
Le martyr de Saint Laurent Berger prendra fin vendredi prochain, dans une décision du Conseil Constitutionnel sur la loi Retraites qui fera date pour les 9 Sages du Palais Royal. Et pour Laurent Fabius qui tient dans ses mains le sort du quinquennat d'Emmanuel Macron. Vendredi 14 avril, le jugement tombera donc, une semaine après le Vendredi Saint et la révolte de Sainte Elisabeth (Borne) qui a (enfin !) sur le tard marqué sa différence avec Emmanuel Macron. Rapportée dans Le Monde hier matin (après une rencontre à huis-clos avec quelques journalistes), les propos de la Première ministre ne manquent pas de piquant. Alors que le président affiche son impatience à passer à autre chose, elle appelle à respecter « une période de convalescence » dans le pays et à éviter « que les syndicats sortent humiliés de cette séquence ». La petite phrase a fait sursauter les commentateurs, prompts à faire le parallèle avec celle d'Emmanuel Macron sur Vladimir Poutine (« Il ne faut pas humilier la Russie »), qui lui a été reprochée par les Ukrainiens.
La veille, depuis la Chine, Emmanuel Macron avait, une nouvelle fois, accusé la CFDT de ne pas avoir de projet alternatif. « Une fois de trop », a tonné Laurent Berger qui a appelé Emmanuel Macron à « garder ses nerfs ». Surréaliste ! Le leader de la CFDT, qui n'a plus rien à perdre, a salué les propos apaisants d'Elisabeth Borne en soulignant qu'il « n'y a jamais eu de problème de respect avec la cheffe du gouvernement ».
Tout ce petit jeu de com' à la veille de la trêve pascale finit par lasser les Français. Après Emmanuel Macron dans Pif sans gadget, Marlène Schiappa dans Playboy, à quoi doit-on s'attendre encore ? Un entretien de Darmanin dans Union (des droites) ou de Bruno le Maire dans Picsou magazine ?
En fait de chasse aux oeufs, la classe politique va passer le week-end de Pâques à compter les jours qui restent à Elisabeth Borne. Depuis le 3 avril, la Première ministre a dépassé les 10 mois et 18 jours de la seule autre femme à avoir occupé Matignon et l'hypothèse de son départ attise les ambitions. « Borne out », « Darmanin In », c'est le scénario qui tient le plus la corde à regarder les Unes de la presse cette semaine, avec un ministre de l'Intérieur omniprésent. Avec son profil à la Sarkozy, comme lui ministre du Budget, puis de l'Intérieur, incarnation de l'ordre dans une période de désordre, qui d'autre que lui pour « élargir la majorité » à droite, seule option qui reste à Macron ?
Certes, on ne peut exclure qu'Elisabeth Borne sauve sa tête : Macron lui a donné quelques semaines pour écrire la feuille de route du cap qu'il a tracé le 22 mars. Quelques semaines de répit, donc, mais pour aller où ? « Avant d'aller chercher des alliés pour voter les textes, c'est important que l'on dise où l'on veut aller », a aussi lancé Elisabeth Borne, un brin désabusée. Est-ce qu'il y aurait donc un désaccord au sommet de l'Etat sur la direction à prendre entre un président de plus en plus libéral et une Première ministre issue de la gauche qui n'est peut-être pas la mieux placée pour conduire une majorité penchant clairement à droite.
Une chose est sûre, Laurent Berger, président autoproclamé de l'intersyndicale toujours unie avec son appel à une douzième journée de mobilisation jeudi 13 avril, veille de la décision du Conseil Constitutionnel, va monnayer très cher la sortie de la convalescence. « Berger a une liste de course longue comme le bras », s'inquiète un responsable patronal qui voit venir les ennuis : rattrapage des écarts de salaires femme-homme, compte épargne-temps universel, semaine de quatre jours, et peut-être quelques impôts pour financer la transition écologique. Les 64 ans, qui déjà ne rapportent plus grand chose aux comptes sociaux, vont coûter cher aux entreprises... Le futur président du Medef n'aura pas forcément la même lune de miel avec le macronisme finissant que son prédécesseur.
Certes, il y a bien un cap consensuel, celui du plein emploi. Un autre candidat à Matignon l'a bien compris, en la personne de Bruno Le Maire qui s'est livré à une belle opération politique lundi en recevant à Bercy la crème de la crème des députés Renaissance pour rendre compte devant la presse, en duo avec des patrons, de la trentaine de mesures de sa future loi « Industrie Verte ». « Une loi c'est bien, mais une loi votée c'est mieux », s'est écrié Bruno Le Maire un peu taquin, rappelant les belles heures de sa loi Pacte conçue en co-construction avec les Français et le Parlement. Suivez son regard, c'est aussi une question de méthode ! Restons modestes, ceci dit, car pour l'heure, la loi Industrie verte n'est qu'un catalogue à la Prévert composé de bonnes intentions qui, à défaut de financements clairs, sont encore loin de répondre aux 400 milliards de l'Inflation Reduction Act américain. Ce micro IRA à la française aurait bien besoin d'un peu de carburant. A Bercy, on certifie que les investissements verts seront financés par les 54 milliards du plan France 2030 (Bruno Bonnell a le dos large) et la part dévolue à la France du plan de relance européen. Dans un entretien à La Tribune, la ministre chargée des affaires européennes, Laurence Boone, remet les pendules à l'heure : « finie la naïveté », l'Europe doit riposter à l'IRA américain.
Espérons que la période de « convalescence » sera courte car il y a urgence. Selon une étude de la Fabrique de l'Industrie, près de 155.000 emplois seraient menacés en France par « trois menaces complémentaires et qui ont toutes à voir avec la problématique de la décarbonation de l'industrie : le maintien à des prix durablement élevés de l'énergie en Europe, la mise en place prochaine du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'UE (et la suppression afférente des quotas gratuits d'émissions de CO2), et l'instauration d'aides aux entreprises particulièrement attractives aux États-Unis dans le cadre de l'Inflation Reduction Act ». Bref, alors que la crise politique et l'agitation sociale permanente depuis janvier commencent à inquiéter les investisseurs étrangers et à peser sur l'attractivité de la France, il est plus que temps de passer à autre chose et de sortir de l'impasse.
A suivre aussi sur latribune.fr cette semaine
. A l'occasion du voyage en Chine du président de la République, la rédaction de La Tribune Afrique a fait le point sur les stratégies d'influence des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie en Afrique, dont la France risque de se faire sortir.
. Antoine Armand (Haute-Savoie, Renaissance), rapporteur, et Raphaël Schellenberger (Haut-Rhin, LR), président, retenez bien ces noms : ils ont dirigé la fameuse commission parlementaire sur les causes de l'effondrement de la filière nucléaire française. Lisez leur rapport dont nous rendons compte sur latribune.fr et si vous avez un peu de temps ce week-end, prenez le temps de réécouter les auditions édifiantes des témoins ou des acteurs de ce fiasco, cela vaut une bonne série sur Netflix ou Prime Video... Et de lire l'analyse de Marc Endeweld, qui a lu le rapport et qui en conclusion estime que dans le grand fiasco de l'énergie en France, ce n'est pas seulement la faute aux écolos, loin de là. Gauche, droite, écolos, Europe, les responsabilités sont bien partagées.
. Enfin, pour celles et ceux qui n'ont pas pu venir jeudi 6 avril au Grand Rex suivre notre forum Tech For Future, retrouvez ici l'essentiel de l'entretien que nous a accordé le ministre en charge du numérique, Jean-Noël Barrot, sur les défis posés par l'irruption de l'intelligence artificielle dans notre vie. « Non, il ne faut pas interdire ChatGPT », nous dit-il, mais il faut traiter les questions économiques et éthiques posées par cette nouvelle technologie.
Le ministre du numérique, qui suit de près la question du financement des startups dans une période de retournement du cycle, espère boucler rapidement le nouveau fonds Tibi 2. Une bonne nouvelle alors que les levées de fonds sont rendues plus difficiles par la hausse des taux. Souhaitons en tout cas le meilleur aux 10 startups lauréates de notre concours Tech For Future 2023, qui prime les pépites qui innovent pour résoudre les grands enjeux économiques, sociétaux et environnementaux des prochaines décennies. Découvrez Sweetch Energy, Enogia, Euveka, Cantoo, Panntherapi, Dionymer, Kadalys, Ziwig, Fairme et OOrion.
Bonne chasse aux œufs !
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