Branle-bas de combat à Matignon. La hausse du chômage au troisième trimestre - qui devrait se poursuivre, selon l'Insee - fait bondir Élisabeth Borne. « Nous n'allons quand même pas laisser le chômage remonter sans rien faire », s'agace-t-on Rue de Varenne, dix jours après la publication des chiffres par l'Institut de la statistique. La Première ministre a demandé à Olivier Dussopt, qui lui a succédé l'an dernier Rue de Grenelle, de lui fournir des propositions « en urgence », une requête partagée avec ses homologues de Bercy. Un rendez-vous avec eux est fixé le 15 décembre, la date pourrait être avancée. Entre-temps, le ministre du Travail comparaîtra devant la justice à partir de demain pour soupçon de favoritisme lorsqu'il était maire d'Annonay (Ardèche).
Sans attendre, Matignon lance ses pistes. La rupture conventionnelle pourrait ainsi faire l'objet d'une réforme. L'exécutif constate que ce dispositif, né en 2008 à l'issue d'un accord entre patronat et syndicats, a aujourd'hui des effets pervers sur l'emploi. À la différence d'une démission, il permet de percevoir des indemnités d'assurance chômage. Ce qui encouragerait les partants à s'inscrire à Pôle emploi tout en pesant sur les comptes du régime. « Il n'y a plus beaucoup de démissions, tout le monde veut négocier », observet-on. L'essor est vif. Plus de 500 000 séparations à l'amiable ont été conclues l'an dernier, contre 420 900 en 2017. Le gouvernement vient déjà de relever le prélèvement social sur les chèques de départ pour freiner le mouvement. Une nouvelle restriction serait donc envisagée.
Les représentants des salariés sont sous pression
Un paradoxe ? La rupture conventionnelle a été créée il y a quinze ans pour aider les employeurs à écarter un salarié devenu indésirable et, ainsi, lever la « peur de l'embauche ». Donc favoriser l'emploi. Désormais, elle pousserait au chômage. « Le monde du travail a changé, analyse un proche de la cheffe du gouvernement. Les règles avaient été faites pour des CDI, mais aujourd'hui les demandeurs d'emploi veulent des CDD. »
À Matignon, l'idée de durcir le régime d'indemnisation chômage des seniors, avancée par Bruno Le Maire et Thomas Cazenave dans La Tribune Dimanche le week-end dernier, est entendue comme une autre piste. « Trop de seniors quittent leur entreprise de manière anticipée et vont à l'assurance chômage », acquiesce-t-on. Une telle révision des critères d'indemnisation dépend toutefois des partenaires sociaux, au sein de l'Unedic.
Cette semaine, l'exécutif a confié officiellement aux syndicats et au patronat une négociation d'ensemble sur l'emploi des seniors, le compte épargne-temps et l'usure professionnelle, qui doit aboutir le 15 mars. La pression de Bercy agace les représentants des salariés. « Commencer la négociation ainsi, c'est de la provocation », grince-t-on à la CFDT. L'enjeu reste de taille. Selon l'Insee, le taux d'emploi des 50-64 ans atteint 66,9 % au troisième trimestre de cette année. Il est inférieur de 15 points à celui des 25-49 ans.