LA TRIBUNE - Le maire a-t-il encore du pouvoir entre le marteau des « gilets jaunes » et l'enclume des intercommunalités ?
RAUL MAGNI-BERTON - Le maire a toujours du pouvoir mais ce dernier diminue avec le temps. Outre le fait que des compétences partent à l'intercommunalité, leur marge de manœuvre reste faible du fait du poids des contraintes légales et réglementaires sur leur action. Malgré cela, les maires demeurent très populaires dans l'opinion publique, étant les élus plus proches des habitants. Cela peut parfois se retourner contre eux car ils engendrent des attentes qui ne peuvent être satisfaites du fait de leur faible marge de manœuvre.
Vous défendez le principe de « subsidiarité ascendante ». A quoi pensez-vous concrètement ?
L'article 72 de la Constitution stipule que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon », mais l'interprétation de « le mieux mis en œuvre » reste entièrement appréciée par l'Etat central et la loi. C'est bien le problème. Nous proposons donc de donner aux collectivités la compétence de décider quelles compétences elles estiment pouvoir exercer.
L'Etat reste très centralisateur...
L'Etat demeure en effet extrêmement présent. Dans les parties consacrées aux collectivités territoriales dans la Constitution, les références à la loi sont très nombreuses. L'article 72 stipule par exemple que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». Or les conditions prévues par la loi sont nombreuses et empêchent, de fait, la libre administration d'une commune. C'est pourquoi, actuellement, la loi est l'échelon pertinent en lieu et place des territoires !
Comment inverser la tendance ?
Il faut essayer de voir où se trouvent les éléments pour donner des compétences aux collectivités locales. L'article L1111-8-1 du Code général des collectivités territoriales, sur le principe de libre administration, énonce deux principes : « (...) l'Etat peut déléguer par convention à une collectivité territoriale (...) qui en fait la demande l'exercice de certaines de ses compétences » et « Les compétences déléguées (...) ne peuvent habiliter les collectivités (...) à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement ».
D'une part, nous recommandons de modifier, dans le premier principe, le « peut » par « doit » pour que les collectivités soient décisionnaires. De l'autre, de supprimer le « ne » dans le deuxième principe afin qu'elles n'héritent pas du poids de la norme qui pèse sur leurs épaules. Dans ce cas, les collectivités pourraient enfin réclamer une compétence et l'exercer en dérogeant à la loi ou aux réglementations.
La loi 3D pourrait-elle être un bon levier pour changer cela ?
Le projet de loi sur la différenciation, la décentralisation et la déconcentration est centré sur des principes constitutionnels qui ne se traduisent pas concrètement, car restant dans la Constitution et n'étant pas exprimés dans la loi...