Pesticides : les ONG et la Confédération paysanne vent debout contre la révision d’Ecophyto voulue par l’exécutif

Alors que le gouvernement a promis aux agriculteurs de revoir l'indicateur historique du plan de réduction des pesticides, pour le remplacer par un outil de mesure européen, la pilule ne passe pas pour les ONG environnementales et la Confédération paysanne. Cette dernière a même indiqué qu'elle ne participera pas à la consultation. De son côté, la FNSEA, le syndicat majoritaire, se satisfait de la proposition.
(Crédits : Reuters)

L'idée de l'exécutif de réviser le plan Ecophyto 2030 ne passe pas chez les ONG environnementales. « 15 ans de travail à la poubelle », ont en effet réagi certaines d'entre elles, alors que le gouvernement a mis en consultation sa proposition dans une tentative de satisfaire les principaux syndicats agricoles d'ici au Salon de l'agriculture dans une semaine.

Le principe : mettre en débat un changement de l'indicateur français du plan de réduction des pesticides dans la feuille de route soumise au Comité d'orientation stratégique et de suivi (Cos). Une nouvelle douche froide pour les ONG, après la décision du Premier ministre de mettre « à l'arrêt » le troisième plan Ecophyto, annoncée le 1er février pour calmer les agriculteurs en colère.

« On craint que cette consultation ne soit que cosmétique. On ne veut pas faire de procès d'intention, mais on ne veut pas non plus se faire avoir », a déclaré à l'Agence France-Presse (AFP) François Veillerette, porte-parole de l'association contre l'agriculture intensive utilisant des pesticides et engrais de synthèse Générations Futures.

La FNSEA satisfaite de la proposition

Les membres du Cos - représentants agricoles, syndicaux, administratifs, élus et ONG - ont jusqu'à vendredi minuit pour donner leur avis, avant une décision finale de l'exécutif attendue d'ici l'ouverture du salon le 24 février.

La FNSEA, premier syndicat agricole, se satisfait de la proposition d'intégrer un indicateur européen, le HRI1, comme nouvel outil de référence, à côté ou à la place de l'indicateur français de mesure de l'utilisation des pesticides, Nodu, accusé de ne pas refléter les efforts de réduction des agriculteurs mais soutenu par les ONG.

Depuis son lancement en 2008, au lendemain du Grenelle de l'Environnement, le plan Ecophyto se fonde en effet, pour évaluer les progrès dans le recours en France aux produits phytosanitaires, sur le Nodu (Nombre de doses unités). Défini avec l'ensemble des parties prenantes, cet indicateur complexe revient à diviser la masse de substances phytopharmaceutiques vendues par une dose maximale homologuée par application et par substance, comme nous l'expliquions il y a quelques jours. Il mesure donc le « nombre moyen de traitements (annuels, ndlr) », souligne sur son site le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Et il tient compte de l'efficacité de chaque substance, souvent liée à sa dangerosité, et des volumes qu'il en faut pour un même résultat, souligne Corentin Barbu, chercheur à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Entre 2009 et 2018, il est passé de 82 à 120,3 millions, mais il est revenu à 85,7 millions en 2021. Le gouvernement voudrait le réduire à 50 millions en 2030.

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Les ONG dénoncent une consultation « biaisée »

Or, selon François Veillerette, « le Nodu correspond parfaitement  aux objectifs du plan Ecophyto consistant, depuis ses origines, à réduire la dépendance de l'agriculture aux pesticides » Résultat : même si le « maintien du Nodu agricole » n'est pas clairement écarté à ce stade, mais les associations environnementales dénoncent une consultation « biaisée ».

Et pour cause, l'on en croit le porte-parole de Générations Futures, « changer le Nodu » reviendrait à « changer la nature du plan » Ecophyto puisqu'abandonner cet outil de mesure ne permettrait plus d'évaluer de façon cohérente la trajectoire de réduction des pesticides, censés diminuer de moitié d'ici 2030 par rapport à 2015-2017.

Le Nodu « nous permet d'avoir un historique de 15 ans et il nous permet d'aborder l'avenir », abonde Thomas Uthayakumar, de la Fondation pour la Nature et l'Homme, joint par l'AFP.

« Changer le thermomètre, ça n'a pas sens dans un moment où l'on travaille depuis 15 ans sur la réduction des pesticides », ajoute-t-l.

« Ce n'est pas un choix qu'on change du jour au lendemain, là c'est 15 ans de travail qu'on met à la poubelle d'un coup ! », déplore encore François Veillerette auprès de l'AFP. « Aujourd'hui on est très peu confiants. »

Le dialogue continue

« Le Cos, c'est une série de réunion dans lesquelles on a déjà donné nos recommandations : on a joué le jeu et on a partagé notre contribution », rappelle Thomas Uthayakumar. Les ONG ont l'intention de « se coordonner en inter-associations pour répondre au formulaire » qui leur a été donné, ajoute-t-il.

Elles comptent « continuer le dialogue », selon Jean Burkard, directeur du plaidoyer chez WWF France, pour qui il ne faut pas perdre de vu avant tout « l'effet » des pesticides.

« On a toujours besoin de continuer à expliquer pourquoi les pesticides sont dangereux et pourquoi il faut en réduire l'usage », a-t-il déclaré. « La question n'est pas tellement le pesticide en lui-même, mais ce sont ses effets sur les sols, sur la population, etc. »

Critiques du HRI1, l'outil de mesure européen

Le HRI1, récent outil européen, est « un très mauvais indicateur » car il « suit la dangerosité des substances actives estimée à priori » et « ne documente pas du tout les effets de cette substance une fois qu'elle est sous forme de pesticide mise dans la nature », justifie Jean Burkard.

De son côté, la Confédération paysanne « refuse de participer à la consultation », a indiqué à l'AFP Laurence Marandola, porte-parole du 3e syndicat agricole, né des luttes paysannes altermondialistes.

Pour elle, les modifications d'indicateurs vont « à l'inverse du principe de simplification » et vise à réduire « artificiellement » l'usage des pesticides, sans « changement de pratiques » agricoles, vers le modèle agro-écologique soutenue par la Confédération.

Débats intenses

Les producteurs de produits phytosanitaires (ou pesticides), quant à eux, critiquent abondamment le Nodu, ainsi qu'une grande partie des agriculteurs. « Essentiellement basé sur les volumes », le Nodu ne reflète en effet pas assez les efforts des agriculteurs ayant renoncé, du fait des évolutions réglementaires, aux substances actives les plus nocives, a déploré le 8 février l'association Phyteis, qui représente les principaux fabricants de pesticides en France. La hausse de 17% des tonnes de matières actives vendues par les adhérents de Phyteis entre 2021 et 2022 (de 55.400 à 64.898) serait donc « en trompe l'œil », puisqu'elle s'expliquerait « en grande partie par la croissance des ventes de matières actives utilisables en agriculture biologique (UAB) », selon l'association.

Contacté par l'AFP, le cabinet du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau n'avait pas donné suite vendredi soir.

(Avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 18/02/2024 à 9:08
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BAYER, VW, le troisième reich tout ça... Nos dirigeants sont faibles.

à écrit le 17/02/2024 à 21:34
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En fait, en toute rigueur, pour une fois, la FNSEA n'a pas totalement tort. Il ne faut pas uniquement se baser sur les quantités dans l'environnement, mais aussi sur la dangerosité des substances actives. Par exemple, considérons une substance activ...

à écrit le 17/02/2024 à 16:12
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Laissons les agriculteurs polluer leurs terres, leurs productions et risquer leur vie puisqu'il semble que ce soit leur choix. En contrepartie, la mise en place d'un étiquetage spécifique et bien lisible précisant que les produits vendus en frais o...

à écrit le 17/02/2024 à 13:59
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La fnsea préfère voir ses adhérents être intoxiqués et contracter des maladies et autres cancers plutôt que d'étudier d'autres solutions !!!

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