La perspective d'une réforme des retraites avant la fin du quinquennat s'éloigne. Alors qu'Emmanuel Macron avait relancé le débat sur ce chantier explosif lors d'un déplacement dans le Lot au début du mois de juin, l'accélération du variant Delta dans les chaînes de contamination et la stagnation de la campagne de vaccination ont obligé le chef de l'Etat à revoir ses plans. Lors de son adresse aux Français le 12 juillet dernier, le quadragénaire a laissé entendre qu'il ne lancera pas cette réforme "tant que l'épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée". Il a par ailleurs laissé entendre que si réforme il y a, ce ne sera pas "la même". Celui qui avait promis de s'attaquer à "la mère des réformes" avec la mise en place d'un système par points et un âge pivot va peut-être devoir renoncer à ce vaste chantier.
A l'approche de l'élection présidentielle, le calendrier semble très réduit alors que la plupart des partenaires sociaux ont exprimé leur opposition à l'issue d'une récente réunion à Matignon. Dans ce contexte, le comité de suivi des retraites (CSR) dirigé par Didier Blanchet, ancien directeur des études et synthèses économiques à l'Insee, a remis au Premier ministre ce jeudi 15 juillet son huitième avis sur les enseignements des dernières projections. "La température est redescendue sur le sujet des retraites. Le comité de suivi doit rendre un avis tous les ans depuis 2014. On est censé suivre un minimum d'indicateurs liés à la pérennité du système des retraites. Le système des retraites a déjà beaucoup été réformé. L'âge de départ est censé arriver progressivement à 64 ans à l'horizon de 2040", a rappelé l'économiste lors d'un point presse. De son côté, le Premier ministre Jean Castex a estimé dans un communiqué que "comme dans ses avis précédents, le CSR rappelle également le besoin de clarification, d'équité et d'harmonisation du système, ce qu'avait cherché à réaliser le projet de système universel." Matignon a ajouté que "ces analyses alimenteront les réflexions que le gouvernement est en train de mener sur le sujet."
Des besoins en financement moins élevés que prévu
La pandémie a mis à rude épreuve le financement de la protection sociale en France. La baisse de l'activité et des cotisations ont mécaniquement fait chuter les recettes du système de retraites. Malgré cette année 2020 cataclysmique, les statisticiens ont révisé à la hausse leurs prévisions en raison d'un choc économique moins violent qu'anticipé. "La croissance du PIB effectif s'élèverait ainsi à +4 % en 2022, 2,3 % en 2023 et 1,6 % en 2024. Le cumul de ces révisions donne une trajectoire du PIB en niveau plus favorable que dans les projections de novembre dernier", expliquent les auteurs de l'avis. En revanche, les perspectives de croissance à plus long terme sont moins positives. La pandémie pourrait affecter durablement la productivité selon les courbes projetées dans l'avis.
Un surcoût lié au Covid "sous contrôle"
Le surcoût lié au Covid est "sous contrôle" et ne nécessitera pas de mesures supplémentaires, puisqu'il a été décidé que le déficit serait remboursé par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), a noté le président du Comité de suivi, Didier Blanchet, lors d'un point de presse. "En l'état des projections", cette problématique "a des effets circonscrits aux toutes premières années, avec un pic de déficits en 2020 et 2021", détaille l'avis.
Après des projections alarmistes allant jusqu'à 29,4 milliards d'euros de déficit pour l'ensemble des régimes de retraite en 2020, le COR avait finalement revu ce chiffre à la baisse à 13 milliards d'euros, dans un rapport publié en juin 2021. "Les déficits de nature plus structurelle, eux, perdureraient au-delà, avant de commencer à se résorber, selon certains des indicateurs, autour de 2030", poursuit le comité dans son document adressé au Premier ministre Jean Castex.
Un arbitrage sur le niveau de dépenses
Cette projection se base sur le maintien de la part des dépenses de retraites dans le PIB à 13,5% (part actuelle, hors période de crise) et ne nécessiterait que "des ajustements mineurs pour ce qui concerne le calcul des droits". En revanche, si l'on considère "que ce niveau de 13,5% est trop élevé au regard des autres besoins à couvrir par la dépense publique", il faudra recourir à "un recul plus marqué de l'âge de la retraite et/ou un repli plus important du niveau de vie relatif des retraités" pour obtenir un système à l'équilibre, note le comité. Dans son avis, il rappelle qu'il ne lui appartient pas de se prononcer en faveur de telle ou telle mesure. "Ce sont des questions éminemment politiques, un problème d'arbitrage global de finances publiques", indique Didier Blanchet. De son côté, le jury citoyen souligne "qu'à long terme, d'après les hypothèses centrales présentées par le Conseil d'orientation des retraites, la part des retraites dans le PIB reste stable et l'équilibre financier du système de retraite semble assuré. Dans ces conditions, ils ne jugent pas souhaitable de prendre des mesures d'équilibrage financier à court terme, d'autant qu'elles pèseraient sur le niveau de vie relatif des futurs retraités déjà en forte baisse dans les prochaines années".