Loi immigration : le volet « régularisations » des travailleurs sans-papiers durci par les sénateurs

La mesure emblématique du projet de loi immigration sur les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, a été remplacée au Sénat par un article hostile à la création d'un droit automatique à la régularisation. La gauche dénonce cette nouvelle version du texte, tandis que le gouvernement la juge « acceptable ».
La nouvelle version du texte des Sénateurs prévoit que le titre de séjour soit accordé par les préfets « au cas par cas » et « à titre exceptionnel ».
La nouvelle version du texte des Sénateurs prévoit que le titre de séjour soit accordé par les préfets « au cas par cas » et « à titre exceptionnel ». (Crédits : Reuters)

Tour de vis sur le projet de loi immigration en cours d'examen. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le Sénat a voté un durcissement du volet régularisation dans les métiers en tension. Un durcissement jugé « acceptable » par le gouvernement, en quête d'un accord à tout prix au Parlement.

Fort d'un accord négocié in extremis entre les deux pans de sa majorité de droite et du centre sous l'œil approbateur du gouvernement, le Sénat a supprimé la mesure initiale de l'exécutif et lui a immédiatement substitué son propre dispositif restreint.

Un titre de séjour accordé par les préfets « au cas par cas »

Exit l'article 3, qui permettait l'octroi d'un titre de séjour « de plein droit » aux travailleurs sans-papiers dans des secteurs en pénurie de main d'œuvre. Ce titre de séjour aurait été d'un an renouvelable et octroyé aux personnes justifiant de trois ans de présence en France, ainsi que de huit fiches de paie. Plébiscitée par l'aile gauche du camp présidentiel, la mesure a été érigée comme ligne rouge par Les Républicains, qui y voient un « droit automatique » et craignent un « appel d'air ».

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Place désormais à l'article « 4 bis », qui prévoit dans ces secteurs d'activité un titre de séjour accordé par les préfets « au cas par cas » et « à titre exceptionnel », ce qui ne créerait pas « un droit opposable à la régularisation » pour les sans-papiers, se félicitent les rédacteurs de l'article. Par ailleurs, la procédure sera « strictement encadrée » et assortie de multiples conditions, dont celle du respect des « valeurs de la République ». Le demandeur devra également justifier d'au moins trois ans de résidence ininterrompue en France pour se voir délivrer une carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié » d'un an.

La délivrance de la carte de séjour « serait en outre conditionnée à un examen par l'administration de la réalité et de la nature des activités professionnelles de l'étranger, de son insertion sociale et familiale, de son respect de l'ordre public, de son intégration à la société française, à ses modes de vie et à ses valeurs, ainsi que de son respect des principes de la République », peut-on lire dans cette nouvelle version du texte.

Le travailleur pourra lui-même déposer sa demande de régularisation

Celui-ci conserve, en revanche, la caractéristique centrale de la proposition gouvernementale : celle permettant aux travailleurs en situation irrégulière de déposer eux-mêmes une demande de régularisation, sans obtenir l'aval de leur employeur, qui n'y a pas toujours intérêt.

« L'important, c'est l'esprit de compromis que veut le gouvernement pour avoir l'essentiel de ce qu'il demande : une mesure de régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis très longtemps et dont les patrons refusent de les régulariser », a déclaré mercredi soir Gérald Darmanin.

Ce dernier a repris en substance ce qu'il avait affirmé en ouverture des débats au Sénat lundi faire sauter le « verrou » de l'employeur permettra de faire sortir ces personnes du « joug » de certains patrons « voyous » ou « peu scrupuleux ».

Aujourd'hui, pour être régularisé au titre de la circulaire « Valls » de 2012 (6.000 à 10.000 régularisations par le travail chaque année), un employé doit présenter une promesse d'embauche signée par son employeur: une procédure « moyen-âgeuse », a dénoncé le ministre de l'Intérieur. « L'employeur n'a plus à valider la demande de régularisation du salarié, c'est au salarié de fournir les preuves de son travail », a résumé à ce sujet le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille.

Compromis trouvé avec la droite sénatoriale

Au cœur de l'examen d'un texte surtout axé sur le contrôle de l'immigration et la simplification des procédures d'expulsion des étrangers délinquants, ce dispositif d'intégration des immigrés par le travail cristallise les débats depuis des mois... Et la chambre haute n'a pas échappé à la tension ambiante, au bout d'une soirée d'invectives en séance.

Le compromis trouvé par la majorité sénatoriale de droite (à 226 voix contre 119) est « acceptable pour le gouvernement », a estimé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a expliqué que ce volet entraînerait la publication d'une « nouvelle circulaire ». Le ministre soumettra en décembre cette rédaction à l'Assemblée nationale, où le camp présidentiel ne dispose pas de majorité absolue.

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« À l'Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l'exécutif, tout le texte de l'exécutif. Y compris le volet sur les régularisations », a promis dans Le Figaro le député Renaissance Sacha Houlié, incarnation du volet social de la réforme. Longtemps divisés sur cette mesure, les sénateurs LR et centristes ont accordé leurs violons pour éviter un rejet pur et simple du texte, hypothèse qualifiée par certains de « dramatique » pour la « légitimité » de la Haute Assemblée.

Le vote solennel prévu mardi prochain sur l'ensemble du texte devrait confirmer un durcissement très sévère de la réforme, avec plusieurs marqueurs de la droite déjà intégrés: suppression de l'aide médicale d'État, resserrement du regroupement familial, quotas migratoires, rétablissement du délit de séjour irrégulier...

La gauche vent debout

« Ce texte, c'est le cabinet des horreurs, une capitulation en rase campagne du gouvernement, un jeu de bonneteau où l'on supprime un article pour le réécrire en pire », s'est indigné le sénateur écologiste Thomas Dossus. 

Le président du groupe socialiste Patrick Kanner a lui épinglé une « darmanisation du texte de loi » et demandé au ministre de l'Intérieur de « lancer un avis de recherche pour ministre disparu ». Un tacle sur l'absence au banc cette semaine d'Olivier Dussopt, ministre du Travail qui portait initialement le volet « intégration » du texte.

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Les débats se sont clairement tendus ce mercredi sur la question du droit du sol, restreint par les sénateurs. Stéphane Ravier (Reconquête) a notamment suscité la bronca lorsqu'il a estimé qu'un « veau qui naît dans une écurie, cela ne fera jamais de lui un cheval ». La gauche a hurlé au « racisme ».

Avec ce texte musclé qui se dessine, le gouvernement s'aménage-t-il une voie de passage à l'Assemblée avec les votes du groupe LR ou l'abstention de celui-ci ? Ce dernier « pourrait se satisfaire de la copie du Sénat », a reconnu la députée LR Annie Genevard à l'association des journalistes parlementaires (AJP). Avec un bémol majeur : « J'attends surtout de voir ce que l'Assemblée nationale va en faire ».

La droite brandit en effet sans répit la menace d'une motion de censure si le gouvernement préfère activer l'article 49.3 pour éviter un vote, même si celle-ci a peu de chances d'aboutir sans le soutien de la gauche.

(Avec AFP)

Commentaires 9
à écrit le 02/12/2023 à 20:16
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bonjour comment faire pour ceux les patrons demandent un titre de sejour Mme d'une autre personne ?

à écrit le 12/11/2023 à 10:04
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C'est une loi magnifique car la plupart des salariés qui travaillent dur sont des ouvriers de carrières : sans eux, la France serait en crise.Je préfère mettre en œuvre cette loi car, malgré la volonté de la France, elle a été dure pour ces gens, mai...

à écrit le 11/11/2023 à 11:25
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Bonjour, C'est magnifique ces bonnes idées de grande morale. Toute cette invasion qui ne veut pas dîre son nom elle va aller ou? Ben en île de France et un peu Marseille. On va les loger ou? Avec le changement climatique on 'ne peut pas artifici...

à écrit le 09/11/2023 à 17:45
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Cette régularisation sous couvert d'humanisme n'est qu'un artifice pour amnistier tous les patrons voyou esclavagistes qui recrutent des victimes d'un trafic d'êtres humains. Ces esclavagistes devraient être en prison et leur entreprise radiée, avec ...

à écrit le 09/11/2023 à 15:24
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Avant d'en accepter d'autres, renvoyer chez eux tous les travailleurs sans papiers non Français qui vont perdre leur emploi d'ici fin 2024 dans le BTP et donc leur interdire une quelconque indemnisation "chômage" Française.

à écrit le 09/11/2023 à 11:56
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Régulariser, ça permet aussi de contrôler. Essentiel

à écrit le 09/11/2023 à 11:38
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La goooche ... toujours égale à elle-même, empêtrée dans son idéologie dépassée

le 09/11/2023 à 15:18
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@Suffren - Vous préférez l'idéologie récente de la Russie de Poutine, celle du PCC staliniste de Xi Jin Ping, celle éclairée de Kim Jong Un? Une idéologie dépassée serait celle du Droit, DES Droits?

à écrit le 09/11/2023 à 9:18
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Une fois revenu à l'A.N. ce projet de loi subira le nettoyage du 49.3 comme d'habitude ! Mais chacun aura fait sa promo et ne dira mot !;-)

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