Le télétravail, un « crash test » pour le management de l'entreprise

ÉPISODE 2. Pour l'heure, les directions parent à l'urgence, trop occupées à suivre les directives sanitaires gouvernementales au jour le jour et à s'adapter à la propagation de l'épidémie. Comment garder le cap, entre les impératifs économiques et le bien-être du salarié dont les fondements ont été totalement remis à plat par le travail à distance ?
(Crédits : Pixabay / CC)

> Lire : ÉPISODE 1. Comment les entreprises organisent le retour au bureau de leurs salariés

Cette crise est un véritable « crash test » pour l'encadrement. « On savait déjà les chefs de services et cadres intermédiaires entre le marteau et l'enclume, mais là, c'est très violent pour eux », insiste Emmanuel Charlot, administrateur de la Fédération des Intervenants en Risques psychosociaux, la FIRPS. « La plupart trouvent dur de manager à distance, usant et peu valorisant. » Entre coaching individuels et actions de formations collectives, les entreprises tentent de les accompagner via des cabinets extérieurs. «  Attention à bien penser aux gestes de reconnaissance, à ne pas négliger les déroulés de carrière, les promotions », rappelle encore Jean Pralong, psychologue.

Et le professeur en gestion des ressources humaines à l'EM Normandie de préciser : « et on le sait, le télétravail fait la part belle, non pas aux plus compétents, mais à ceux qui savent se mettre en avant... il faut donc intégrer de nouveaux critères d'évaluation ».

Autre conseil d'Emmanuel Charlot de la FIRPS :

« Travailler encore plus qu'autrefois, les « soft skills », c'est à dire les qualités comportementales, comme l'empathie, l'écoute, la bienveillance.... et garder à l'esprit que la santé psychologique des collaborateurs ne relève pas que de la sphère privée ! ».

Une gageure quand certains brouillent les pistes et font mine d'aller bien. Par honte de montrer des signes de faiblesses, par peur aussi de perdre leur emploi. Dans quelques cas, plus rares, ils disparaissent, ne répondent plus aux mails. Il ne faut pas hésiter alors à recourir à des médiateurs professionnels.

Lire aussi : Le télétravail, une « prison » pour le salarié ?

Les « Chief Health officer » arrivent en France

Etant donné la hausse des addictions constatées dans cette période, les entreprises ne peuvent plus se contenter, comme avant de quelques modules de sensibilisation : à la déconnexion, à la consommation d'alcool ou de stupéfiants.... « Surtout qu'il y a un risque juridique de l'entreprise », rappelle Alexandre Peschard, président de GAE conseils - pour gestion des addictions en entreprises-. « A charge pour elles de préserver la santé des salariés même quand il n'est pas en présentiel ». En la matière, les dispositifs - webinar, ateliers etc - ont fait leur preuve.

L'instauration d'une ligne d'écoute téléphonique peut aussi être d'un grand secours, pour que les salariés atteints de ces troubles s'y manifestent anonymement. La plupart des grandes entreprises du CAC 40 l'ont d'ailleurs mis en place. Mi-novembre, pour les TPE et PME qui n'ont pas les moyens de s'offrir ce service, le ministère du Travail a lancé un numéro vert et gratuit pour les salariés en détresse. « Même si elles ne sont pas toujours utilisées, la seule présence de ces lignes rassure », plaide Jean Pralong, psychologue du travail.

Dans cette crise, les médecins du travail, psychologues et assistances sociales, font leur retour en force auprès des directions. Et de nouveaux métiers apparaissent : les Aéroports de Paris par exemple, y ont ajouté, dans chaque service, des « préventeurs », dont le rôle est de détecter les signaux de malaise des employés.

« Très présents aux USA, les « Chief Health officer » arrivent en France, observe aussi Caroline Hondré, directrice générale France d'international SOS, spécialisée dans l'accompagnement des entreprises en matière de santé et de sécurité. Dotés d'une formation médicale, ces « CHO» s'occupent de la gestion de l'épidémie, « mais aussi du bien-être physique et mental des salariés. »

bonheur



Enfin, un des principaux défis des entreprises est d'inventer de nouveaux espaces de sociabilité. Très offensifs sur ce sujet, les syndicats demandent par exemple à avoir accès aux adresses mails professionnels de chaque salarié. Anticipant que le traditionnel local syndical basculera bientôt en virtuel, ces organisations militent aussi pour obtenir des espaces dédiés visibles sur les « home page » des intranets. « Mais pour le moment, les directions ont peur, elles trainent des pieds », regrette Laurent Berger, le leader de la CFDT.

Dans la plupart des entreprises, il est encore trop tôt pour formaliser l'ensemble de ces changements. Les directions parent à l'urgence, trop occupées à suivre les directives sanitaires gouvernementales, à s'adapter à la propagation de l'épidémie. A anticiper d'éventuels reconfinements. Aussi, en 2021, même si elle est identifiée comme nécessaire, la prévention des risques psychosociaux promet d'être vite évacuée par les difficultés de trésorerie. « Ce début d'année, on nous appelle beaucoup pour accompagner des plans de départs », regrette Emmanuel Charlot, de la FIRPS. Pour aider ceux qui quittent l'entreprise, mais aussi ceux qui resteront dans les effectifs.... même à distance. Le tsunami économique promet de l'emporter sur tout le reste.

> Lire le DOSSIER - « Télétravail : un progrès pour tous ? »

Commentaires 11
à écrit le 14/03/2021 à 18:20
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C'est un strapontin palliatif... rien de plus.

à écrit le 17/02/2021 à 22:00
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C'est curieux, le télétravail devient la panacée, mais quelques psy tirent la sonnette d'alarme. Essayez donc de construire une équipe dans laquelle chacun reste chez soit ? Une petite nuance, avant l'individu avait un métier, maintenant il a un j...

le 10/05/2021 à 20:36
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Une équipe qui a besoin en permanence de se voir et d'être managée n'est pas une équipe mais une bande d'électrons libres dont les membres vont dans tous les sens et qui ont besoin d'un atome pour les faire tourner comme il faut. Je travaille dans u...

à écrit le 14/01/2021 à 10:48
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crash test? non puisqu'il s'agit d'agir, donc ce n'est pas un test, car le test sous entend que cela se produit avant la période de réalisation !!

à écrit le 14/01/2021 à 10:00
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Le teletravail est un forme de nouvelle norme sociale pour le travail mais en réalité les salariés ont besoin de se retrouver pour travailler en equipe et en reunion donc faire "entreprise". Le télétravail n'est pas toute la solution d'avenir comme s...

le 18/02/2021 à 10:56
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Vous avez bien exposé les faiblesses du télétravail, (malgré ses atouts sociétaux incontestables) : perte de motivation et considération du salarié, sentiment d'isolement avec risque d'absence de w en équipe, flicage du petit chef et fuite face aux r...

à écrit le 14/01/2021 à 8:21
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"Et n'oubliez pas de porter les masques et de bien vous laver les mains au gel hydroalcoollique !" Dixit au téléphone le petit chef, de chez lui, qui s'est enfin trouvé une compétence à sa mesure lui permettant de se justifier à lui-même son gros...

à écrit le 14/01/2021 à 4:04
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En Coree, le concept de bureau / logement existe depuis depuis au moins 20 annees. Il s'agit de vivre sur son lieu de travail ou l'on profite en "meme temps" comme dirait le minus, de degrevement fiscaux interessants ainsi qu'un prix attractif en ca...

à écrit le 13/01/2021 à 18:15
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C'est surtout un crash pour les salariés dont l'état psychiatrique ne cesse de se détériorer. Désastre économique, psychologique, sanitaire, humain. La gestion de la pandémie va causer autant (sinon plus) de dégâts que la pandémie. Paradoxe d'une s...

à écrit le 13/01/2021 à 16:56
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Télé travail puis TV puis chômage .

à écrit le 13/01/2021 à 14:43
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Une chronique intitulée : " Né en 1998, le concept bureau logement était prémonitoire" publiée sur Women e Life un magazine féminin indépendant ouvert sur le monde permet à l'auteur d'un rapport sur la transformation de bureaux en logements d...

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