Après un été relativement favorable, l'économie française s'oriente vers un ralentissement en fin d'année. La multiplication des tensions sur les prix et les chaînes d'approvisionnement pèse sur une reprise jugée "rapide" mais "sous tensions" par l'Insee. Dans leur dernière note de conjoncture dévoilée ce mercredi 6 octobre, les économistes de l'organisme public ont maintenu leur prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) à 6,25% pour 2021 par rapport à leur dernière simulation réalisée à la fin de l'été.
"Les mesures d'urgence ont largement amorti l'onde de choc sur le marché du travail. L'emploi salarié, l'investissement des entreprises en France ont dépassé leur niveau d'avant crise à la fin du second trimestre. C'est une crise extrêmement rapide. La reprise est également rapide mais des tensions au niveau international sont apparues. Les tensions inflationnistes aux Etats-Unis, des problématiques d'offre en Chine avec des arrêts d'usines freinent le rebond. Aux Etats-Unis, le stimulus budgétaire a contribué aux problématiques d'approvisionnement au niveau mondial", a déclaré le chef du département de la conjoncture à l'Insee lors d'un point presse ce mercredi. De son côté, la direction générale du trésor (DGT) dans son dernier rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de 2022 (PLF 2022), table sur une croissance de 6% en 2021 puis 4% en 2022.
Un chômage attendu à 7,6%, au plus bas depuis 2008
Sur le front de l'emploi, les indicateurs sont au vert. Le taux de chômage au sens du bureau international du travail pourrait s'établir à 7,6% de la population active. "Le taux de chômage passerait de 8% à 7,6% à l'automne, soit deux points de moins qu'à la période d'avant crise. Au total, nous prévoyons plus de 500.000 créations nettes sur l'ensemble de l'année contre 300.000 destructions l'an dernier", a ajouté le statisticien. Au moment de la levée des mesures sanitaires à l'issue du troisième confinement, les créations d'emplois ont été particulièrement dynamiques dans des secteurs restés longtemps fermés comme la restauration, le commerce, les musées, cinémas et spectacles par exemple. "Fin juin 2021, l'emploi salarié dépassait ainsi son niveau d'avant-crise (fin 2019) de 145 000 (soit +0,6 %)", indiquent les auteurs de la note. "Entre fin mars et fin juin, plus de 290.000 emplois ont été créés. Cette hausse qui nous a surpris a été portée le secteur tertiaire marchand avec la levée des mesures sanitaires. Les activités de services aux ménages, l'hébergement-restauration. Entre fin et fin décembre, 75.000 emplois seraient créés" a ajouté Olivier Simon de l'Insee.
L'année dernière, la mesure du taux de chômage avait donné des sueurs froides aux économistes notamment pendant les périodes de confinement. La définition du bureau international du travail ne permettait pas de bien prendre en compte les personnes non disponibles pour du travail pendant les périodes de confinement. "Sur le chômage, il n'y a plus d'effet de trompe-l'œil cette année. La baisse du taux de chômage est liée au dynamisme de l'emploi. Le taux de chômage serait au plus bas depuis 2008" explique Julien Pouget.
Une inflation supérieure à 2% prévue pour la fin de l'année
La reprise économique d'abord en Chine puis aux Etats-Unis a provoqué des poussées inflationnistes partout sur la planète. En Europe, la flambée des prix du pétrole et des matières premières inquiètent particulièrement les gouvernements. Du côté de l'Insee, les conjoncturistes tablent sur une inflation supérieure à 2% d'ici à la fin de l'année. "L'inflation a continué sa progression ces derniers mois en s'établissant à 2,1% septembre contre 0% en décembre dernier. Cette hausse reflète la montée des prix du pétrole. Elle se répercute sur les prix de l'essence. Les autres hausses de matières premières se répercutent surtout sur les prix de production. Cependant, cette hausse se répercute pour l'instant de manière limitée aux prix de consommation", a déclaré Olivier Simon.
Toute la question est dorénavant de savoir dans les prochains mois si les entreprises vont répercuter cette hausse du prix de matières premières sur les prix à la consommation. Dans certains secteurs en bonne santé, elles pourraient décider de comprimer leurs marges. Dans des branches meurtries par la pandémie, cette augmentation des coûts pourrait se répercuter sur les prix d'achat compte tenu des marges de manœuvre plus réduites. Pour l'instant, il est encore un peu tôt pour voir cet effet. "Il y a un délai de deux à trois trimestres de la hausse des prix des matières premières aux prix de consommation. Ce n'est pas instantané comme le prix du pétrole" rappelle Olivier Simon. "Il s'agirait essentiellement d'une inflation importée : s'il devait y avoir d'éventuels effets de « second tour » via les salaires, ceux-ci ne se matérialiseraient qu'au-delà de notre horizon de prévision. Ces effets ne peuvent être exclus a priori, même si à ce stade les signaux disponibles dans les données d'enquête restent modérés", précise l'institut de statistiques.
De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) n'envisage pas, à ce stade, de durcir sa politique accommodante. Sa présidente Christine Lagarde a averti récemment qu'il fallait se garder de "surréagir" aux évolutions de l'inflation provoquées par des effets transitoires. Elle a appelé à "prendre du recul" sur la poussée d'inflation constatée actuellement dans les 19 pays partageant la monnaie unique.
Un pouvoir d'achat en hausse de 1,5% en 2021
Le sujet du pouvoir d'achat est en train de devenir un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle. Selon l'Insee, le pouvoir d'achat calculé par unité de consommation (UC) progresserait de 1,5% en 2021 malgré l'inflation après avoir stagné en 2020 "Le pouvoir d'achat en 2021 est tiré par le rebond de la masse salariale" indique Olivier Simon. Outre la baisse importante du chômage partiel, la bonne tenue du marché du travail a permis à un nombre important d'actifs de profiter d'une hausse de revenus issue de l'activité. "La hausse du salaire moyen par tête serait également dynamisée par la reconduction du dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa), et, au quatrième trimestre, par la revalorisation du Smic (+2,2 % à compter d'octobre 2021), dans un contexte de hausse de l'inflation. Au final, à la fin de l'année 2021, le salaire moyen dépasserait de 3,1 % son niveau de fin 2019", précise l'Insee.
Derrière cette moyenne, il existe évidemment des disparités. Même si l'Insee n'était pas en mesure à ce stade d'apporter des chiffres par catégorie socioprofessionnelle, les demandeurs d'emploi risquent de connaître une baisse de revenus. En effet, la mise en œuvre de la réforme de l'assurance-chômage depuis le premier octobre, qui prévoit un durcissement des conditions d'accès aux indemnités de Pôle emploi, pourrait diminuer les allocations de plus d'un million de demandeurs d'emploi.