Pandémie Covid-19 et reprise économique : sommes-nous au bout du tunnel  ?

OPINION. La reprise économique liée à la maîtrise progressive de la pandémie fait apparaître des problèmes pour l'économie mondiale, plus ou moins importants selon les pays : pénurie de matières premières, tensions géopolitiques, accélération de la transition énergétique, endettement... Des tensions qui rendent difficile l'évaluation de la sortie de crise. (*) Par Hassan Ben Janena, professeur d'économie à l'ISG de Sousse (Tunisie), et Mariem Brahim, enseignante-chercheuse à Brest Business School.
Joe Biden exhibant un semi-conducteur.  La tension mondiale sur l'approvisionnement en semi-conducteurs est en train de se transformer en crise du secteur automobile.
Joe Biden exhibant un semi-conducteur. La tension mondiale sur l'approvisionnement en semi-conducteurs est en train de se transformer en crise du secteur automobile. (Crédits : Reuters)

Bénie soit la personne qui pourra prédire l'avenir de l'économie mondiale. Les pays ont subi les effets économiques et sanitaires de la pandémie de façons très différentes déjouant les pronostics les mieux élaborés.

Depuis le début de la crise, certains pays ont demandé une aide financière d'urgence auprès du FMI. L'OCDE table sur une croissance mondiale de 5,7 % en 2021. L'inflation est désormais supérieure à 5 % aux Etats-Unis sur un an et a atteint 3 % cet été dans la zone euro. Le taux de vaccination, l'application des mesures barrières sont des éléments déterminants de la reprise économique. Et ce, même si les écarts se creusent entre pays pauvres et pays riches. Une crise atypique de nature exogène qui paralyse l'économie. Les secteurs tertiaires, autres que ceux digitalisés, ont plus subi la crise que le secteur industriel.

La fragilité économique et les incertitudes géopolitiques

Cette pandémie amène les États à une coopération renforcée pour gérer la production et la distribution de ressources nécessaires au mieux des besoins de chaque population. D'un autre coté, les tensions sont vives sur certains produits : vaccins, en premier lieu, semi-conducteurs, puces électroniques, etc. Sur fond de tensions avec la Chine, Joe Biden voudrait redynamiser les institutions traditionnelles (OMS, OMC, FMI, Banque mondiale). Comme le montrent ses propositions de réformes fiscales, le nouveau président américain a des plans ambitieux de collaboration internationale pour traquer les paradis fiscaux et discipliner les multinationales. Suite à la rupture du "contrat du siècle" entre l'Australie et la France sous pression états-unienne, la politique extérieure de Biden frappe par son unilatéralisme et s'inscrit dans la continuité de la politique de son prédécesseur Donald Trump. C'est donc l'occasion de s'interroger sur la cohérence entre le programme annoncé de Joe Biden et son action effective : quelles seront les conséquences de la crise entre la France et les Etats-Unis ? Que peut-on attendre, à cet égard, durant les trois prochaines années, notamment s'agissant des relations entre la France et les Etats-Unis ?

Sortir de la crise en ayant le moins possible recours à l'endettement

Deux principaux facteurs peuvent expliquer cette rupture de contrat. La première explication est la volonté de tout un chacun de sortir de la crise liée à la pandémie le plus rapidement possible et en ayant recours le moins possible à l'endettement. Un marché aussi important que celui des sous-marins constitue une aubaine économique indéniable. La deuxième explication est liée à la stratégie américaine de défense. Les Etats-Unis considèrent la Chine comme la menace la plus sérieuse à leur hégémonie mondiale tant sur le plan militaire qu'économique. Pour y faire face, et garder leur hégémonie dans l'océan pacifique, une alliance stratégique avec l'Australie, l'Inde et le Japon est plus que nécessaire. Surtout qu'une bonne partie des pays du vieux continent ont intégré la nouvelle route de la soie initiée par la Chine. Le revirement australien est alors inévitable.

L'annulation du marché des sous-marins australiens, agite le spectre de l'explosion de l'endettement public pour redynamiser l'économie de la France. Une augmentation des taux d'intérêt n'est plus à exclure. Le souvenir de la crise des « subprime » est encore présent dans toutes les mémoires. Les États-Unis, endettés dans une monnaie qu'ils émettent, ont une marge de manœuvre beaucoup plus importante que les pays de la zone euro. Les réponses publiques, exceptionnellement vigoureuses et adaptées au gré des évolutions sanitaires et économiques, ont grandement contribué à limiter les dégâts. Toutefois, le coût de ces réponses publiques ne sera connu que bien des années plus tard.

La reprise de l'économie mondiale retardée par des pénuries inédites fait que les cours des matières premières et de l'énergie flambent. Désormais, nous pouvons nous interroger si nous sommes au début d'un super-cycle de hausse des prix des matières premières. Cette augmentation sera-t-elle durable ? Et profitera-t-elle aux pays détenteurs de ces matières premières ?

Les tensions sur les matières premières pèsent sur de nombreux secteurs

Toujours est-il que ces tensions ont déjà des effets très concrets sur de nombreuses entreprises. En France, elles sont ressenties fortement dans l'industrie, le bâtiment, l'agroalimentaire, l'électronique (pénurie mondiale de semi-conducteurs). Sans oublier les pénuries dans la métallurgie et la chimie. Dans le secteur du bâtiment, et pour certains produits, la situation est telle que les fournisseurs ne sont plus capables de s'engager sur un prix ou un délai de livraison. La tension mondiale sur l'approvisionnement en semi-conducteurs est en train de se transformer en crise du secteur automobile. Les constructeurs automobiles n'ont pas correctement anticipé leurs besoins en semi-conducteurs qu'ils auraient au moment de la reprise.  La production automobile s'est arrêtée ou va s'arrêter chez beaucoup de constructeurs automobiles faute de puces électroniques, composants essentiels des voitures. La Fédération Française des Industries des Equipements estime que 84% de ses adhérents manquent d'approvisionnements. Frappé par la pénurie de puces, General Motors a été contraint de réduire sa production en Amérique du Nord. En France, plusieurs usines ont été contraintes de fermer leurs portes. Ainsi, celle de Toyota à Onnaing (Nord), qui fabrique la Yaris, a retardé sa reprise de production du 23 août au 6 septembre. Il en va de même pour Stellantis. Le groupe, né de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler, prolonge l'arrêt de sa production faute de composants importés d'Asie. Renault quant à lui pense arrêter sa production espagnole pour 2 mois. Enfin, en Allemagne, les retards de livraison s'accumulent.

Ces tensions autour des cours mondiaux des matières premières et des produits semi-finis ont eu de nombreuses conséquences sur les chaines de valeurs mondiales. Elles entrainent une augmentation des coûts de production pour les entreprises. Si on ajoute l'augmentation des prix du transport maritime (assurant plus de 80% du transport du commerce mondial) qui se sont envolés de 440% entre juillet 2020 et février 2021, nous aboutissons à une éventuelle réorganisation du commerce mondial. Un choc d'une ampleur sans précédent, c'est une crise qui aura des conséquences encore indéterminées.

Profondes mutations des comportements économiques

Pour le moment, certains économistes sont optimistes et voient dans cette situation un aspect conjoncturel. La sortie de la crise et la modification de certaines politiques et de certains besoins au travers des plans de relance, créent naturellement des tensions.

Par ailleurs, cette pandémie a aussi entrainé de profondes mutations des comportements économiques et de la demande, qui sont de nature structurelle plus que temporaire.  Les plans de relances ont privilégié la transition énergétique, les infrastructures et donc cela a créé des tensions sur un certain nombre de besoins. La transition énergétique va entrainer de nouveaux besoins en matières premières.

Pour les années qui viennent, la consommation de matières premières et semi-finies va augmenter pour rattraper « le temps perdu », les pénuries seront là. Il en sera de même pour les prix.

L'Europe est détentrice de technologie, capable de mobiliser des énergies en essayant de diminuer ses besoins de consommations, en accélérant le recyclage par exemple. Ces enjeux vont accentuer les inégalités entre les pays émergents et les pays développés. La crise sanitaire que nous traversons a mis en évidence la connexion humaine indépendamment des nations. Une autorité de régulation au niveau international verra-t-elle alors le jour ?

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Commentaires 3
à écrit le 05/10/2021 à 22:43
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Inonder le marche automobile européen de voiture chinoise ne sera pas au goût des Européens et encore moins des Américains du Nord!

à écrit le 05/10/2021 à 14:10
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"en accélérant le recyclage par exemple" Non, tout devrait imposer une véritable économie circulaire mais tandis que jamais la récolte des déchets n'a été aussi bien maitrisée jamais récupérer ce qui est jeté n'a été aussi difficile voir impossible p...

à écrit le 05/10/2021 à 13:16
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The Great Reset Now !!! espérons qu'il nous débarassera des bravaches (EELV+LFI) pour construire un avenir sain

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