
Emmanuel Macron veut accélérer « la mère des batailles ». Après les trois mois houleux de la réforme des retraites, le chef de l'Etat tente de reprendre la main sur l'agenda politique en mettant les bouchées doubles sur la réindustrialisation. Lors d'une longue allocution au palais de l'Elysée ce jeudi 11 mai, le chef de l'Etat a déroulé sa stratégie de réindustrialisation pour les quatre prochaines années de son second mandat. Entouré d'un parterre de ministres et de chefs d'entreprise, il a fait quelques annonces sur le projet de loi industrie verte qui sera détaillé lors du conseil des ministres la semaine prochaine. «La bataille de la réindustrialisation est clé sur le plan politique et géopolitique. Il nous faut plus de travail, de capital et de progrès technique pour avoir une réponse au climat et à la biodiversité », a déclaré le quadragénaire.
Avant de détailler ce plan, il a vanté son bilan des six dernières années en matière de politique macroéconomique assurant que la France avait crée 300 usines sur le dernier quinquennat après en avoir détruit 600 sur la période 2008-2016. Il compte d'ailleurs occuper le terrain ce vendredi en se rendant à Dunkerque pour visiter l'usine Aluminium. « Dans les 20 dernières années, ce territoire a perdu plus de 6.000 emplois, dans les prochaines années, à peu près 2030, ils envisagent de créer près de 16.000 emplois industriels », a expliqué récemment son entourage. Lundi prochain, il déroulera le tapis rouge à 200 chefs d'entreprise dans le cadre prestigieux du château de Versailles pour le sommet Choose France. Le président doit annoncer un montant « record » d'investissements.
Un milliard d'euros pour dégager du foncier industriel
La question du foncier est particulièrement brûlante pour enclencher cette réindustrialisation. L'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) en 2020 inscrit dans la loi Climat a provoqué de vifs débats ces derniers mois sur la préparation du projet de loi industrie verte. Pour rappel, l'Etat avait nommé au début de l'année le préfet Rollon Mouchel-Blaisot chargé d'apporter des propositions concrètes sur ce sujet hautement explosif.
Lors de son intervention, Emmanuel Macron a annoncé une enveloppe de un milliard d'euros qui seront investis par la Banque des territoires pour dégager du foncier industriel disponible. « Il s'agit d'avoir une stratégie nationale pour obtenir des sites France 2030. On a environ besoin de 20.000 à 30.000 hectares pour réindustrialiser massivement. Or, la France a plus de 100.00 hectares de friches disponibles. Il faut s'attaquer à ces sites en dépolluant. On va identifier ces sites avec les collectivités », a indiqué Emmanuel Macron. Le gouvernement veut également accélérer les procédures en réduisant le délai d'obtention des permis à neuf mois. « Il s'agit de diviser par deux le délai d'obtention des permis. Il faut accélérer sans dérèglementer les procédures environnementales. Ce serait incohérent. Il faut mettre en place toutes les procédures en parallèle », a-t-il ajouté.
Un crédit d'impôt industrie verte
Sur le front fiscal, Emmanuel Macron entend poursuivre sa politique de l'offre en baissant les impôts sur les entreprises. Il a confirmé la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) des entreprises en 2024. « La France va mettre en place un crédit d'impôt industrie verte pour les batteries, les pompes à chaleur, les panneaux solaires, les éoliennes. Cela va permettre de déclencher 20 milliards d'euros d'investissement d'ici 2030 », a-t-il annoncé. En revanche, Emmanuel Macron n'a pas donné les détails et les conditions d'éligibilité de ce crédit d'impôt.
Le ministre de l'Economie devrait dévoiler les contours de ce nouvel outil à l'issue du conseil des ministres. Sur le crédit d'impôt recherche, Emmanuel Macron n'a pas annoncé de verdissement alors que cette option était sur la table. Chasse gardée de certains milieux patronaux, l'efficacité de cette niche fiscale est contestée par la Cour des comptes et certains économistes. Quelques entreprises avaient même demandé une réforme de ce crédit en évoquant des conditions plus strictes.
Un bonus écologique
L'autre grande annonce du plan d'Emmanuel Macron concerne la mise en place d'un bonus écologique. « C'est un changement très fort de notre politique », a insisté le président. Cet outil doit « favoriser la production de véhicules en Europe ». « Pourquoi on serait la seule région au monde à soutenir la production de véhicules chez d'autres partenaires ? », a-t-il poursuivi. Ce bonus devra prendre en compte l'empreinte carbone de la fabrication des véhicules.
Inspirée directement de l'Inflation Reduction Act (IRA) du plan Biden aux Etats-Unis, cette mesure jugée protectionniste pourrait être un tournant dans la politique économique européenne. Mais ce bonus pourrait prendre du temps. « Si on disait à la Commission de changer d'un coup toutes les règles du jeu de la concurrence, on n'y arriverait pas. Il va falloir adapter nos règles de concurrence comme on l'a fait pour les semi conducteurs et les matériaux critiques », a prévenu le commissaire européen Thierry Breton en charge de l'industrie également présent à l'événement.
700 millions d'euros pour refaire la carte des formations
Enfin le dernier volet important évoqué par Emmanuel Macron concerne l'apprentissage, la formation et les compétences. « 60.000 emplois sont non pourvus dans l'industrie », a rappelé Emmanuel Macron. Pour réduire ce déficit, l'ancien ministre de l'Economie compte sur la réforme des lycées professionnels présenté la semaine dernière. « La réindustrialisation est une opportunité formidable pour les lycées professionnels. Il faut fermer les filières sans débouchés et ouvrir des filières où il y en a. On va investir sur le zéro décrochage dans les lycées professionnels », a-t-il souligné. Il veut également « rapprocher l'école et l'université et le monde de l'entreprise » et « aussi accélérer l'ouverture de formations aux métiers de l'industrie ». Des chantiers qui pourraient prendre des années avant de se concrétiser.
L'industrie française en quelques chiffres L'industrie tricolore compte 260.000 entreprises, dont 84.000 micro-entreprises selon l'Insee. Ces établissements font travailler 3,1 millions de salariés, soit un quart des salariés du secteur marchand non agricole et non financier. La richesse produite par ces entreprises est relativement importante (1.100 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 291 milliards d'euros en 2020) alors qu'elles ne représentent que 8% des entreprises. Ces firmes sont davantage tournés vers l'extérieur que les autres secteurs. Elles réalisent 37% de leur chiffre d'affaires à l'exportation, soit deux fois plus que l'ensemble des entreprises selon l'institut de statistiques.