Retraites : « La crise sociale a eu un impact sur la volonté d'entreprendre » (Guillaume Pepy, Initiative France)

ENTRETIEN. Après une année 2022 marquée par la guerre en Ukraine, Guillaume Pepy, le patron du réseau associatif de financement des entreprises Initiative France, dresse une situation économique tricolore contrastée pour 2023. L'ex-dirigeant de la SNCF pointe le risque d'une économie à plusieurs vitesses, entre les grands groupes qui ont pu anticiper l'accumulation des difficultés et les TPE qui prennent les chocs de plein fouet. Il considère que ces crises peuvent aussi être des facteurs d'opportunité.
Grégoire Normand
Guillaume Pepy.
Guillaume Pepy. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Plus d'un an après l'éclatement de la guerre en Ukraine, quel bilan tirez-vous pour les entreprises accompagnées par le réseau Initiative France ?

GUILLAUME PEPY - En 2022, il y a eu une forte hausse du nombre de projets accompagnés (+7%) alors que le nombre de créations d'entreprises a augmenté de 4% en France. Dans le détail, ce sont surtout les reprises d'entreprises existantes qui ont soutenu cette hausse. Le nombre de reprises a augmenté de 22%. Reprendre une activité peut être synonyme de sécurité. Les reprises sont un moyen de sauver de l'emploi et de l'activité locale. Les porteurs de projets sont extrêmement attachés à ces objectifs.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises depuis un an ?

La situation est contrastée. La crise énergétique, la transition environnementale et le retour du local peuvent être autant d'opportunités pour des nouveaux entrepreneurs de se lancer. Ils ont rapidement compris ce que sera l'économie de demain. Ce sera une économie de proximité où les circuits-courts et le recyclage seront dans les esprits de tous. En revanche, la guerre en Ukraine, l'inflation et les difficultés d'approvisionnement représentent des obstacles sur le parcours de la création d'entreprise. Loin de décourager, ces freins ont plutôt renforcé l'envie des entrepreneurs de réussir.

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La réforme des retraites a-t-elle mis sur pause les initiatives chez les porteurs de projets et les entrepreneurs ?

Les trois mois de conflit sur les retraites ont pesé sur la psychologie collective. La crise sociale a eu un impact sur la volonté d'entreprendre. Le moteur de l'entrepreneuriat est la confiance en soi et la confiance dans la société et l'économie. Ces derniers mois, la société s'est déchirée sur ce projet qui a occupé une grande partie de l'espace médiatique.

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Les prix de l'énergie sont retombés ces derniers mois. Malgré cet essoufflement, beaucoup d'indépendants continuent d'alerter sur les risques en cascade de cette inflation. Comment aidez-vous les entreprises confrontées à cette explosion des prix ?

Tout le monde a désormais conscience que l'on va vivre dans un monde d'énergie chère. Il y a peu de chances pour que l'on revienne à une énergie quasi-gratuite. La vraie réponse est dans la sobriété énergétique. Nous conseillons à nos porteurs de projet de réfléchir à l'optimisation de la consommation d'énergie. Il ne faut pas compter sur des aides pérennes et le retour à une énergie bon marché.

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Quels sont vos principaux chantiers pour 2023 ?

2023 pourrait être plus difficile. On remarque beaucoup de signes de procrastination. Il faut mettre le paquet sur le local et sur les jeunes, les femmes, les habitants des quartiers de la politique de la ville. On a lancé en fin d'année 2022 une campagne de recrutement de bénévoles pour accompagner les porteurs de projet. 100% des projets doivent avoir un impact positif sur la société. Nous demandons aux porteurs de projet de réfléchir sur les actions qu'ils apportent pour leur territoire, pour faciliter la transition environnementale.

Dans le monde de l'entrepreneuriat, les femmes sont toujours victimes de discrimination. Comment expliquez-vous la persistance de ce phénomène ?

La part des projets portée par des femmes est passée à 43% l'année dernière. C'est toujours 7 points de moins que les hommes mais c'est en progrès. Les difficultés rencontrées sont principalement les clichés et les préjugés. 25% des femmes qui entreprennent disent ressentir ces clichés. Les femmes peuvent également s'auto-censurer. Elles peuvent s'interroger sur leur propre légitimité, leur compétence. Il faut donc aider les femmes à avoir confiance en elles. Mon objectif est de parvenir à la parité dans la création d'entreprise d'ici trois ans.

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Depuis plusieurs années, les démissions se multiplient dans plusieurs secteurs. Assistez-vous à une montée en puissance des reconversions chez les nouveaux entrepreneurs accompagnés par votre réseau ?

Oui, il y a une montée incontestable des reconversions. Entreprendre se fait désormais à tout âge, quelle que soit la situation dans la vie d'avant. On trouve beaucoup de gens qui avaient des postes en CDI et basculent tout d'un coup dans l'entrepreneuriat. Les personnes en préretraite ne se voient pas forcément sans activité professionnelle.

Certains veulent donner un sens à leur vie professionnelle. De plus en plus de personnes se lancent dans des projets collectifs. Un tiers des entreprises accompagnées sont des reconversions. Autrement dit, la reconversion ne fait plus peur.

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Cette volonté de reconversion illustre-t-elle un nouveau rapport au travail ?

Cette hausse des reconversions montre qu'il n'y a plus de choix faits pour toute la vie. L'idée qu'on va choisir son métier entre 20 et 30 ans pour toute la vie est révolue. Beaucoup de personnes changent désormais de secteur professionnel. Cela montre une ouverture.

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L'économie française marque le pas depuis plusieurs trimestres. D'un côté, certains secteurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu. D'autres n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'activité d'avant crise sanitaire. Ce coup de frein ne risque-t-il pas de favoriser une économie à plusieurs vitesses ?

Les très grands groupes français s'en tirent très bien car ils ont pu anticiper. Ces groupes ont des contrats de long terme. En revanche, les TPE et les PME prennent tous les chocs de plein fouet. Face au choc économique et au choc de confiance, l'année 2023 pourrait être plus incertaine pour l'entrepreneuriat.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 14
à écrit le 14/10/2023 à 10:31
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Il ne se passe pas une semaine sans qu'il y ait un problème majeur sur une ligne de la SNCF ! Guillaume Pépy aurait du être mis en examen pour avoir laissé cette entreprise dans un tel état de délabrement. Mais aussi pour les deux accidents mortels s...

à écrit le 23/04/2023 à 9:50
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La France le pays qui droit créer le plus d'associations, de hauts machins, le conseil d'etat, pour partie le conseil constitutionel le conseil eco social environnemental etc. M.Pepy sympathique est un des élus de cette vaste fumisterie francaise. ...

à écrit le 22/04/2023 à 13:59
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Il ne se passe pas une semaine sans qu'il y ait un problème majeur sur une ligne de la SNCF ! Guillaume Pépy aurait du être mis en examen pour avoir laissé cette entreprise dans un tel état de délabrement. Mais aussi pour les deux accidents mortels s...

à écrit le 21/04/2023 à 10:56
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Aujourd'hui : "La France redevient le pays européen où l'électricité est la plus chère !" beau bilan les incapables payés un pognon de dingue... avec appart de fonction en plein Paris et chauffeur/limousine...

à écrit le 21/04/2023 à 10:09
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Qui a vraiment envie d'entreprendre se fiche de la "crise des retraites". Et il sait depuis longtemps que la seule reforme de retraites qui marche est son épargne.

à écrit le 21/04/2023 à 9:35
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Le monde est en crises permanente depuis l'instauration de la spéculation boursières. Ce modèles économique issue de la théorie des jeux est ravageur pour l'environnement et la société. Nous avons pourtant constaté au XX ième siècle l’extrême nocivit...

le 21/04/2023 à 10:09
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parole d un retraité ou pas. 64 ans au mois de mai ? la crise sociale est présente

à écrit le 21/04/2023 à 9:34
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Entreprendre est évidemment possible en France, mais la difficulté est de savoir s’entourer de personnes à l’esprit positif, comprenant les limites de leurs revendications. La SNCF est un nid de guêpes, l’exemple même d’une situation quasi irrécupéra...

le 21/04/2023 à 10:00
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@BH: La SNCF, ce n'est pas que la CGT; c'est aussi ses dirigeants et la tutelle de l'Etat ou plutôt des gouvernements qui ne savent ni prévoir ni financer les projets; citez-moi des dirigeants qui ont marqué la SNCF?

le 21/04/2023 à 15:37
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Voici un exemple de ceux qui coulent la SNCF : Sur les six premiers mois de 2017, avant de devenir ministre des Armées, Florence Parly a touché 80% de sa rémunération annuelle prévue auprès de son employeur, la SNCF. Ses émoluments la placent au p...

le 21/04/2023 à 23:44
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Un avis sur la sncf que vous ne connaissez pas visiblement, faut potsssez ces dossiers au lieu de déclarer n importe quoi .. . Taux de de syndicalisation à la sncf : 1975: 47%. 2023: 8%…. Résultat élection syndicss as’ 1975: cgt 78% 2023: 37% Effec...

à écrit le 21/04/2023 à 9:13
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"La crise sociale a eu un impact sur la volonté d'entreprendre" venant d'un haut fonctionnaire pantouflard public/privé, au fait c'est quoi sa spécialité et pourrait-il nous parler de son bilan..

à écrit le 21/04/2023 à 9:01
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La crise sociale a été désiré par les hautes instances française pour soumettre les français, il y a forcement des conséquences indésirables ! ;-)

à écrit le 21/04/2023 à 6:51
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Pepy la pantoufle donne son avis. Consternant pays de fonctionnaires.

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