Agriculteurs : Bruxelles rétropédale sur l'usage des pesticides

La semaine passée, la Commission européenne a annoncé un certain nombre de mesures destinées à apaiser la colère des agriculteurs. Si le mouvement social semble, en apparence, s'être assagi, l'exécutif bruxellois continue de donner des gages aux exploitants du Vieux continent. Ce mardi, sa présidente, Ursula von der Leyen, a carrément proposé le retrait d'un projet législatif.
Ursula von der Leyen a proposé ce mardi le retrait d'un projet législatif (Photo d'illustration).
Ursula von der Leyen a proposé ce mardi le retrait d'un projet législatif (Photo d'illustration). (Crédits : YVES HERMAN)

[Article publié le mardi 06 février 2024 à 10h04 et mis à jour à 12h20] L'annonce ne manquera sans doute pas de faire bondir les lobbys écologistes et éthiques faisant pression sur l'exécutif européen à Bruxelles. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé aux eurodéputés ce mardi le retrait d'un projet législatif. Celui-ci prévoit en effet de réduire de moitié l'usage des pesticides au sein de l'Union européenne, à l'horizon 2030 (par rapport à la période 2015-2017).

Le retrait intervient à quelques heures de l'annonce d'une feuille de route où Bruxelles recommandera un objectif climatique pour 2040, qui devrait relativement épargner l'agriculture (11% des émissions de gaz à effet de serre européennes).

« La proposition est devenue un symbole de polarisation », rejetée fin novembre au Parlement européen tandis que s'enlisaient les négociations entre Etats, a-t-elle constaté à Strasbourg.

« Je proposerai (aux commissaires) de retirer cette proposition », a-t-elle ajouté.

Lire aussi« L'agriculture est conciliable avec les ambitions écologiques » (Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique)

Un dossier mis sur le côté

De là à enterrer définitivement le projet ? Pas de sitôt. « Le sujet reste d'actualité », mais « pour avancer, davantage de dialogue et une approche différente sont nécessaires. La Commission pourrait faire une nouvelle proposition beaucoup plus mûre, avec la participation des parties prenantes », a nuancé Ursula von der Leyen, sans avancer de date.

« Les agriculteurs ont besoin de raisons économiques de prendre des mesures de protection de la nature, peut-être ne leur avons-nous pas exposé ces raisons de manière convaincante », a-t-elle regretté.

Le Copa-Cogeca, représentant des organisations agricoles majoritaires au niveau européen, avait fustigé « un pur texte idéologique, mal calibré, irréaliste et non financé ». Le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE, a salué l'annonce du retrait : « Il est crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l'agriculture, le dialogue continue ».

Pour rappel, le Parlement européen avait rejeté la proposition fin novembre, après des amendements d'élus PPE (droite) la vidant largement de sa substance pour éviter des contraintes « irréalistes » au monde agricole. Un rejet rarissime qui contribuait à l'enterrer de facto.

Théoriquement, les ministres de l'Agriculture pouvaient continuer à débattre du texte. En pratique, toutefois, les négociations entre les Vingt-Sept sont durablement enlisées, plusieurs Etats s'alarmant de l'impact sur les rendements et la production.

En France, le plan Ecophyto mis en « pause »

Le timing de cette annonce est loin d'être anodin. Outre un contexte législatif tendu - a fortiori à l'approche des élections européennes, en juin prochain -, cette déclaration intervient quelques jours après un sommet européen, jeudi dernier, sur le budget de l'UE, mais qui a toutefois été largement dominé par la mobilisation agricole. Plus d'un millier de tracteurs s'étaient en effet postés devant le siège de la Commission européenne.

Lire aussiAgriculteurs européens en colère : Bruxelles prend des mesures pour limiter les importations

Cette dernière a proposé la semaine dernière d'accorder une dérogation partielle aux obligations de jachères et de limiter les importations agricoles ukrainiennes, après avoir déjà renoncé l'an dernier à proposer un texte sur l'étiquetage nutritionnel (type Nutriscore). Ursula von der Leyen a encore une fois assuré ce mardi prendre conscience du malaise agricole : face aux effets du changement climatique et de la guerre en Ukraine, « nombre d'agriculteurs se sentent acculés (..) Ils méritent d'être écoutés ».

« Ils savent aussi que l'agriculture doit s'orienter vers un modèle de production plus durable, nous voulons faire en sorte qu'ils restent aux commandes du processus », a-t-elle souligné, rappelant avoir lancé en janvier un « dialogue stratégique » avec le secteur sur les perspectives d'avenir.

« Il nous faut aller au-delà d'un débat polarisé, instaurer la confiance (...) Nous devons éviter de nous rejeter mutuellement la faute, et chercher ensemble des solutions aux problèmes », a-t-elle plaidé.

La France renonce, pour le moment, au plan Ecophyto

En France, les propos d'Ursula von der Leyen ne devraient pas non plus laisser les agriculteurs indifférents, alors que s'ouvre le Salon de l'agriculture, le 24 février prochain. Ils résonnent surtout avec l'annonce du gouvernement de Gabriel Attal. Jeudi dernier, le Premier ministre a annoncé la mise en « pause » du plan Ecophyto qui fixe des objectifs de baisse d'usage des pesticides et cristallise la colère des producteurs de grandes cultures, provoquant la consternation du parti Les Ecologistes qui a dénoncé un « recul inacceptable » et « dramatique ».

Lire aussiMarc Fesneau et Christophe Béchu, l'autre coopération paysanne

Dans l'Hexagone, le futur plan Ecophyto 2030 est censé réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017). Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a assuré dimanche qu'il ne s'agissait pas d'un« retour en arrière » mais d'une simple « pause » et réitéré l'objectif de baisse de 50%.

Au tour d'UFC-Que Choisir de lister ses préconisations

Planet-score, interdiction des polluants éternels, pesticides... A l'approche des élections européennes de juin, l'UFC-Que Choisir a révélé ce mardi ses préconisations pour que le marché européen soit « plus sûr, plus juste » du point de vue des consommateurs.

Observant que « les nouveaux élus devront prendre leurs fonctions dans un contexte marqué par l'inflation (alimentaire, mais aussi énergétique...), de nombreux défis numériques, sans oublier la crise climatique », la présidente de l'association française Marie-Amandine Stévenin juge « crucial que la voix des aspirants à une société de consommation plus juste, sobre et responsable soit entendue ».

Parmi les préconisations de l'association membre du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), l'adoption d'un étiquetage de la durabilité alimentaire au niveau européen ; une révision des lignes directrices sur la procédure d'autorisation des pesticides ; l'interdiction à l'échelle européenne des substances poly- et perfluoroalkylées ; ou encore une meilleure protection des consommateurs contre la fraude bancaire en ligne.

La quinzaine de préconisations permettent « de souligner l'importance de l'Europe » dans la vie quotidienne des citoyens, plaide encore Marie-Amandine Stévenin, appelant les futurs représentants européens à « les porter dans le débat » en amont de leur élection « et dans le cadre de leur prochain mandat ».

(Avec AFP)

Commentaires 33
à écrit le 07/02/2024 à 3:22
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Pourrait on connaître le salaire de cette dame ?

le 07/02/2024 à 7:49
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C'est difficile vu que nous ne pouvons pas connaître les mouvements d'argent des paradis fiscaux ! Mais avec des gros employeurs comme Pfyzer et Bayer elle ne doit pas acvoir de problèmes de fin de mois c'est sûr ! ^^

le 07/02/2024 à 14:30
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Azerty. Salaire annuel: 432 000.00 €. Patrimoine: ?🤔

à écrit le 06/02/2024 à 23:23
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On travaille à Bruxelles comme à Paris: on y vote des décisions dont on sait pertinemment qu'elles vont provoquer des crises sur le terrain. Le comble, c'est que le Peuple est sensé élire SES représentants qui devraient donc être prévoir le mécontent...

à écrit le 06/02/2024 à 20:20
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Bienvenue dans le Saint-Empire germanique dont l'avant-poste Bruxelles suit les ordres de Berlin financé par Bayer (feu IG Farben) dont la filiale Monsanto subie un déferlement d'amendes américaines nécessitant d'urgence une recapitalisation europ...

à écrit le 06/02/2024 à 18:34
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La Commission européenne continuera d'être ce Don Quichotte de l'Union économique et monétaire européenne. Un moulin à vent! En 1960, bien avant la création de l’euro, l'économiste canadien Robert Mundell devait énumérer les conditions de succès d’u...

à écrit le 06/02/2024 à 17:47
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Bonjour, Personnellement je suis contre la réduction des mesures environnementale, la réduction des pesticides et engrais chimiques est impérative.... La pollution des sols et des nappes d'eau est réelle et malheureusement du a l'agriculture.. Bie...

le 07/02/2024 à 9:24
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Le lamentable déculottage des politiciens face à une bande de nantis (vous avez déjà vu les comptes financiers des exploitations françaises céréalières ???) est non seulement anormal et amoral, mais c'est aussi un appel à continuer à nous empoisonner...

à écrit le 06/02/2024 à 16:47
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Je crois que sur les pesticides il faudrait surtout bcp plus de contrôles (et très précis) sur les produits finis quelle que soit leur provenance et sur les nappes phréatiques et des sanctions très dures à posteriori plutôt que des règlements inappli...

le 06/02/2024 à 17:13
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@BCE.Pourquoi devrait-on contrôler les paysans français et accepter les produits pollués venant de l'étranger sur nos marchés. Ca s'appelle se tirer une balle dans le pied !!!!

le 06/02/2024 à 18:00
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@Calamard Justement, en controlant massivement les produits sur les marchés (à la vente) on peut contrôler tous les produits, inclus ceux d'importation et vérifier le contenu en pesticides et sanctionner tout le monde sans discrimination vers les pr...

à écrit le 06/02/2024 à 15:47
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Rétro-pédalage de la Commission européenne? Je crains que cela ne soit que de la com le temps que la révolte des agriculteurs se tasse! L'avenir dira si je me suis trompé, par contre ne comptons pas sur les médias de grand chemin pour nous le dire cl...

à écrit le 06/02/2024 à 15:32
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Des plans écophyto y en a déjà eu deux en France, sans succès (-50% espéré à chaque fois, 0 voire +x% obtenu). Mais y a-t-il en face de chaque molécule une méthode pour s'en passer, et ne pas perdre les récoltes ? Peut-être faire les études scientifi...

à écrit le 06/02/2024 à 15:14
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" la consternation du parti Les Ecologistes" ces gens ont conduit la France vers la pénurie énergétique en ruinant notre industrie nucléaire , ne les laissons pas ruiner l'agriculture et nous conduire vers la dépendance alimentaire.

le 06/02/2024 à 16:19
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Comme vous pouvez le voir, les écologistes sont au pouvoir depuis 40 ans ? Si FLAMANTVILLE n'est pas service, c'est à cause des écolos ? Si les énergies renouvelables en FRANCE ont un retard énorme, c'est la faute des écolos? Si les centrales nuc...

le 06/02/2024 à 17:45
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Depuis quand les écologistes sont ils au pouvoir ? 60 pour cent des insectes et la moitié des oiseaux ont disparus. Y'a des perturbateurs endocriniens partout. Des algues vertes et des sargasses gachent nos plages. Une épidémie d'obésité. C'est surt...

à écrit le 06/02/2024 à 14:41
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La commission comme les gouvernements refusent de légiférer en concertation avec les intéressés. Ce problème de plus en plus criant pose le problème de la fausse démocratie européenne. Les gouvernements sont aujourd'hui les meilleurs "colleurs d'affi...

le 06/02/2024 à 16:15
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Rassurez moi ! Les "intéressés" dans votre esprit, ce sont bien les consommateurs qui se retrouvent avec des pesticides dans leurs assiettes ? ...

à écrit le 06/02/2024 à 14:25
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La solution est simple, tant que les pays importateurs ne respecteront pas nos normes, alors supprimons les restrictions intérieures à la France. Supprimons aussi les quotas de pèches car nous importons des poissons que nous n'avons plus le droit d...

le 06/02/2024 à 17:47
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Votre raisonnement devrait plutôt prôner un arrêt des importations. Si on s'aligne sur le pire alors on est aspiré vers le néant et le mal.

à écrit le 06/02/2024 à 14:10
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Je crois que les agriculteurs français sont rentrés chez eux, ont obtenu beaucoup (trop), mais ne sont toujours pas satisfaits (les prix..). Les agriculteurs allemands, qui ont moins obtenu (les taxes sur le gasoil) vont se mobiliser.. Reste ensuite ...

à écrit le 06/02/2024 à 13:50
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Le consommateur et le citoyen voit que l’ Europe se décrédibilise .. on va demander le même traitement pour les importations et le mécano industriel et financier mis en place ces 30 dernières années . Pour la réforme des retraites etc ... qu on foute...

à écrit le 06/02/2024 à 13:49
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Le consommateur et le citoyen voit que l’ Europe se décrédibilise .. on va demander le même traitement pour les importations et le mécano industriel et financier mis en place ces 30 dernières années .. qu on foute dehors ces « multinationales gafam ...

à écrit le 06/02/2024 à 13:48
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Sacrifier l’environnement sous la pression de l'équivalent européen de la fnsea pour ne pas avoir à sortir de son dogmatisme libéral et remettre en cause les traités de libres échanges (probablement poussé par l'allemagne qui cherche de nouveaux débo...

à écrit le 06/02/2024 à 13:38
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Ce coup ci, c'est pesticide avant que ce ne passe au sujet suivant. Face à tous les "désagréments" que nous prépare l'avenir, ce n'est pas la collectivité qui va nous protéger. A chacun d'envisager son futur et le vivre au mieux de ses espérances et ...

à écrit le 06/02/2024 à 13:36
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Où que l'on regarde, elle est nulle

à écrit le 06/02/2024 à 12:13
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Nous en sommes toujours à une " vision " , à une interprétation mécanique et donc " économique " de la Vie ; la Vie n' est plus sacrée et : " En l' absence de sacré plus rien n' est sacré TOUT EST à VENDRE " disait un sage Onondaga

à écrit le 06/02/2024 à 11:40
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Mort à l'écologie punitive. Au lieu de s'occuper de la fin de l'espèce humaine les politiques commencent à comprendre qu'il vaut mieux s'occuper de la fin du mois de ceux qui votent 😁

le 06/02/2024 à 12:38
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Et au final, le pauvre dindon de la farce, ce sont des personnes comme vous. Vous engraissez les actionnaires du secteur de l'agro-alimentaire, vous versez vos impôts qui tombent dans le poche des agriculteurs et vous mangez des produits contenant de...

le 06/02/2024 à 13:32
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On peut tous revenir au potager, plus besoin d'aller chez Leclerc !

le 06/02/2024 à 17:49
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On ne peut même pas revenir au potager car en région parisienne l'Anses déconseille la consommation des oeufs de ses poules tellement nous sommes pollués par les incinérateurs. Mais chut, les oeufs de pros, non ils sont propres.

à écrit le 06/02/2024 à 11:33
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L'Europe égale à elle-même, soumise aux lobbys industriels et s'en fichant des citoyens et de l'avenir des jeunes générations. Pendant ce temps, ces cadres bien payés achètent bio car c'est tellement meilleur pour la santé (ce type de magasins est pr...

à écrit le 06/02/2024 à 10:29
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Ah ?! De madame Pfyzer à madame BAYER ? Logique.

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