:50
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Vous ne savez pas ce qu'est la productivité, apparemment !

le 24/10/2023 à 8:34
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Les emplois de service ne sont pas les plus productifs ce sont les emplois industriels…

le 24/10/2023 à 9:16
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Là n'est pas la question. Vous dites que nos dirigeants auraient pu augmenter la durée du travail. Ceci aurait entraîné une augmentation de la production, pas de la productivité.

le 24/10/2023 à 10:57
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c'est du turbo capitalisme monsieur ce que nous vivons ! l'assistanat est un mot après le texte voté par l'assemblée nationale sur france travail qui permet de faire bosser des gens au rsa pour 10 euros de l'heure (brut ou net)? faisant d'une indemni...

le 24/10/2023 à 20:52
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"Ceci aurait entraîné une augmentation de la production, pas de la productivité." Ou bien une production stable avec moins d'effectifs et augmenter ainsi les marges sans avoir à développer le volume d'activité...

à écrit le 24/10/2023 à 6:46
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C'est l'énergie bon marché qui favorisait la productivité française. L'europe a réussi à nous priver de notre avantage compétitif. En plus, nos bonnes entreprises font appel à de la main d'oeuvre bon marché, mais peu qualifiée. Il y a aussi peu d'inv...

le 24/10/2023 à 11:00
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elle a ses milliardaires, mais ils ont la culture de la rente qui n'est pas celle de l'investissement! de plus l'économie français dépend de l'état des contrats d'état qui fait que la mentalité des dirigeants des multinationales est plus celle de l...

à écrit le 23/10/2023 à 21:41
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Depuis l industrialisation, le travail et le Capital ne s'echangent plus. Combien faudrait-il de personnes pour remplacer un PC? Seul le modele aK (a*Capital) reste pertinent. La productivité du Capital depend de l'activite, des competences des pers...

à écrit le 23/10/2023 à 20:59
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Sur le volet "apprentissage", un effet de base semble transparaître...Sans transition, comment est mesurée la productivité des crânes d'oeuf d'un Conseil Théodule National de la Productivité ? À la vitesse avec laquelle un nombre de pages rédigées fi...

à écrit le 23/10/2023 à 20:29
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Ohhh ben c'est bête😜alors qu'entre avril et juin 2023, d’après un recensement du gestionnaire d’actifs Janus Henderson, les 1200 plus importantes entreprises mondiales cotées en bourse ont redistribué 568.1 milliards de dollars en dividendes à leurs ...

le 24/10/2023 à 9:58
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seul probleme dans votre raisonnement, ces entreprises sont celles ou la productivite est la plus forte (et souvent qui paient mieux qu ailleurs)

le 24/10/2023 à 12:26
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@Réponse. Le seul problème dans votre réponse est que vous regardez où ça semble vous arranger. Parfois la réalité est tout simplement cruelle et dure à accepter.

à écrit le 23/10/2023 à 20:13
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oui ils sont inquiets sachant que la dette qui a ete generee pour acheter la paix sociale doit etre payee par la croissance, effectivement........pour le reste c'est une question de choix, la france a fait le choix de la glandouille, le choix du nive...

le 24/10/2023 à 10:32
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On a trop de vieux qui glandouillent en France. On aurait dû laisser le COVID faire son œuvre, c'est la dette COVID qu'on paye aujourd'hui, dette qui va reposer sur les jeunes et les actifs pour sauver l'électorat centre-droit. Centre droit qui gouve...

à écrit le 23/10/2023 à 20:13
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Sans surprise l'africanisation de l'économie française poursuit progressivement sa route, productivité et participation tendent vers zéro et bientôt la France sera sous perfusion du FMI après que l'économie informelle (i.e. travail dissimulé) ait ...

le 24/10/2023 à 9:25
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Ceci est pensé et voulu. En affaiblissant notre pays, nos "élites" françaises font en sorte que notre pays n'ait plus assez de force intérieure (nous avons déjà perdu l'acier Arcelor, et l'aluminium Péchiney, les télécoms Alcatel, les ciments Lafarge...

à écrit le 23/10/2023 à 19:23
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Et ça étonne?

à écrit le 23/10/2023 à 18:36
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Ah ben c"est au choix : Chômage ou productivité.!

le 24/10/2023 à 18:32
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Avec le logiciel français, emploi et productivité sont en effet antinomiques, d'où la tendance à recourir au déficit pour gonfler artificiellement le marché interne et à être très tolérant avec le non-travail car autrement, les gens commenceraient à ...

à écrit le 23/10/2023 à 18:26
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Je pense que la politique de remboursement des frais de trajet domicile-travail a sapé la productivité sur le long terme, en encourageant les entreprises et les employés à s'éloigner les uns des autres

le 23/10/2023 à 20:31
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Non, c'est la rançon de la gloire des rachats d'actions propres par les grands groupes🙉🙈🙊

le 24/10/2023 à 8:16
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Plutôt idiot … ce qui a éloigné les lieux de domicile des salariés des entreprises dont les transports , les prix immobiliers les intérêts divergent : les implantations subventionnées des entreprises s opposent à la taxation des habitants pour la fi...

le 24/10/2023 à 8:18
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Plutôt simpliste votre raisonnement … ce qui a éloigné les lieux de domicile des salariés des entreprises sont les transports , les prix immobiliers les intérêts divergent : les implantations subventionnées des entreprises s opposent à la taxation...

à écrit le 23/10/2023 à 18:18
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Ils s'en tapent de la productivité ils veulent des esclaves et une nouvelle vague est arrivée avec le travail obligatoire pour les pauvres et les chômeurs.

le 23/10/2023 à 18:42
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Mr 51, savez-vous que lorsqu'un employeur embauche quelqu'un, c'est parce qu'il souhaite que le salarié rapporte plus que ce qu'il coute ?? Dans le cas contraire, on embauche pas, au contraire ! Quand à la productivité, c'est ce qui permet de compar...

le 24/10/2023 à 7:40
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@ momo que ton approche est grotesque c'est désastreux... -_- "savez-vous que lorsqu'un employeur embauche quelqu'un, c'est parce qu'il souhaite que le salarié rapporte plus que ce qu'il coute ??" Oui pour la petite entreprise ou moyenne mais pour vé...

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